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L'armée de l'Air lève la suspension des vols sur sa flotte de Rafale Air

L'armée de l'Air lève la suspension des vols sur sa flotte de Rafale Air

© R. Nicolas-Nelson / Armée de l'air - Un Rafale de l'EC 1/7 « Provence » armé d'une GBU-24.

© R. Nicolas-Nelson / Armée de l'air - Un Rafale de l'EC 1/7 « Provence » armé d'une GBU-24.

Le 20 mars 2019, à la suite de l'éjection volontaire ou non d'un pax civil en place arrière d'un Rafale B, l'armée de l'Air et la Marine nationale avaient pris la décision de clouer au sol une partie de la flotte des Rafale Air (B/C) et Marine (M). Outre les Rafale engagés dans des missions opérationnelles (permanence opérationnelle, dissuasion et opérations extérieures), les sorties aériennes qui concernaient des vols d'entraînement et de formation avaient été suspendues.

Une semaine plus tard, cette restriction a été levée ce jeudi 28 mars à la suite de l'obtention des premiers éléments des enquêtes qui ont été ouvertes. Le colonel Cyrille Duvivier, porte-parole de l'armée de l’Air, explique que « la suspension de ces missions reposait sur une logique de précaution, dans l'attente des éclaircissements concernant certaines questions soulevées par l’incident intervenu la semaine dernière ». Le Rafale B impliqué (#358 ; 4-FY) est l'un des derniers Rafale réceptionné par l'armée de l'Air. Au standard F3-4+, il devra subir un chantier de réparation avant de pouvoir reprendre les airs. 

Pour rappel, le mercredi 20 mars 2019, un pax civil qui prenait place à bord d'un Rafale B (biplace) de l'armée de l'Air dans le cadre « d'un vol d’information » s'est éjecté au décollage depuis la base aérienne 113 de Saint-Dizier. Le pilote de l'appareil, en place avant, a pu ramener l'avion et se poser en toute sécurité malgré des blessures aux mains en raison des débris de la verrière à la suite de l'éjection. Peu de temps après l'incident, le civil a été hospitalisé afin d'être soigné et de passer des examens approfondis. Il était alors expliqué que « son état de santé ne suscite pas d’inquiétude » et l'individu avait pu quitter l'hôpital plusieurs heures après son admission.

A la suite de cela, trois enquêtes ont été ouvertes. La première judiciaire, une seconde de commandement par l'armée de l'Air et une dernière de sécurité par le Bureau Enquêtes Accidents pour la sécurité de l’aéronautique d’État (BEA–É, anciennement BEAD-Air). Ces enquêtes et leurs conclusions ont plusieurs objectifs. Elles doivent à la fois déterminer si la poignée d’éjection du siège a été tirée volontairement ou non par le passager ou s'il s'agit un dysfonctionnement technique du siège éjectable, si l'ensemble des procédures et des consignes ont été respectées et appliquées par les personnels concernés, etc…

Lors de l'incident, les premiers éléments qui ressortaient de cet événement laissaient penser à l'éjection volontaire ou involontaire d'un pax civil en place arrière, sans que son éjection n'affecte le pilote en place avant. En effet, à la vue des éléments qui étaient alors disponibles, il était probable que le mode d'éjection sélectionné par le pilote était celui d'une éjection individuelle (chaque individu tire sa propre poignée d'éjection). Or, ce n'est pas ce qui semble s'être réellement produit.

En effet, pour ce vol, le mode d'éjection sélectionné était commun à l'équipage. Cela veut dire que si le pilote en place avant choisit de s'éjecter, cela déclenche également l'éjection du navigateur en place arrière et inversement si c'est le personnel en place arrière qui tire sa poignée. Dans cet incident, lorsque le pax civil a tiré volontairement ou involontairement sur sa poignée d'éjection, il a déclenché son siège éjectable ainsi qu'une partie du dispositif du pilote en place avant. En effet, le rappel de harnais se serait activé, mais l'éjection du siège ne s'est pas déclenchée.

Cette mésaventure aura toutefois permis à l'armée de l'Air déceler un problème technique sur cet avion et sur le dispositif de ses sièges éjectables, et de ne pas perdre complètement une machine réceptionnée quelques mois auparavant. Par ailleurs, cela a aussi évité l'épineuse question de l'avenir d'un Rafale : Sans pilote à bord, en montée et chargé en kérosène, qui sait où aurait pu aller s'écraser l'avion ? La question d'un tir de destruction (missile sol-air ou missile air-air avec PO) se serait peut-être sérieusement posée.

Décryptage d'une éjection :

Pour les civils, les vols dans un avion de combat sont autorisés par le cabinet de la Ministre des Armées et ce sont les médecins du Centre principal d'expertise médicale du personnel navigant de l'aéronautique (CEMPN) qui délivrent l'aptitude siège éjectable en fonction de l'état de santé de l'individu.

Les Rafale de l'armée de l'Air et de la Marine nationale sont équipés du siège éjectable Mk-F16F de l'industriel britannique Martin Baker. Ils sont assemblés à Argenteuil, en France, par la société d’exploitation des matériels Martin-Baker (SMB), et leur maintenance est répartie entre la SEM MB et l’Atelier Industriel de l’Aéronautique (AIA) d’Ambérieu pour les Rafale Air et l'AIA de Bretagne pour les Rafale M. Pour rappel, l'AIA est rattaché au Service Industriel de l’Aéronautique (SIAé) de l'armée de l'Air.

Environ 3 500 pièces composent un seul siège éjectable. En quelques chiffres, et d'après les informations disponibles sur le site de Dassault Aviation, les sièges Mk-F16F pèsent 97kg, peuvent éjecter un individu équipé de tout son matériel entre 63 et 106kg et fonctionnent jusqu'à 20 000m d'altitude. Avec une vitesse d'éjection de 15m/s, il s'agit d'un siège dit « zéro-zéro », soit une éjection possible à une vitesse et altitude nulles, et peut éjecter jusqu'à 1 075km/h.

Dans une infographie, l'armée de l'Air détaille les différentes étapes d'une éjection, qui ne dure que deux secondes entre le temps où le pilote tire sur sa poignée et celle où il se trouve suspendu à son parachute. La phase initiale de l'éjection débute dès que le pilote tire sur la poignée jaune et noire et se trouve entre ses jambes. Cela enclenche la mise en oeuvre du rappel de harnais pour protéger certaines parties du corps du pilote (jambes et bras), de la fragilisation de la verrière à l'aide de moyens pyrotechniques et la mise à feu de la cartouche du canon d'éjection. Lors de l'éjection, le pilote encaisse un facteur de charge allant de 14 à 17G.

A la suite de cela, un premier parachute va venir stabiliser l'ensemble (siège éjectable et pilote) afin de ralentir la vitesse du siège. La troisième étape correspond à l'ouverture du parachute principal, celui du pilote, ainsi qu'à la séparation du siège avec le pilote. Enfin, en quatrième et dernière étape, le pilote va descendre avec son parachute personnel et le paquetage de survie. Cette descente vers le sol se fait à la vitesse de 7m/s. Il n'aura fallu que deux secondes entre le temps où le pilote tire sur la poignée et celle où il se trouve suspendu à son parachute, ouvert dans sa totalité.