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Et si les militaires français avaient le droit de se syndiquer ?

Et si les militaires français avaient le droit de se syndiquer ?

Et si les militaires français avaient le droit de se syndiquer ?

Depuis maintenant deux semaines, le monde de la Défense est bousculé par les déclarations du député Xavier Bertrand au micro de Europe 1, où il annonçait de nouvelles coupes budgétaires au sein du Ministère de la Défense. S'en est suivi de multiples déclarations de différentes personnalités, comme celles du Premier Ministre Manuel Valls, qui entretient un flou assez important.

A tel point que les trois Chefs d'Etat-Major des trois armées (Terre, Air et Marine) ont menacé de démissionner si de nouvelles coupes budgétaires étaient confirmées. De plus, le Ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui se bat avec courage depuis qu'il est arrivé à l'Hôtel de Brienne, a écrit une lettre à Manuel Valls, pour y exprimer ses inquiétudes vis-à-vis de ces nouvelles suppressions.

Mais comment les militaires français, appartenant à "la Grande Muette", peuvent-ils exprimer leurs mécontentements ? Avant la fin du mois de Juin, la Cour européenne des droits de l'Homme doit se prononcer sur un recours déposé par l'Adefdromil (Association de Défense des Droits des Militaires), qui demande à ce que la France autorise les militaires à pouvoir se syndiquer librement.

Actuellement, quels sont les droits des militaires français ?

Le Code de la Défense stipule plusieurs règles :

- "L'exercice du droit de grève est incompatible avec l'état militaire".

- "L'existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que l'adhésion des militaires en activité de service à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire".

Etant donné que les militaires n'ont ni le droit de grève, ni le droit à la syndicalisation, il revient donc aux supérieurs et aux chefs militaires de faire passer une demande aux autorités compétentes. Cependant, et selon le quotidien l'Express qui cite un officier sous couvert d'anonymat, le militaire qui se plaint est considéré comme "un emmerdeur, un cas social", puisque le soldat, à la base, est censé respecter les consignes qui lui sont imposées et se doit d'obéir, sans discuter. Bien que le matériel soit de plus en plus ancien, et les crédits limités, se plaindre et contester des décisions sera beaucoup plus difficile pour un soldat, que pour un fonctionnaire.

Alors comment protester ?

Aujourd'hui, il existe plusieurs façons de protester. La principale se fait au travers du Web 2.0 et des réseaux sociaux, qui jouent un rôle important dans nos sociétés modernes.

A titre d'exemple, des conjoints de militaires ont créé, en 2012, le collectif "Un paquet de Gauloise" qui dénonce les problèmes liés au logiciel LOUVOIS qui, depuis maintenant plusieurs années, connait des dysfonctionnement comme le non-paiement des soldes des militaires, et de certaines indemnités et primes. Par exemple, il est possible de lire sur le dos des compagnes militaires "Nos maris, pères, enfants ont le devoir de réserve. Nous, NON ! Continuons d'élever nos voix pour ceux qui servent la nation, sans dire un mot et sans leur solde. Courage à eux et leur famille". Leur page Facebook, qui rassemble un peu plus de 17.780 "fans", n'a pas posté de publication depuis le 24 Décembre 2012.

Les médias, en particulier les blogs et les sites qui sont spécialisés dans les questions de Défense sont un moyen supplémentaire pour les militaires pour pouvoir faire passer un message. Ces derniers, tout en restant anonymes, ou non quelques fois, peuvent voir leurs protestations diffusées dans ces médias. Le journaliste ou "blogueur" peut également décider de prendre position dans ce message, et appuyer les dires du militaires, ou il peut simplement faire circuler le message, sans donner son avis.

Facebook est l'un des moyens les plus utilisés. En effet, lorsqu'on lit les commentaires qui sont postés sur la page Facebook de l'Etat-Major des Armées (Armée Française - opérations militaires OPEX (page officielle )), on s'aperçoit que beaucoup de militaires et des membres des familles de ces derniers n'hésitent pas à dénoncer les conditions de vie qu'ils ont pu retrouver sur les théâtres d'opérations, comme en Centrafrique. Par exemple, il est possible de lire un commentaire d'un certain Niko M. qui s'exprime au sujet du service de restauration : "10 000? Ah oui pour les officiers, les sous officiers et les gratteurs de papier c'est sa? Cela fait actuellement 2 mois que je suis en RCA j'ai du faire a l'ordinaire 12 ou 13 repas en contant le petit déjeuné. Arrêter de vendre du rève cette photo est rare! Et effectivement (DETLOG) de Sangaris nos colis sont ou?" (19 Avril). Des militaires qui ne prennent pas le temps de retirer leur nom de famille de sur leur compte Facebook, et qui n'hésitent pas à indiquer de quels régiments ils proviennent.

Pour ce qui est de la contestation "officielle", il existe le Conseil Supérieur de la Fonction Militaire (CSFM). Depuis 1990, cette instance nationale de concertation des personnels militaires "exprime son avis sur les questions de caractère général relatives à la condition et au statut des personnels militaires", selon une note de synthèse, publiée par le Sénat. Les membres de cette commission sont tirés au sort, parmi des militaires volontaires. Mais est-elle réellement efficace... ?

Quels pays européens autorisent ses militaires à se syndiquer ?

Comme en France, les soldats des pays du sud de l'Europe (Espagne, Italie, ou encore Portugal) n'ont pas le droit de se syndiquer.

A contrario, lorsque l'on va vers le Nord de l'Europe, là où la grande majorité des salariés des entreprises sont syndiqués, les militaires ont également ce droit. Dans une note du Sénat, il est écrit qu'en "Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas, les personnels militaires peuvent librement adhérer à n'importe quel syndicat, qu'il s'agisse d'une organisation strictement professionnelle ou affiliée à une centrale civile".

Le Royaume-Uni autorise également ses militaires à se syndiquer, mais Londres les interdit "de participer aux activités revendicatives ou politiques de ces syndicats".

Existe-t-il des syndicats destinés aux militaires ?

Le syndicat apolitique “Centrale Générale du Personnel Militaire” (CGPM) est "une organisation syndicale représentative pour le personnel militaire". La mission de ce syndicat est de "rechercher les meilleures solutions possibles pour défendre les intérêts du personnel, sans perdre de vue le bon fonctionnement de la Défense". Il est possible de consulter le site Internet officiel en cliquant ici, pour avoir un aperçu plus détaillé de son fonctionnement, et de ses missions.

Bien que l'Adefdromil ne soit pas considéré comme un syndicat, puisqu'il officie sous la loi association 1901, ce dernier participe activement à, selon les propos recueillis sur le site "la liberté d’association et du droit d’expression des militaires". Cette association donc, "souhaite donner aux militaires le moyen de faire valoir leurs problèmes et de défendre leurs intérêts, dans le plus grand respect des principes de neutralité et de discipline qui s’attache à leur statut".

En Novembre 2002, les militaires français ont reçu une note stipulant que cette association possède un "caractère syndical", qui est incompatible avec la loi du 13 Juillet 1972. De ce fait, les soldats qui adhéraient à cette association s'exposaient à des sanctions disciplinaires. C'est pourquoi, le président de l'association Michel Bavoil a récemment porté l'affaire devant les instances européennes, après être déjà passé devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, qui avait rejeté le dossier, car se déclarant incompétent. La France viole en effet la résolution du 30 Juin 1988 du Conseil de l'Europe, qui autorise aux personnels professionnels des forces armées de créer des associations qui défendent leurs droits.

Que se passerait-il si la France autorisait les syndicats pour les militaires en France ?

Il est assez difficile de savoir ce qui se passerait si la Cour européenne des droits de l'Homme ordonne à Paris de laisser ses militaires se syndiquer librement. On peut déjà penser que les mécontentements qui sévissent actuellement au sein des armées, comme la suppression des postes, la baisse des crédits alloués au Ministère de la Défense, ... pourraient amener sur un débat plus ouvert et un peu plus public.

Bien que les militaires ne fassent pas grève, ce qui est compréhensible et logique, l'apparition de syndicats de militaires intéresseraient, peut être un peu plus, les citoyens français aux problèmes de la Défense.

Dans un article du média Le Point, qui reprend un compte rendu non signé datant de 2009, et publié sur le site de l'Adefdromil, on apprend "que 33 % des officiers de l'armée de terre seraient favorables à la mise en place de syndicats". Un chiffre qui pourrait bien avoir augmenté depuis cinq ans.