© Dassault Aviation / C. Cosmao - L'Atlantique II M28 rénové au standard 6 au-dessus d'un environnement maritime.
Ce jeudi 24 octobre 2019, avant d'assister à la découpe de la première tôle de la première frégate française de défense et d’intervention (FDI) sur le site de Naval Group à Lorient, la Ministre des Armées Florence Parly s'est rendue sur la base d'aéronautique navale de Lann-Bihoué (Morbilhan), où elle a salué la livraison des deux premiers avions de patrouille maritime Atlantique II (ATL 2) modernisés au standard 6 et livrés par la Direction générale de l'armement (DGA) le 18 juillet pour le prototype (M25) et le 27 août pour le premier appareil de série (M28).
Le communiqué de presse du Ministère des Armées précise que « ce transfert marque la fin des essais de développement du programme de rénovation des Atlantique II », dont les premiers essais avaient débuté en janvier 2016 après la notification du contrat de modernisation en 2013 par la DGA à Dassault Aviation, Thales et le Service industriel de l’aéronautique (SIAé).
Cette livraison intervient après une longue campagne d'essais au sol et en vol qui s'est déroulée depuis la BA 125 d'Istres, la BA 120 de Cazaux et la BAN de Lann-Bihoué. Elle a rassemblé des personnels navigants du Centre d’expérimentations pratiques et de réception de l’aéronautique navale (CEPA/10S), les centres d'expertises et d'essais de la DGA essais en vol (EV), Ingénierie de Projets (IP) et Maitrise de l’Information (MI) et des ingénieurs et techniciens de Dassault Aviation et de Thales qui ont participé à la conception des capteurs embarqués dans l'ATL 2.
En fonction des périodes, plusieurs vols par semaine et de plusieurs heures étaient effectués depuis ces installations. L'ATL2 modernisé a été confronté à des bouées maritimes, des aéronefs rapides et lents, ainsi qu'à des cibles terrestres Les différentes campagnes ont permis de collecter une diversité d’échantillons de données HD radar avec le Search Master dans ses différents modes (Air, Terre, Mer, Imagerie et Search and Rescue).
Au cours de cette campagne d'essais en vol notamment, le nouveau radar Search Master et le nouvel interrogateur IFF TSA2542 ont été testés en vol à compter de janvier 2016. Plus tard, le 4 octobre 2017 et d'après nos informations, l'Atlantique II M25 chargé de l'ensemble de ces essais avait réalisé « son premier vol dans des conditions représentatives d'une mission opérationnelle ». Cette mission avait été conduite par un équipage navigant mixte, composé de personnels issus du CEPA/10S et de spécialistes de chez Dassault Aviation et Thales.
Au cours de ce vol, et toujours selon nos informations, l'ATL 2 a pu conduire une mission en coopération avec un sous-marin d'attaque (SNA) de la Marine nationale. Avant de débuter sa mission de recherche contre le SNA, une calibration de l'ensemble des nouveaux équipements avait été nécessaire. Après sa traque contre le sous-marin pendant environ quatre heures, les opérateurs de bord ont pu poursuivre les expérimentations avec « une passation de contact » entre un hélicoptère NH-90NFH Caïman et l'Atlantique II en question ici. Des sources concordantes nous confirmaient alors que « les résultats obtenus à l'issue de cette mission laissent présager des performances opérationnelles très intéressantes ».
La Direction générale de l'armement précise également dans le communiqué du 24 octobre 2019 que « l’expérimentation opérationnelle de la Marine, débutée à Istres en parallèle des dernières phases d’essais, se poursuit à Lorient pendant les dernières vérifications contractuelles effectuées par la DGA en vue de la qualification ». « Elle a pour but d’élaborer les tactiques d’emploi permettant d’utiliser au mieux les nouvelles capacités de l’aéronef », est-il aussi expliqué. En effet, l'objectif du CEPA10/S (à l'image du CEAM dans l'armée de l'Air) est de définir le mode d'emploi des systèmes et de concevoir le manuel d'utilisation de l'ensemble des nouveaux équipements qui composent l'ATL2 au standard 6.
Si tout se déroule comme prévu dans le calendrier établi, la mise en service opérationnel des Atlantique II au standard 6 doit se faire fin 2021 « après la formation des équipages, la transformation d’un premier lot d’aéronefs, et la livraison du simulateur à terre pour l’entraînement tactique de nouvelle génération (SIMTAC NG), en cours de réalisation sous la conduite de la DGA ». Au total, d'ici 2024, les Flottilles 21F et 23F doivent réceptionner 18 Atlantique II rénovés dans le cadre de la Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 sur les 22 actuellement en service.
Quelques éléments de l'ATL 2 standard 6 avec le cockpit, les différentes consoles de travail et la boule électro-optique MX-20.
Les Atlantique II de la Marine nationale mesurent 31,70m de long, 37,50m de large et 11,10m de haut avec un poids à vide de 25,5t, une charge maximale de 18,5t en carburant et un poids maximal au décollage de 46t. L'ensemble est motorisé par deux turbopropulseurs Rolls Royce Tyne Mk 21 qui délivrent 5 600ch chacun et qui permettent à l'avion d'avoir une vitesse maximale de 648km/h (soit 350 noeuds). Ils disposent d'un plafond pratique de 9,1km (30 000 pieds), d'un rayon d'action de 7 963km (4 300mn) et d'une autonomie en vol de 18 heures.
Les Atlantique II et les système à bord sont mis en oeuvre par un équipage qui varie de 10 à 12 marins en fonction des missions. Il y a deux pilotes (pilote et co-pilote), un mécanicien navigant, un officier coordinateur tactique, cinq opérateurs électroniciens et un à trois observateurs. Il y a sept consoles de travail et des postes d'observation, notamment sur l'avant de l'avion avec son nez vitré.
Au sein de la Marine nationale, les Atlantique II et leur équipage assurent une large gamme de missions au-dessus de l'eau comme de la terre avec tout d'abord de la lutte anti-sous-marine (ASM), des missions de guerre électronique, missions ISR (Intelligence, surveillance et reconnaissance), du recueil de renseignements d'origine image (ROIM) et électromagnétique (ROEM), la destruction de sous-marins, de bâtiments de surface et d'objectifs terrestres, le guidage aérien, ainsi que de la recherche et du sauvetage, la surveillance du trafic et des infractions maritimes.
Pour réaliser ces missions, les ATL 2 disposent de quatre points d'emports sous les ailes et d'une soute interne. Ils mettent en oeuvre deux missiles air-mer anti-navire AM 39 EXOCET, huit torpilles Mk46 ou six torpilles MU90 de 324mm pour la lutte ASM, des grenades anti-sous-marines, des bouées acoustiques, quatre bombes guidées laser GBU-12 contre les objectifs terrestres fixes ou mobiles (notamment lors de leur déploiement en bande sahélo-saharienne ou au Moyen-Orient) ou six chaînes SAR (canots de sauvetage).
En terme d'équipements, l'ATL 2 au standard 6 est équipé du radar Search Master développé par Thales et qui intègre des technologies issues du radar RBE2 AESA à antenne active du Rafale. Situé à l'avant et sous l'appareil, ce radar dispose d'un mode imagerie, anti-sous-marin, de détection et pistage automatique et du nouvel interrogateur IFF TSA2542 qui permet à l'ATL 2 d'identifier les aéronefs ou bâtiments de surface amis ou ennemis et de déterminer leur cap et leur distance.
D'après Mer et marine, ce nouveau radar pèse moins de 80kg, a une portée de 370km (200mn), assure une couverture à 360° et suit jusqu'à 1 000 pistes de tailles et altitudes différentes. Il peut par exemple « détecter à longue portée de petits mobiles de surface, y compris une sortie de périscope par mer formée. Il sera également en mesure de repérer des aéronefs dans son volume de détection, même s’il s’agit de petits engins, comme des drones volant à très basse altitude », écrit le site spécialisé.
Les nacelles situées au bout des ailes et en haut de la dérive accueillent l'Electronic sensor mesure (ESM) qui est « un système de détection d'émission radar à très large bande de veille, capable de détecter des émissions même très brèves » d'après la Marine nationale. A l'arrière de l'avion, dans la queue, est installé le Magnetic anomaly detection (MAD) qui est un « système électronique utilisant le principe du magnétomètre permettant de détecter à distance des masses métalliques immergées sous-marines ».
De plus, l'ATL 2 dispose d'une boule électro-optique Wescam MX-20, installée sous l'avion derrière les ailes. Elle est « équipée de caméras thermiques de dernière génération, de caméras jour HD et de senseurs laser » et permet d'assurer de la détection, classification et de l'identification. Le logiciel LOTI-NG (Logiciel opérationnel de traitement de l'information - Nouvelle génération) sera utilisé afin « d'élaborer une situation d'ensemble des nouveaux senseurs ». Enfin, en interne, ils sont équipés du sous-système de traitement acoustique numérique (STAN) qui permet de « détecter les cibles sous-marines sur un spectre élargi de fréquences et de contrer les nouvelles menaces » assure la Marine.
L'ensemble de ces technologies est coordonné grâce à l'installation d'un cœur tactique à haut débit qui utilise un réseau local Ethernet et qui est développé en coopération entre Dassault Aviation et Naval Group. Enfin, toutes les consoles disposent avec le standard 6 d'écrans plats tactiles à haute définition.