Actuellement, la Flottille 4F de la Marine nationale dispose d'une flotte de trois E-2C Hawkeye qui sont chargés d'effectuer des missions d'alerte avancée au profit du groupe aéronaval lorsqu'ils sont engagés en mer au sein du groupe aérien embarqué (GAé), depuis le porte-avions Charles de Gaulle. Mais cette Flottille et ses avions, qui viennent d'être modernisés et qui affichent une disponibilité de 48,3% au 31 décembre 2016, s'apprêtent à monter en puissance au cours de la prochaine décennie.
En effet, hier jeudi 26 septembre 2019, la Ministre des Armées Florence Parly a officiellement annoncé à l'occasion d'un interview au journal Les Echos que la France allait commander trois E-2D Advanced Hawkeye à l'avionneur américain Northrop Grumman, sans pour autant donner plus de précisons concernant les conditions d'achat, le prix de ce prochain contrat, la livraison du premier exemplaire, etc… Le blog Lignes de défense précise lui que la livraison se ferait entre 2026 et 2028.
Au cours de ce même interview, il a été notamment affirmé que le budget des forces armées françaises sera de 37,5 milliards d'euros pour 2020 (hors pensions), soit 1,86% du PIB. Ainsi en 2020, entre autres, la Marine nationale va réceptionner deux avions de patrouille maritime Atlantique II rénovés supplémentaires et deux autres hélicoptères NH-90NFH Caïman pour une flotte portée à 26 machines. Au sein de l'armée de l'Air, les cinq premiers Mirage 2000D seront modernisés au standard Mirage 2000D RNV et deux seront livrés toujours en 2020, un second KC-130J Super Hercules sera réceptionné à l'ET 2/61 « Franche-Comté », un troisième A330 MRTT « Phénix » se posera à Istres et enfin, l'ET 1/61 « Touraine » recevra deux autres A400M (pour une flotte de 17 appareils au total). Enfin, dans l'Aviation légère de l'armée de Terre, le programme de rénovation des hélicoptères Tigre sera lancé « dans le cadre d'un partenariat franco-allemand », précise la Ministre, ajoutant également que « ce programme recevra aussi l'appui financier du fonds européen de défense, à compter de 2021 ».
© US Navy - Un E-2D Advanced Hawkeye du Carrier Airborne Early Warning Squadron (VAW) 120 « Greyhawk »
L'E-2D Advanced Hawkeye, dont le premier vol a eu lieu en août 2007, est une version grandement améliorée du E-2C Hawkeye et fait progressivement son entrée en service au sein de l'US Navy après plusieurs mois dans des unités d'expérimentations et l'établissement d'une capacité opérationnelle initiale (IOC, initial operational capability) en octobre 2014. La production en série des Advanced Hawkeye équipés de cette perche a été lancée dans le courant de l'année 2018 afin d'équiper, petit à petit, les flottilles de combat de l'US Navy.
La mise en place d'une capacité de ravitaillement en vol sur cette version du E-2D a impliquée l'installation d'une perche de ravitaillement en vol, de la tuyauterie associée afin d'acheminer le kérosène dans les réservoirs internes et de modifier les systèmes informatiques et l'avionique. Les modifications se portent également sur le radar AN/APY-9, développé par Lockheed Martin, qui dispose de capacités améliorées grâce notamment à l'augmentation du nombre de pistes suivies, qui vont de la détection de l'avion de combat dit de « 5ème génération » aux missiles de croisières.
Avec une détection totale et complète sur 360°, le radar fonctionne de jour comme nuit et par mauvais temps. Outre de la détection, il est aussi capable de guider certains armements qui arriveraient au-delà de la portée de contrôle de leur plate-forme de tir. A titre d'exemple, il peut suivre et contrôler le tir d'un missile air-air AIM-120 AMRAAM ou celui d'un missile sol-air RIM-174 Standard ERAM (aussi appelé SM-6).
Par ailleurs, étant donné l'arrivée des vols de longue durée avec l'intégration de cette capacité, le cockpit a été réaménagé afin de donner une meilleure vision sur l'extérieur à l'équipage, et de nouveaux sièges, plus confortables, ont été installés afin de diminuer la fatigue. L'ensemble de l'intérieur a été revu avec l'intégration de systèmes cryptés de communication par radio et par satellite, d'un nouvel ordinateur de bord plus performant et d'une avionique modernisée avec des écrans tactiles et numériques.
Enfin, les turbopropulseurs Rolls-Royce T56-A-427A ont eux-aussi été améliorés afin de fournir plus de poussée et d'être parfaitement adaptés aux besoins des missions de longue durée suite à la mise en place de la perche.
L'Advanced Hawkeye vole depuis quelques années déjà au sein de l'Airborne Early Warning Squadron 120 (VAW-120), qui a la charge de qualifier les équipages navigants du E-2C à la version E-2D. Il a aussi été employé par le VAW-121 et VAW-125 de l'US Navy, qui a déjà effectué un premier déploiement opérationnel avec cinq E-2D à bord de l'USS Theodore Roosevelt (CVN-71), entre mars et novembre 2015.
A titre d'informations, la Flottille 4F est stationnée sur la base aéronavale de Lann-Bihoué avec ses trois E-2C Hawkeye depuis 2003. Ses pilotes, personnels navigants et mécaniciens sont partagés entre leur base de stationnement, le porte-avions Charles de Gaulle lorsqu'ils sont en mer et les Etats-Unis pour l'entraînement et la formation. C'est en partie pour cela que le France est obligée de se procurer des E-2D Advanced Hawkeye. Les Etats-Unis ne vont pas conserver des E-2C uniquement pour former les équipages des nations équipées de cette ancienne version. Paris était donc contraint par le temps et souhaitait aussi à la fois conserver une excellente interopérabilité avec l'US Navy et moderniser sa flotte embarquée d'alerte avancée.
Les Hawkeye sont avant tout utilisés pour détecter et suivre des cibles aériennes dans un rayon de 300mn (555km) autour de l'appareil et guider tous les aéronefs alliés qui sont sous sa responsabilité. La Marine nationale explique que les E-2C peuvent aussi être utilisés pour assurer « la sureté d’une force navale contre les menaces aériennes et de surface grâce à ses capacités de détection, d’identification lointaine, de contrôle et de guidage des avions d’interception », coordonner « le soutien des missions aériennes d’interception et d’assaut contre des objectifs navals et terrestres », transmettre une « situation tactique », servir de « relais d’informations et de données au sein du groupe aéronaval » et participer « aux opérations de Search and Rescue de combat ou encore de lutte contre le narcotrafic ».
Pour assurer ces missions, l'E-2C français est composé d'un équipage de 5 marins avec un pilote, un co-pilote, un CICO (combat information center officer) qui se charge de la coordination tactique, d'un ACO (air control officer) pour la conduite des interceptions et d'un RO (radar officer) pour l'entretien de la situation.
En matière de détection, les Hawkeye embarquent un radar APS-145 d'une portée supérieure à 200mn (370km), un interrogateur/répondeur IFF (identification, friend or foe) et un système d'écoute électronique AN/ANR 73 (« détection et identification des émissions électromagnétiques des radars de veille et de tir des navires ou de la défense aérienne à terre »). La Marine assure que « l'ensemble des informations issues de ces capteurs est géré par un calculateur qui permet de suivre simultanément 1800 pistes propres et 700 pistes ou points de référence issus d'autres unités ».
En matière de communication, les avions d'alerte avancée utilisent deux systèmes de transmission de données (L11, L16), six postes V/UHF (dont trois cryptés), deux postes HF pour les communications à longue distance et un poste UHF Satellite Fleetsatcom. Enfin, pour la navigation, les pilotes utilisent deux centrales inertielles gyrolaser hybridées au système GPS.
L'E-2C Hawkeye mesure 24,58m de large, 17,65m de long et 5,59m de haut pour un un poids maximal de 23,8t et un poids à vide de 17t. Il est propulsé par deux turbopropulseurs Allison T 56-A-427 de 5 690ch chacun qui lui permettent d'avoir un rayon d'action de 2 850km, un plafond maximal de 11km et une vitesse maximale de 592km/h. Enfin, l'appareil a une autonomie de 6 heures 15 en vol.