Dans une publication publiée le 06 juillet 2018 sur sa page Facebook, l'armée de l'Air a officiellement dévoilé la peinture de ses futurs A330 MRTT « Phénix » avec les photographies du premier A330 français (MSN1735 ; MRTT041 ; F-UJCG) intercepté par la permanence opérationnelle. L'appareil avait décollé de l'aéroport de Manching, dans le sud de l'Allemagne, et rejoignait les installations implantées à Torrejon, dans le centre de l'Espagne.
Pour rappel, cet appareil a fait son premier vol depuis l'aéroport de Toulouse-Blagnac le 16 juin 2016. Le 22 juillet 2016, il a été acheminé dans les installations d'Airbus Military Conversion Centre, à Getafe, en Espagne, afin d'y recevoir ses équipements militaires dont le dispositif de ravitaillement en vol. Le premier vol avec ces équipements a eu lieu le 07 septembre 2017.
En novembre 2017, le remplaçant des C-135FR/KC-135RG a rejoint la France sur la base aérienne 125 d'Istres-Le Tubé, dans les Bouches-du-Rhône, pour y mener une série d'expérimentations. En effet, selon nos informations, le MRTT y a réalisé depuis la base des Forces Aériennes Stratégiques une série d'essais de qualification en vol. Ces tests sont dirigés par les équipes d'Airbus, en étroite coopération avec la Direction Générale de l'Armement (DGA) ainsi que l'armée de l'Air.
Au cours de ces trois à quatre semaines de présence, les équipages navigants de l'A330 ont mené des essais de transfert de carburant, avec notamment un Mirage 2000N ainsi qu'un Rafale. Ils ont aussi eu pour objectif, entre autres et toujours d'après nos informations, de réaliser des mesures de pression carburant au cours de ces transferts, ainsi que des évolutions en mode dégradé. Il s'agit par exemple de tester le comportement du Phénix avec un de ses deux réacteurs éteint.
Pour rappel, le 16 décembre 2015, la Direction Générale de l'Armement (DGA) a passé une première commande ferme concernant l'achat de huit avions de ravitaillement en vol et de transport stratégique A330 MRTT Phénix à l'avionneur Airbus Defence & Space, sur une flotte totale de douze appareils.
Ces avions doivent, à terme, remplacer la (très) vieille flotte de ravitailleurs KC-135RG et C-135FR du Groupe de Ravitaillement en Vol (GRV) 2/91 « Bretagne », qui doivent quitter le service actif en 2025, ainsi que les Airbus A310-300 et A340-200 de l'Escadron de Transport (ET) 60 « Estérel ».
Toutefois, avec l'utilisation intensive et quotidienne des avions de ravitaillement, la nécessité de disposer d'appareils capables de déployer des hommes et du matériels à plusieurs kilomètres de la métropole et l'importance de maintenir en alerte ces appareils afin de garantir le fonctionnement de la dissuasion nucléaire, tout cela impose de revoir la cible initiale prévue lors des précédentes LPM (Loi de Programmation Militaire).
En effet, lors de l'audition du 18 octobre 2017 à l'Assemblée Nationale, devant les députés de la commission de la Défense nationale et des Forces armées, le chef-d'état major de l'Armée de l'Air, le général André Lanata, explique « qu'une augmentation de la cible de MRTT avion de ravitaillement et de transport stratégique polyvalent » sera « indispensable » afin de « couvrir l’ensemble des besoins de la composante nucléaire aéroportée, de l’aviation de combat et du transport stratégique ».
C'est donc pour cela « qu'une révision de la cible finale des MRTT à hauteur de 18 appareils me paraît nécessaire au vu des engagements constatés», a-t-il expliqué devant les députés. « L’usage systématique et intensif du ravitaillement en vol dans toutes nos opérations en intervention, mais aussi pour la protection et la dissuasion, rend la sécurisation de cette capacité incontournable », a-t-il également affirmé.
Cette hausse sera confirmée avec la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2019-2025 qui prévoit la commande de 15 appareils, soit trois de plus. Ils doivent être livrés entre 2025 et 2030.
Outre l'augmentation du nombre de MRTT, le CEMAA recommandait aussi et « vivement une accélération du calendrier des livraisons des MRTT ». Le premier MRTT français va intégrer l'armée de l'Air en octobre 2018, le second en 2019 et le reste des appareils devrait être réceptionné les années suivantes avec un taux de un à deux avions par an.
Pour assurer une arrivée optimale, les équipages navigants et le personnel au sol (mécaniciens, spécialistes, etc…) ont été formés chez Airbus, dont certains à Toulouse, tandis que d'autres sont partis en échange dans des pays déjà équipés de cet appareil (au Royaume-Uni dans la Royal Air Force, ou en Australie dans la Royal Australian Air Force).
En outre, d'importants travaux ont été conduits sur la base hôte. Répartis en six phases, les premiers travaux ont été engagés en avril 2017, tandis que la dernière phase se tient du 23 juillet au 21 décembre 2018. Ces chantiers modifient la piste, les bretelles, le tarmac, les procédures pour l'approche et l'atterrissage, le roulage au sol, les dispositifs de sécurité, etc… Et surtout, ils permettent le fonctionnement de ces appareils sur la base (hangars de maintenance, bâtiments opérationnels, parkings agrandis adaptés…).
Aujourd'hui, « l’âge excessif de la flotte C-135 – plus de 50 ans – expose nos capacités à un risque trop important », d'autant plus qu'il s'agit ici d'une capacité indispensable au fonctionnement de la dissuasion nucléaire, qui émane des Forces Aériennes Stratégiques. « Nous arrivons en limite de ce que nous pouvons faire », alerte le général.
Il explique également que « la charge de maintenance de nos vieux C-135 a doublé ces dix dernières années, passant de 20 heures à 40 heures de maintenance par heure de vol réalisée, générant une pression considérable sur le personnel de maintenance ».
Les Phénix des FAS seront chargés de mener des missions de ravitaillement en vol, indispensables dans les opérations extérieures, pour les entraînements en France et surtout pour la mission de dissuasion nucléaire.
L'appareil dispose pour cela d'une perche rigide centrale et d'une nacelle sous les deux ailes. Contrairement aux C-135FR et KC-135RG actuellement en service et emportant 17 tonnes de carburant, l'A330 MRTT emporte lui pas moins de 50 tonnes. Les Stratotanker et les Phénix disposent tous les deux d'une autonomie de 4h30 sur la zone des opérations et peuvent opérer jusqu'à 2 000 kilomètres de la base de départ.
Ces MRTT pourront aussi mener des missions d'évacuation sanitaire avec le kit MORPHEE, déjà utilisé sur les actuels Stratotanker. En effet, il sera capable d'accueillir et de rapatrier en métropole vers les hôpitaux spécialisés des blessés de guerre puisque l'avion peut contenir jusqu'à dix modules MORPHEE à 12 000km de sa base.
Par ailleurs, ces appareils pourront effectuer des missions de transport puisqu'un appareil a la capacité d’accueillir 271 passagers à 10 000km, ou 40 tonnes à 7 000km. En comparaison, l'A310-300 emporte 29 tonnes à 5 000km et 185 passagers à 5 200km, et l'A340-200 transporte 41 tonnes à 11 500km et 279 pax à 11 800km. Enfin, les ravitailleurs actuels ont une capacité de 25 tonnes à 8 000km, de 73 pax à 9 000km, et de 8 modules MORPHEE à 8 000km.
Ils peuvent aussi servir de Relais Commandement avec une extension des communications pour les aéronefs évoluant dans la zone d'opération, notamment des communications C2 et de la SATCOM. En outre, il peut aussi faire office de relais d'informations ISR (Intelligence, Surveillance et Reconnaissance), avec une capacité de réception, de traitement et de diffusion des données reçues.
Le Standard 1, disponible à la livraison des avions, comprend le système d'échange de données tactiques Liaison L16, une caméra placée sous l'avant de l'avion et capable de filmer les environs de jour comme de nuit, un dispositif MEDEVAC (modules MORPHEE ou transport blessés légers), la perche rigide ventrale et les nacelles souples sous voilure et les spécificités techniques liées à la dissuasion nucléaire.
Le Standard 2, normalement disponible à compter de 2024, comprend un système de communication par satellite, une boucle courte de renseignement (transmission en direct au QG des données recueillies par la nacelle RECO-NG des Rafale via le satellite français SYRACUSE) et un système d'auto-protection.