© Armée de l'Air - Le premier KC-130J au roulage sur le sol français après sa traversée de l'océan Atlantique.
Après avoir réceptionné son premier C-130J-30 Super Hercules le 22 décembre 2017 et son second appareil en juin 2018, l'armée de l'Air française a réceptionné, ce jeudi 19 septembre 2019, son tout premier KC-130J Super Hercules (S/n 5874) sur la base aérienne 123 d'Orléans-Bricy, au sein de l'Escadron de transport (ET) 2/61 « Franche-Comté ».
L'appareil s'est posé sur la base aérienne d'Orléans en fin d'après-midi, et a été accueilli par la traditionnelle arche d'eau des pompiers de l'Air ainsi que par des aviateurs du « Franche-Comté ». Sorti des chaînes d'assemblage aux Etats-Unis avec l'immatriculation temporaire « 61-PQ », il est arrivé sur le sol français avec l'immatriculation « 61- » et son immatriculation définitive est à venir.
A l'occasion de cette réception, la Direction générale de l'armement (DGA) a indiqué qu'elle « a délivré le certificat de type militaire au KC-130J le 5 septembre dernier ». De son côté, le Ministère des Armées a expliqué que « Florence Parly, ministre des Armées, salue la livraison du troisième avion », ajoutant également que le « second avion ravitailleur KC-130J sera livré en 2020 ».
« Il s’agit ainsi du premier avion permettant à l’armée de l’air de ravitailler en vol ses hélicoptères H225M Caracal et leur conférer ainsi une plus grande allonge, une capacité complète unique en Europe », souligne le communiqué de presse, et justifie également l'achat de ces KC-130J en expliquant que ces avions permettent « de renforcer la complémentarité de la flotte de transport tactique de l’Armée de l’air, composée de d’A400M, de C-130J-30 Super Hercules et de C-130H Hercules, de C-160 Transall, ainsi que de CN-235 Casa ».
Si le KC-130J est capable d'effectuer les mêmes missions que le C-130J-30 Super Hercules (transport tactique et stratégique de fret et de militaires, largage de fret et de parachutistes, évacuation médicale, recherche et sauvetage, etc…), il sera principalement utilisé pour effectuer des missions de ravitaillement en vol au profit des hélicoptères H225M Caracal. C'est pour cette raison que l'appareil doit obtenir ses premières capacités opérationnelles avant la fin de l'année, avec la possibilité de ravitailler en vol les Caracal, d'avitailler au sol et qu'il sera équipé de systèmes de communication radio et de données cryptés. Le parachutage du matériel à basse altitude, le ravitaillement en vol des Rafale et Mirage 2000 et la mise en place complète des systèmes d'autoprotection interviendront courant 2020.
Le KC-130J Super Hercules mesure 29,80m de long, 40,40m de large et fait 11,80m de haut. Il a une soute qui mesure 3,10m de haut, 12,5m de long et une rampe de 3,10m, ce qui représente un ensemble de 130m3. Pour faire prendre les airs à tout cet ensemble, le KC-130J dispose de quatre turbopropulseurs Rolls-Royce AE 2100D3 qui délivrent chacun une poussée de 4 760ch. L'appareil est mis en oeuvre par un équipage composé d'un pilote et d'un copilote pour les missions logistiques, et d'un aviateur supplémentaire pour les missions dites « denses ». Dans tous les cas, il y a également un chef de soute (ou « loadmaster »).
Dans sa soute, il embarque jusqu'à 92 passagers, 64 parachutistes équipés, 74 civières pour des évacuations médicales ou sanitaires ou 6 palettes (5 en soute et 1 sur rampe). Sa masse maximale au décollage est de 74,4t, avec une charge offerte maximale de 18,7t ou de 15t en moyenne pour 6 heures de vol. En croisière, son plafond maximum est de 36000 pieds, pour une vitesse de croisière de 325kts. Enfin, en terme de consommation, le KC-130J consomme en moyenne 2t/heure.
Pour rappel, le 29 janvier 2016, la Direction générale de l'armement (DGA) a officiellement passé une commande deux C-130J-30 et deux KC-130J Super Hercules auprès de l'US Air Force, dans le cadre d’une procédure d’acquisition FMS (Foreign Military Sales).
Cette commande a été effectuée afin de soulager l'actuelle flotte épuisée des C-130H Hercules, d'anticiper le retrait des C-160R Transall (prévu en 2023) et de combler les nombreux problèmes et retards que subit le programme A400M Atlas (absence de la capacité de ravitaillement en vol des hélicoptères, faible disponibilité, retards dans le livraison de nouvelles capacités, etc…).
En Allemagne, c'est pour les mêmes raisons, afin notamment d'éviter un trou capacitaire entre le retrait des Transall de la Luftwaffe prévu en 2021 et la lente montée en puissance des A400M, que le Bundestag a approuvé l'achat de six C-130J-30 Super Hercules, qui devraient être commandés en 2019 pour une première livraison en 2021.
C'est dans ce contexte là que le 10 avril 2016, Jean-Yves Le Drian, ancien Ministre français de la Défense, a rencontré son homologue allemand Ursula von der Leyen afin de signer un accord inter-gouvernemental qui prévoit une mutualisation de la flotte des Super Hercules, des équipements associés et des militaires au sein d'un seul et même escadron. A la suite de la signature de cet accord, la Ministre allemand a expliqué qu'un escadron franco-allemand composé de quatre appareils français et six allemands, soit dix au total, seront stationnés sur la base aérienne 105 d'Evreux.
Cette unité franco-allemande «accueillera également un centre d’entraînement moderne et complet acquis en commun», détaille le général Laurent Marboeuf, commandant la Brigade Aérienne d’Appui et de Projection (BAAP). La constitution de cette nouvelle unité, qui disposera déjà de solides connaissances grâce aux aviateurs envoyés en échange dans des forces aériennes utilisatrices des Super Hercules, devrait se solder par une pleine capacité opérationnelle «à l’horizon 2024», précise la même source. Tandis qu'une capacité opérationnelle initiale aura été acquise en 2021.
Cet escadron, souligne l'Armée de l'Air, sera entièrement binational. En effet, il y aura entre Paris et Berlin un partage des coûts, ainsi qu'une organisation et un soutien technique et logistique franco-allemand. Les équipages navigants comme le personnel au sol seront issus de l'Armée de l'Air française et de la Luftwaffe. Il s'agira ici « d’un véritable brassage culturel du transport aérien tactique, puisque les équipages et les mécaniciens viendront aussi bien des flottes C130H que des flottes C160 ou Casa ». Les avions de transport seront mis en oeuvre par des aviateurs français et environ 200 autres allemands, que ce soit les équipages navigants ou le personnel au sol, avec Paris en tant que nation cadre dans ce projet européen.
Bien que la France dispose déjà de C-130H Hercules, l'utilisation et l'entretien des Super Hercules est sensiblement différente avec notamment un cockpit récent et numérique, des pièces de rechange qui ne sont pas compatibles, etc… Avec la colocalisation et la mutualisation de ces moyens, Paris et Berlin réduiront les coûts de mise en oeuvre avec le partage des pièces de rechange, des simulateurs, des hangars, etc…
Cette coopération s'est consolidée le 18 octobre 2017 avec la signature d'un accord de principe entre le major général des Armées Philippe Coindreau et son homologue allemand Joachim Rühle, dans le cadre de la réunion du Groupe franco-allemand de coopération militaire (GFACM).
© JL Brunet / Armée de l'Air - Un Transall français à la tête d'une formation composée d'un C-130J-30 Super Hercules français et d'un A400M de la Luftwaffe.
Mais l'arrivée de ces deux nouvelles versions du Hercules et la mise en place d'un escadron franco-allemand va entraîner des évolutions qui vont intervenir au sein de la flotte d'avions de transport de l'Armée de l'Air française, ainsi que sur les deux bases aériennes, BA 105 d'Evreux et BA 123 d'Orléans, concernées par ces changements.
En effet, un article publié par l'armée de l'Air expliquait que la 62ème Escadre de transport (ET) avait été réactivée le 1er septembre 2017 sur la base aérienne 123 d'Orléans, en parallèle de la création d'un nouvel Escadron de Soutien Technique Aéronautique (ESTA). Cette escadre, selon l'armée de l'Air, doit réunir « les escadrons de transport « Poitou » et « Franche-Comté » dans une organisation modernisée ». Aux côtés des C-130H Hercules, des C-160 Transall et des CN-235, viennent ainsi s'ajouter les Super Hercules récemment commandés et livrés.
« Les services seront différenciés pour ces deux appareils mis en œuvre par l’escadre, car les C130H et les C-130J-30 présentent des particularités bien distinctes », expliquait le général Laurent Marboeuf, notamment en ce qui concerne les pièces de rechange, la mise en oeuvre des avions, des outils et des techniques qui sont modifiées, etc…
Plus tard, en 2021, le transport aérien militaire français va encore changer de format « puisqu'une unité franco-allemande sera créée sur la base aérienne 105 d’Évreux, réunissant des équipages ainsi que du personnel de maintenance et d’environnement impliqués dans la mise en œuvre » de ces nouveaux avions de transport tactique (ATT), affirme l'armée de l'Air. A ce titre, afin de préparer la base aérienne d'Evreux à l'arrivée de ces nouveaux avions, Paris comme Berlin doivent débourser chacun 50 millions d'euros pour la construction des infrastructures nécessaires.
Dans quelques années donc, la BA 123 d'Orléans sera chargée du segment lourd avec l'ET 1/61 « Touraine » et ses A400M. De son côté, la BA 105 d'Evreux aura le segment médian et léger avec les C-130H, KC-130J et C-130J-30 français et allemands, ainsi que les C-160 Transall et Casa CN-235.