Au roulage en configuration air-air avec un bidon supersonique et une maquette de MICA IR (utilisée uniquement pour l'entraînement et la simulation), le Rafale DQ QA202.
Texte et photos : Mathieu Mounicq.
Depuis le 8 avril, Dassault Aviation assure la formation des pilotes qataris sur Rafale EQ (monoplace) et DQ (biplace) à partir de l'aéroport de Bordeaux-Mérignac. Cette prestation prévue sur deux mois s'inscrit dans le cadre des contrats export de 36 Rafale pour la Force aérienne de l'Emir du Qatar et vient compléter la formation initiale qui a été dispensée par l'armée de l'Air sur Rafale depuis les bases aériennes de Saint-Dizier (113) et Mont-de-Marsan (118).
Ce changement s'explique par le fait que l'armée de l'Air n'est plus en capacité, dans le contexte structurel et opérationnel actuel, d'assurer la formation à la fois de ses personnels navigants et des personnels navigants des derniers clients exports Rafale que sont le Qatar et l'Inde.
Lors d'une audition à l'Assemblée Nationale devant les députés de la Commission de la défense nationale et des forces armées, l'ancien Chef d'état-major de l'armée de l'Air (CEMAA), le général André Lanata, expliquait que « pour l’année 2018, l’activité chasse réalisée dans ce cadre représentera tout de même près de 10 % de notre activité, l’équivalent de l’activité chasse de l’opération Barkhane. Il s’agit d’une mission à part entière, qui consomme une part très importante de notre activité ».
Cette activité a aussi été détaillée par le colonel Cédric Gaudillière, commandant de la BA 118 et qui expliquait à Defens'Aero en septembre dernier : « On a trois pilotes de chasse français injectés au sein du Qatar Rafale Squadron (QRS) et une quarantaine de mécaniciens français qui sont monopolisés à plein temps pour effectuer la formation. On leur forme également du personnel du renseignement et de la guerre électronique. Une dizaine d’instructeurs [français, NDLR] sont chargés d’effectuer leur formation. Enfin, on forme aussi leurs futurs moniteurs simulateur. Donc c’est tout un éventail de spécialités, et cela impacte fortement les ressources humaines de Mont-de-Marsan. Mais eux, cela leur permet d’être formés au plus près de l’utilisateur ».
« Les Qataris volent sur des Rafale français, et c’est environ cinq machines qui sont monopolisées pour former les pilotes et les mécaniciens, soit environ plus de 1 500 heures effectuées à Mont-de-Marsan en 2018 au profit de la formation des Qataris, au sein de la 30ème escadre », ajoutait-il également.
Dans les faits, les pilotes qataris effectuent des vols en place arrière des Rafale DQ en vols d'essais depuis déjà plusieurs mois, comme par exemple ici lors d'un vol du Rafale DQ QA203 fin février.
Mérignac, un aéroport civil (de nouveau) transformé en base de chasse
Même s'il est vrai que Mérignac est le point de départ hebdomadaire des avions de chasse Dassault en vol d'essais et héberge toujours la base aérienne 106 de l'armée de l'Air, la plateforme n'accueille plus d'avions de chasse basés depuis le départ des Jaguar de l'Escadron de Chasse 4/11 « Jura », en 1992.
Cet état de fait et la présence de nombreux riverains sur les communes limitrophes de l'aéroport induisent de nombreuses contraintes sur les deux mois de formation Rafale destinés au Qatar et la formation Rafale ab initio des personnels navigants indiens planifiée entre octobre 2019 et mars 2021.
Ainsi, Dassault Aviation travaille en concertation avec la Direction Générale de l'Aviation Civile (DGAC) afin de limiter au maximum les nuisances sonores générées par les évolutions quotidiennes de Rafale depuis l'aéroport. Les mesures prises sont les suivantes : les vols se font uniquement du lundi au vendredi entre 8h30 et 18h00, avec l'absence de vols le lundi matin et le vendredi après-midi, une limitation de l'usage de la post-combustion au décollage, une délocalisation des vols en patrouille de quatre appareils et des vols de nuit sur la base aérienne d'Istres, ainsi que des arrivées au break avec tour de piste au-dessus des installations industrielles.
Des études sont toujours en cours afin de limiter les nuisances sonores au décollage. Plusieurs pistes sont explorées : limitation du temps d'usage de la post-combustion, montée rapide au-dessus de l'emprise de l'aéroport, ...
L'arrivée des avions au break permet de limiter au maximum le temps passé en tour de piste et ainsi, les nuisances sonores. Les contrôleurs aériens civils ont été formés à cette approche particulière.
Un "mini-escadron" de chasse français
Dassault Aviation a organisé son école de formation des pilotes de Rafale étrangers en se basant sur le fonctionnement d'un escadron de chasse de l'armée de l'Air. Outre ce cadre administratif, l'avionneur s'est également doté d'instructeurs qui sont d'anciens pilotes de Rafale dans l'armée de l'Air et particulièrement expérimentés, l'un d'eux étant notamment un des anciens pilotes et coachs du Rafale Solo Display Team.
L'unité procède à environ trois sorties quotidiennes avec une ou deux machines sous l'indicatif « Volvic ». Les entrainements se déroulent dans les zones d'entrainements de l'armée de l'Air, nombreuses dans le sud de la France, au-dessus de l'océan et à l'intérieur des terres. Le volume de missions prévues pendant les deux mois de formation des pilotes qataris est d'environ 72 sorties aériennes. Le volume planifié sur la période de formation ab initio des personnels navigants indiens est lui beaucoup plus important puisque 800 vols sont pour l'instant prévus.
Sous la surveillance de son instructeur français, un stagiaire qatari dirige un Rafale DQ vers le seuil de piste.
Mission du 12 avril
Les photos ci-après présentent le départ et le retour du vol d'entrainement de la patrouille de Rafale DQ « Volvic 1-1 » et « Volvic 1-2 », le 12 avril.