© US Army - Un CH-47F Chinook de la 16th Combat Aviation Brigade de l'US Army lors d'une opération de nuit, en Afghanistan, en juin 2017.
Aujourd’hui et depuis plusieurs dizaines d’années, l’armée de l’Air française et l’Aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) ne disposent pas d’hélicoptères de transport lourd (HTL). Or, ce type d’hélicoptère serait particulièrement utile sur un théâtre d’opérations comme dans la bande sahélo-saharienne où des convois terrestres doivent parcourir plusieurs centaines de kilomètres entre les points d’appuis permanents et les bases avancées temporaires, ce qui use les hommes, le matériel et les exposent à des attaques des groupes terroristes. Pour transporter du matériel, des vivres (eau, nourriture, médicaments…) ou des militaires entre ces bases, les forces armées françaises font parfois appel à des sociétés privées ou aux avions de transport de l’armée de l’Air qui opèrent depuis des pistes sommaires ou réalisent des Largages par air.
Les hélicoptères de manoeuvre (HM) actuellement en service dans l’ALAT et l’armée de l’Air (Puma et Super Puma, NH-90TTH Caïman, Cougar et H225M Caracal) ne peuvent assurer à eux-seuls le transport de tout ce matériel en raison des multiples missions qui leurs sont confiées (EVASAN, EVAMED, actions avec les Forces spéciales, commandement et contrôle, transport d’hommes et de matériels pendant les opérations, etc…) et leurs capacités sont limitées en terme d’emport en raison des contraintes locales (la poussière, le sable, l’indisponibilité et la chaleur qui réduit les performances des machines).
Face à cette situation et à la nécessité de demander le soutien des partenaires américains (Etats-Unis et Canada) ou européens (Royaume-Uni, Danemark, …), il se pourrait que le Ministère français des Armées se lance dans la location d’hélicoptères de transport lourd. En effet, lors de l’audition du 10 octobre 2019 à l’Assemblée Nationale devant les députés de la Commission de la défense nationale et des forces armées, le Chef d’état-major de l’armée de l’Air, le général Philippe Lavigne, a émis cette hypothèse.
« Nous constatons tout le bénéfice des hélicoptères de transport lourd (HTL) dans le cadre de l’opération Barkhane, où nos amis britanniques ont prolongé l’engagement de leurs trois hélicoptères jusqu’à l’été 2020. En liaison avec des partenaires comme l’Allemagne, le Canada et le Royaume-Uni, nous examinons la possibilité de former des pilotes et réfléchissons en parallèle à la location de ce type de capacité », a-t-il déclaré.
Toujours au cours de son audition et en réponse aux questions posées par les parlementaires, le général a ainsi ajouté « qu’une autre piste possible est le recours à l’hélicoptère de transport lourd, comme le démontrent les britanniques en Afrique ». « Je confirme que cette capacité est très intéressante », a-t-il enfin affirmé.
Cette explication vient après que le CEMAA a expliqué que « même si l’A400M a la capacité de se poser sur terrain sommaire, la taille de l’avion et son chargement ne permettent pas de faire ce que fait le C-160, plus petit et emportant une charge plus faible. En revanche, un A400M est capable d’emporter des charges de plusieurs dizaines de tonnes directement depuis la France. Nous sommes en train de développer le largage par air de masses de plus de seize tonnes, que les Britanniques ont également expérimenté. Nous n’avons pas toujours besoin de poser l’appareil grâce à la livraison par air qu’offre l’A400M ».
L’idée d’acquérir des hélicoptères de transport lourd au sein de l’Aviation légère de l’armée de Terre ou de l’armée de l’Air ne date pas d’hier mais pour des raisons diverses (coût de financement et d’exploitation, priorités sur d’autres chantiers ou d’autres flottes, « guerre de clochers », etc…), les crédits n’ont jamais été débloqués et les armées se sont contentées de leurs propres moyens, ceux des alliés quand ils sont disponibles et ceux des privés (moyennant un coût de location parfois très élevé).
Le 26 septembre 2018, toujours lors d’une audition devant la Commission défense de l’Assemblée Nationale, le général Jean-Pierre Bosser, Chef d’état-major de l’armée de Terre, avait envoyé une petite pique à l’armée de l’Air en déclarant que « s’agissant des hélicoptères lourds, les opérations conduites en Afghanistan ont mis en évidence une lacune importante dans ce domaine. Je me félicite donc que les Britanniques aient pu relever les Allemands sur le terrain avec des hélicoptères lourds, alors que ces derniers étaient équipés d’hélicoptères Tigre et NH. Nous n’avons pas cette capacité. Il s’agit d’un choix fait lors de la construction de la loi de programmation militaire, sur lequel nous pourrions vous fournir des clés de lecture. La question doit aussi être posée à l’armée de l’air qui, au cours de la construction de la LPM, avait envisagé de s’équiper d’hélicoptères lourds, qui sont très coûteux et ne sont pas nécessairement compatibles avec le modèle économique d’un pays tel que la France, alors que certains de nos alliés en disposent ».
Enfin, la question de l’acquisition ou de la location d’hélicoptères de transport lourd avait déjà été annoncée publiquement par le général Philippe Lavigne lors d’une précédente audition, le 15 mai 2019, lorsqu’il avait déclaré que des « discussions sont en cours avec l’Allemagne et le Royaume-Uni, concernant soit le Chinook, soit le CH-53. Il n’y a rien dans la LPM à ce sujet. Cette coopération pourrait prendre la forme d’une capacité à former quelques pilotes mais nous n’en sommes qu’au début de la discussion avec nos partenaires allemands et britanniques ». « Quant aux Britanniques, leurs hélicoptères lourds Chinook ont des capacités qui sont parfois équivalentes à celles de nos C160 dans certaines conditions de hautes températures », avait-il souligné.