Après avoir mené plusieurs campagnes avec des KC-130J de l'Aeronautica Militare afin de former les pilotes des H225M Caracal (anciennement EC725) au ravitaillement en vol de jour, l'Escadron d'Hélicoptère 1/67 «Pyrénées» vient d'ajouter une nouvelle capacité à son escadron avec la qualification de plusieurs pilotes d'hélicoptères au ravitaillement en vol de nuit.
En effet, du 22 au 26 Février 2016, deux MC-130J Super Hercules du 352nd Special Operations Wing de l'US Air Force se sont rendus sur la base aérienne 120 de Cazaux afin de participer à une «campagne de ravitaillement en vol pour l’entraînement, la formation et la qualification de ses équipages à cette procédure de jour comme de nuit», comme l'explique l'Armée de l'Air.
Outre la qualification de jour, qui était déjà acquise par un certain nombre de pilotes, et utilisée quelques fois dans l'immensité de la bande sahélo-saharienne, cette campagne de ravitaillement a permis de qualifier «la majorité des pilotes de combat opérationnel de l’unité» au ravitaillement en vol de nuit avec l'utilisation des Jumelles de Vision Nocturne (JVN).
Arrivés de la base aérienne de Mildenhall, au Royaume-Uni, les deux MC-130J ont rejoint la base aérienne de Cazaux afin de mener les vols avec les équipages français aux larges des côtes Ouest françaises, dans le golfe de Gascogne.
Durant ces cinq journées et ces quatre nuits, les pilotes du «Pyrénées» ont enchaîné les vols de jour et de nuit, afin de parfaire leurs entraînements pour les pilotes déjà détenteurs de cette spécialité, et de former et de qualifier les pilotes qui ne l'étaient pas.
La manoeuvre, très délicate, voit la rejointe du MC-130J par le Carcal par l'arrière de l'avion de transport. De nuit, les JVN sont indispensables afin de pouvoir voir le ravitailleur bien à l'avance, alors qu'il ne serait visible seulement quelques mètres avant à l'oeil nu.
L'hélicoptère de l'Armée de l'Air va se connecter au panier de quatre-vingt centimètres de large, déployé grâce au tuyau souple d'environ vingt mètres, qui se tient derrière l'avion, aux extrémités des ailes.
La manoeuvre est particulièrement périlleuse en raison des turbulences provoquées par les turbopropulseurs du Super Hercules, mais aussi et surtout car les appareils évoluent aux limites de leurs domaines de vol. En effet, le Caracal va voler aux alentours de 220km/h, soit presque à son maximum, alors que le Super Hercules va tomber sa vitesse afin de pouvoir rester à proximité de l'hélicoptères, ce qui l'oblige à flirter avec sa vitesse de décrochage, sans jamais toutefois y parvenir.
Au cours des missions menées pendant cette dernière campagne, et selon un article de l'Agence France Presse, qui a pu participer à ces vols, «plus de 180 "plugs"» ont été effectués en «une semaine», et «sept pilotes» ont été qualifiés.
Le commandant Andy, «patron» du 352nd Special Operations Wing, a affirmé, à la suite de ces vols, qu'il a «pu constater le professionnalisme et la précision de pilotage [des pilotes français] lors de cette manœuvre délicate de ravitaillement en vol, surtout de nuit».
L'acquisition de cette nouvelle capacité est un véritablement changement au sein de l'Armée de l'Air française, et du Commandement des Opérations Spéciales (COS), dont dépend l'escadron.
Seule force aérienne à être qualifiée à ce type de mission dans le monde, juste après les Etats-Unis qui en sont capables depuis plus de quarante ans, «l'ouverture de ce nouveau domaine constitue un enjeu de taille pour les équipages du "Pyrénées"», confie l'Armée de l'Air dans son communiqué.
Dorénavant, cette capacité va pouvoir être mise en service au profit des missions CSAR (Combat Search And Rescue - Recherche et Sauvetage au Combat, en français), qui nécessite parfois de pénétrer en profondeur au sein du territoire ennemi sur plusieurs kilomètres, comme cela peut-être le cas en Irak et en Syrie.
Cette capacité va aussi permettre de pouvoir modifier la façon dont étaient menées les opérations spéciales, notamment au sein de la bande sahélo-saharienne, dans le cadre de l'opération Barkhane. La zone d'opérations, qui est comparable, en taille, à l'Europe (de la côte Ouest jusqu'aux pays de l'Est), pourra être couverte beaucoup plus efficacement lors de missions spéciales.
Actuellement, et sans ravitaillement en vol, un Caracal dispose d'une autonomie de quatre heures avec ses réservoirs internes. Les hélicoptères et leurs pilotes étaient alors obligés, si ils devaient continuer encore sur plusieurs kilomètres, de se poser, parfois dans des conditions difficiles (vent, chaleur, poussière), et de se ravitailler auprès d'un camion citerne du Service des Essences des Armées.
Cette manoeuvre, dite de «posé poussière», posait des problèmes de logistique, puisqu'il fallait acheminer un convoi sur zone, parfois sur plusieurs kilomètres, les équipages et les militaires pouvaient être également exposés aux tirs adversaires, les hélicos souffraient beaucoup de la poussière lors des atterrissages et des décollages, et l'effet de surprise, nécessaire pour les missions des forces spéciales, pouvait aussi être perdu.
La possibilité de se ravitailler en vol la nuit, comme le jour, évite donc tous ces précédents problèmes. Le vol de nuit confère aussi un avantage non négligeable dans des régions comme dans le Sahel. La nuit, les températures étant plus fraîche et la densité de l'air moins importante, cela permet au Caracal d'emporter une charge plus importante. Enfin, dans la nuit noire du désert, il est aussi beaucoup plus difficile de voir arriver les commandos, ce qui confère un effet de surprise qui est parfois la clé de la réussite de la mission.
Actuellement, ces vols ne peuvent être effectués qu'avec la présence d'avions de transport possédants la capacité de ravitailler en vol des aéronefs, que ce soit des hélicoptères, des avions de chasse, ou d'autres avions de transport équipés d'une perche de ravitaillement en vol.
Or, l'Armée de l'Air française, qui espérait avoir cette capacité lors de l'arrivée des A400M «Atlas», ne possède toujours pas d'appareils capables de ravitailler en vol ses hélicoptères H225M Caracal.
Les A400M d'Airbus Defense and Space ne peuvent effectuer ce type de missions en raison de leurs turbopropulseurs et des hélices contrarotatives, qui génèrent trop de turbulences sur l'arrière de l'appareil, et qui ne permettent pas de stabiliser les hélicos.
Pour pallier à ce problème, l'Armée de l'Air a dû se résoudre à commander et acheter sur étagère auprès de l'US Air Force deux C-130J Super Hercules, en version transporteur, ainsi que deux KC-130J, en version ravitailleur.
Cependant, après une commande passée officiellement par la Direction Générale de l'Armement le 29 Janvier 2016, il a été annoncé par cette dernière que la version KC-130J n'arrivera pas dans les forces françaises avant 2019. En attendant, si des missions doivent être menées avec des ravitaillements en vol, l'Armée de l'Air devra faire appel à ses alliés équipés de C-130 équipés de «pods» de ravitaillement en vol.
Toutefois, et selon le site Aerobuzz (lire l'article ici), cinq missions de ce type, mais de jour, ont été réalisées au-dessus des étendues désertiques du Sahel, toujours en coopération avec l'US Air Force. Lors de la réalisation d'une de ces missions, un vol de sept heures a été accompli par les équipages français.