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Defens'Aero
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Dossier (2/2) - Quel futur avion de combat pour la Suisse ? - Le cas du Rafale

Dossier (2/2) - Quel futur avion de combat pour la Suisse ? - Le cas du Rafale

© Paul Basque - Le Rafale B354 au roulage peu de temps avant son départ en mission.

© Paul Basque - Le Rafale B354 au roulage peu de temps avant son départ en mission.

Après les longues péripéties qui ont conduit à l'annulation de l'achat d'un nouvel avion de combat (Gripen E/F de Saab) à la suite d'un référendum en mai 2014, la Suisse a décidé de relancer un processus de sélection afin de doter ses Forces aériennes avec un nouvel avion de combat pouvant remplacer ses vieillissants F-5E/F Tiger II et F/A-18C/D Hornet. C’est dans ce cadre là que le Département fédéral de la Défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) a annoncé, le 8 novembre 2017, que « le Conseil fédéral venait de prendre des décisions de principe concernant le renouvellement des moyens de protection de l’espace aérien suisse ».

Cette compétition entre les avionneurs américains et européens est aujourd’hui pleinement lancée puisqu’entre le mois d’avril et juin 2019, tous les compétiteurs se rendent à tour de rôle sur la base aérienne de Payerne, située dans l’ouest de la Suisse, sur les bords du lac de Neuchâtel.

Defens’Aero était sur place, au plus près des acteurs, et vous propose de revenir avec ce dossier sur ces essais, et plus largement sur l’ensemble du programme suisse « Air2030 – Protection de l’espace aérien ». Après une première partie sur le processus de sélection, les attentes suisses et l'état des Forces aériennes, cette seconde et dernière partie sera exclusivement consacrée à l'offre proposée à la Suisse par le GIE Rafale International.

© Paul Basque - Le B354 de l'armée de l'Air de retour d'un vol rentre dans un hangar des Forces aériennes suisses.

© Paul Basque - Le B354 de l'armée de l'Air de retour d'un vol rentre dans un hangar des Forces aériennes suisses.

Le jeudi 16 mai, deux Rafale se sont posés sur la base aérienne de Payerne. Le premier, le Rafale B301, appartient à Dassault Aviation, tandis que le second, le Rafale B354 4-FU, appartient à l’Escadron de Chasse 2/4 « La Fayette » de l’armée de l’Air française. Le B301 de l’industriel et le B354 des forces sont tous deux au standard F3-R, ce qui fait du B354 l’un des tous premiers Rafale à être modernisé sur ce dernier standard.

Pour ces essais, les équipages sont eux-aussi mixtes puisque l’on retrouve des pilotes d’essais de chez Dassault, épaulés par un pilote de l’armée de l’Air, chef du détachement CEAM (Centre d'expertise aérienne militaire) à Istres, et un second de la Marine nationale, détaché à la DGA-EV (DGA-Essais en vol). Les pilotes des forces étaient présents ici afin d'assurer les vols dits « opérationnels » lors des missions air-air et air-sol, pour montrer les capacités au combat de l'avion.

Le GIE (groupement d’intérêt économique) Rafale International, qui rassemble Dassault Aviation, Safran et Thales a donné une conférence de presse le mardi 21 mai devant les journalistes suisses et étrangers présents pour l’occasion. A la table, afin de présenter le Rafale, ses capacités et ses atouts pour les Forces aériennes suisses, se trouvaient Madame Anne Paugam, ambassadrice de France en Suisse, Philippe Da Silva Passos (Dassault Aviation), directeur de campagne pour le Rafale en Suisse, le général Vincent Thomassier (Direction générale de l’armement), chef de campagne Rafale en Suisse pour le Ministère des Armées, le général (ret) Joël Rode (Dassault Aviation), conseiller opérationnel de DA, le colonel Nicolas Pascal (armée de l’Air), directeur des expérimentations au CEAM et pilote d’échange sur F/A-18 Hornet suisse, ainsi que Jean-Michel Meyer (GIE Rafale International Suisse), chef du bureau Rafale International en Suisse.

Tour à tour, en fonction de leur domaine de compétence, les intervenants ont tenté de convaincre la presse suisse de l’intérêt de l’avion français. Loin des discours guerriers de chez Boeing lors de la présentation du Super Hornet, notamment avec un avion qui affronte des avions de combat furtifs chinois et russes, l’équipe française a fait le choix de la raison en mettant l’accent sur : la souveraineté du produit, le partenariat franco-suisse et les possibilités en matière d’évolution.

  • Souveraineté :

En ce qui concerne la souveraineté, Paris propose à Berne un Rafale avec une capacité d’utilisation pleine et entière de l’appareil et donc sans intervention de la France, un respect total de la souveraineté de la Suisse, l’absence de boîtes noires (ou « black box ») qui permettraient de recueillir les données des Rafale suisses par la France, une maintenance réalisée dans sa grande majorité en Suisse et facilement compatible avec une armée de milice, etc…

  • Partenariat et coopération :

En matière de partenariat et de coopération, cette dernière se place à deux niveaux puisqu’il y a d’abord la coopération entre les industries françaises et suisses, ainsi que la coopération entre les forces armées françaises et suisses. La France propose un transfert de technologies et de savoir-faire clés de l’avion qui doit toucher les grandes écoles suisses, les universités, les centres de recherche, PME et grandes industries. Il est aussi proposé l’intégration, en France, d’ingénieurs suisses au sein de la DGA, de centres d’essais et de recherches, dans les forces armées, etc… Avec l’armée de l’Air française (entre autres), la France propose à la Suisse la poursuite et le renforcement de la coopération entre ces deux forces aériennes avec toujours la possibilité d’utilisation de l’espace aérien français, des champs de tirs, une coopération en matière de formation (achat des PC-21 par la France), d’entraînement et de maintenance, la possibilité d’utiliser les structures françaises (bases aériennes, pistes, hangars, bâtiments…), l’échange de personnels, les retours d’expériences (RETEX), etc… Par ailleurs, le renforcement de la coopération est aussi poussé dans le domaine de la sécurité, notamment dans le cyber et le renseignement.

  • Evolution :

Enfin, en matière d’évolution du Rafale, la France propose ici à la Suisse une participation au programme. Le GIE Rafale International met en avant le Rafale au standard F3-R, qui arrive en ce moment dans l’armée de l’Air et la Marine nationale. Mais elle propose à la Suisse une coopération dans le développement et la mise en service du standard F4 et F5. Le Rafale doit rester dans les forces françaises pour les 50 prochaines années, ce qui pérennise à la fois la chaîne de production (maintenance et pièces de rechange) et les possibilités en matière de développement.

Aujourd’hui, le F3-R comprend l’ensemble des systèmes déjà présents sur le Rafale avec, en plus, l’intégration du missile air-air très longue portée METEOR, la nacelle d’observation et de désignation laser TALIOS et le systèmes AGCAS (Automated Ground Collision Avoidance System).

La prochaine génération, le F4, repose sur quatre piliers : La connectivité avec les nouvelles liaisons satellite et intra-patrouille, un serveur de communication, une radio logicielle ; les systèmes embarqués avec l’amélioration du radar RBE2 et des capteurs de l'optronique secteur frontal (OSF), la mise à jour du dispositif de contre-mesures SPECTRA ; les emports avec l’intégration des missiles de croisière SCALP-EG rénovés et MICA IR et EM NG (nouvelle génération) et la mise en œuvre de l’AASM de 1000 kg ; et enfin la disponibilité avec la mise en place d'un nouveau système de pronostic et d'aide au diagnostic pour plus de maintenance préventive, un nouveau calculateur pour les moteurs M88 et un Maintien en condition opérationnelle (MCO) davantage verticalisé.

Le standard F5, qui doit entrer dans les forces aux alentours des années 2050/2060, reste encore aujourd’hui assez flou mais on sait qu’il devrait comprendre avant tout une modernisation à mi-vie (MLU), un kit Low Observable (LO), des baies d’armement, la possibilité de coopérer dans les airs et en mission avec des drones (UCAV Cooperation), l’implication du système de positionnement Galileo, ainsi qu’une avionique avec un seul et même écran (comme sur F-35).

© Paul Basque - Un missile air-air d'entraînement MICA IR (infrarouge).

© Paul Basque - Un missile air-air d'entraînement MICA IR (infrarouge).

© Paul Basque - Les deux pilotes sont ici porteurs du viseur de casque TARGO II.

© Paul Basque - Les deux pilotes sont ici porteurs du viseur de casque TARGO II.

Outre ces trois grandes notions mises en avant par l’équipe française, cette dernière n’a pas manqué de présenter les capacités opérationnelles du Rafale, mais à l’échelle d’un pays comme la Suisse et des besoins qu’elle demande. Exit donc, le combat aérien contre des avions de combat furtifs ou la possibilité d’aller frapper des groupes terroristes à des kilomètres de chez soi. Ici, Paris a mis en avant plusieurs capacités indispensables pour les missions suisses.

D’abord en matière de supériorité aérienne avec la permanence opérationnelle (ou « police du ciel »), l’équipe a démontré les capacités du Rafale à pouvoir décoller rapidement, sur une courte distance, à intercepter un aéronef non-identifié ou en détresse. Ensuite, il a aussi été mis en avant le système de suivi de terrain. En France, ce système est utilisé, entre autres, pour aller frapper à grande vitesse au coeur du territoire ennemi et sans être repéré par les radars adverses. En Suisse, il peut être utilisé pour aller rejoindre, intercepter et escorter un avion de tourisme perdu dans une vallée, même (et surtout) par mauvais temps. Le pilote laisse l’avion suivre la topographie du terrain et il peut alors se concentrer sur l’assistance de l’aéronef en détresse.

Enfin, le système AGCAS a aussi été détaillé. En raison des montagnes et des hauts sommets que l’on trouve en Suisse, lors des combats aériens rapprochés, les pilotes se retrouvent rapidement à hauteur des montagnes. Dans ce type de situation, lors d’une perte de connaissance ou lors de mauvaises conditions météorologiques avec une distance sous-évaluée, la proximité avec les sommets peut être fatale pour un pilote, conduisant au crash. De fait, avec l’AGCAS, le système « récupère » l’avion et sauve ainsi la vie du pilote.

Bien que cela ne nous a pas été confirmé, les Rafale sont proposés à la vente avec les missiles air-air MICA IR (infrarouge) et EM (électromagnétique), les missiles air-air très longue portée METEOR, de l’armement air-sol (GBU et AASM GPS/Laser en plusieurs versions), la nacelle d’observation et de désignation laser TALIOS et le viseur de casque TARGO II de l’avionneur israélien Elbit Systems. Enfin, on retrouve aussi la nacelle d’observation et de désignation laser SNIPER de l’américain Lockheed Martin. La nacelle de reconnaissance RECO-NG n'est pas proposée, ce qui fait que les missions de reconnaissance seront conduites avec du TALIOS ou du SNIPER.

L’implication dans ces essais de pilotes de chasse français avec les viseurs de casque montre que certains ont déjà été formés à leur utilisation, et spécialement pour cette évaluation. Ainsi leur formation sera « une expérience utile » nous indique-t-on pour l’avenir des forces françaises. Les nacelles SNIPER appartiennent à leur constructeur et non à Dassault. L’intégration du SNIPER et du TARGO est déjà acquise puisqu’ils équipent les Rafale EQ/DQ de la Force aérienne de l’Emir du Qatar.

Dassault Aviation a souhaité amener dans ses soutes le SNIPER afin de démontrer à la Suisse certaines capacités qui seront possibles prochainement avec le TALIOS, notamment celle de reconnaissance, mais qui ne l’étaient pas au moment des évaluations. Cela permet à l’avionneur de ne pas se pénaliser en ne proposant rien sur des domaines demandés par la Suisse. Toutefois, elle peut très bien écarter le TALIOS et sélectionner le SNIPER. En revanche, cela n'a pas empêché les pilotes suisses de pouvoir observer les qualités de la nacelle française. Notons enfin que sur ces deux semaines d'essais, l'équipe France a permis une disponibilité de 100% aux deux Rafale.

© Paul Basque - La nacelle SNIPER sous le Rafale B301 de Dassault Aviation.

© Paul Basque - La nacelle SNIPER sous le Rafale B301 de Dassault Aviation.