© ATAC - Les premiers Mirage F1 livrés à la compagnie privée américaine, ici dans les hangars à l'aéroport d'Alliance, à Fort Worth.
Annoncé dès le mois de mai 2017 par Defens'Aero, c'est en septembre 2017 que la société ATAC (Airborne tactical advantage company), détenue par l’avionneur américain Textron Airborne Solutions Inc. depuis mars 2017, a officialisé le rachat d’anciens Mirage F1 de l’armée de l’Air française. Ces avions étaient stockés dans les hangars du Groupement d’Entretien Réparation et Stockage Aéronefs (GERSA) de l'Element Air Rattaché (EAR) 279 de Châteaudun.
Ce contrat vient de se matérialiser par la livraison des deux premiers Mirage F1 à l'Adversary Center of Excellence (ATAC-ACE) sur l'aéroport d'Alliance, à Fort Worth, situé dans le nord du Texas. L'avionneur américain a indiqué dans son communiqué de presse publié le 11 juillet 2018 que depuis cette première livraison, d'autres ont suivi et que onze appareils ont déjà été livrés. Les arrivées doivent se poursuivre encore tout au long de l'année.
D'après le blog Lignes de défense, « deux appareils sont arrivés en avant-garde, pour tester le mode d'acheminement choisi. Les autres 11 avions ont tout naturellement suivi. Le hangar de près de 8 000 m2 va d'abord servir au remontage des avions français, avant des tests au sol puis en vol ».
© USMC - Un Kfir d'ATAC lors d'une mission depuis la Marine Corps Air Station de Beaufort, en novembre 2017.
Pour rappel, ce contrat, estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros, prévoit le rachat d’un total de 63 Mirage F1, dont 7 F1B et 56 en version CT/CR. Parmi ces appareils, entre 40 et 45 appareils vont être remis en état de vol, tandis que le restant, une vingtaine, seront cannibalisés pour utiliser les pièces de rechange.
Il y a égalementl’immense stock de pièces acheté (environ 6 millions), les 150 moteurs Atar 9K50 et plusieurs dizaines de réservoirs de carburant supplémentaires. Sur ce stock de Mirage F1, la moitié est classée en catégorie RSD1 (retiré du service). Il s’agit d’appareils qui peuvent reprendre quasi immédiatement les airs, conservés dans un environnement adapté et encore sous la responsabilité des états-majors et de la DGA. La seconde moitié est classée RSD2. Ils sont gérés par la SIMMAD, ils peuvent être cannibalisés et du travail est demandé pour leur refaire reprendre les airs.
Après des négociations menées par Demeteris, une société de conseil spécialisée dans l’aéronautique, depuis septembre, tous les appareils sont désarmés et l’équipement est retiré afin de les transférer à l’entreprise Sofema, qui se charge du démontage des cellules (retrait de la dérive, des ailes et du moteur) de leur conditionnement pour le transport qui se fait par voie terrestre vers les ateliers de la société belge SABCA, détenue par Dassault
Aviation.
Sur place, ils seront remis en état de vol, avec la révision des avions de catégorie RSD1 et la remise en état de vol de certains appareils de catégorie RSD2. Ils seront également modernisés avec l’intégration d’une radio cryptée qui dispose de capacités de brouillage et l’amélioration du radar Cyrano IV. L’acheteur expliquait qu’il souhaitait disposer d’un radar à antenne active AESA, ou d’une capacité à balayage mécanique.
Cette étape franchie, les appareils ont traversé l’Atlantique afin de rejoindre l’aéroport de Fort Worth Alliance, dans le nord du Texas, où les premiers pilotes seront formés sur cet appareil, tout comme le personnel d’entretien au sol.
Le Mirage F1 a été choisi pour sa facilité de mise en oeuvre. Les pilotes ont ici un avion avec un cockpit d’ancienne génération, et donc peu d’électronique, et le personnel au sol a un avion robuste et facile à entretenir. Par ailleurs, avec l’utilisation de plus de 200 appareils entre mars 1974 et 2014, l’Armée de l’air a pu constituer, conserver et répertorier un immense stock de pièces. Ces possibilités avaient d’ailleurs intéressé auparavant des nations étrangères, dont l’Argentine, qui souhaite moderniser sa Fuerza Aérea Argentina.
La sélection de cet avion a aussi été poussée par les possibilités qu’il offre à ses utilisateurs. En effet, avec l’explosion des demandes de prestation CATS (Contracted airborne training service), aussi appelées « Red Air » ou « Aggressors », les Mirage F1 offrent un potentiel encore important puisque chaque cellule dispose encore d’environ 5 000 heures de vol. Ce qui était alors considérable pour un appareil retiré du service actif.
Ce potentiel en nombre d’heures de vol s’ajoute aussi aux compétences de la « fléchette ». Au sein de l’Armée de l’air, le Mirage F1, dans sa version CT (attaque au sol) ou CT (reconnaissance tactique), a fait jouer sa polyvalence lors des OPEX. L’Afrique tout d’abord avec Epervier au Tchad contre les forces du colonel Khadafi dans les années 80, dans le Golfe début 90, en Afghanistan, en Libye en 2011 et plus récemment au Mali, lors de Serval en 2013.
Ils ont aussi assuré la permanence opérationnelle depuis les bases françaises et ont su s’opposer à plusieurs reprises face aux aéronefs russes lors des Quick Reaction Alert de l’opération Baltic Air Policing dans les états baltes.
Le Mirage F1 est un appareil qui dispose d’un plafond de 18 500m, peut évoluer à Mach 2 en haute altitude et reste efficace à basse altitude, ce qui lui permet de jouer plusieurs rôles de « plastron ». Il peut aussi allonger sa permanence dans les airs avec l’emport de réservoirs externes ou un ravitaillement en vol.
© ATAC - Les Kfir, Hawker, L-39 et bientôt les F1 sont amenés à s'opposer face à des avions dits de «5ème génération».
L’utilisation au cours de ces quarante années du Mirage F1 a permis de constituer un important vivier de pilotes, de mécaniciens et autres spécialistes sur cet appareil. Des compétences que pourrait rechercher ATAC. D’une part chez les pilotes pour démontrer toutes les capacités du Mirage F1 afin de rendre le vie dure aux pilotes américains, et d’autre part chez les mécaniciens qui disposent de compétences poussées sur du matériel parfois délicat, notamment le radar.
L’achat de ces Mirage F1 se place dans un contexte de réduction depuis plusieurs années du budget alloué aux forces armées et à la multiplication des théâtres d’opérations qui consomment un fort potentiel des avions de combat. Pour continuer l’entraînement et la formation sur le territoire national, face aux traditionnels escadrons « Agressors » qui ne peuvent pas faire face à la demande, de nombreuses forces aériennes font appel à des prestataires extérieurs qui vont alors mettre à disposition leurs vecteurs aériens. Auparavant signés sur un temps court et avec des demandes modestes en terme de capacité, ces contrats explosent aujourd’hui.
Aux Etats-Unis, l’US Air Force a émis en juillet 2016 une demande d’informations pour ce type de contrat avec une attribution du marché en janvier 2019. Elle cherche à acquérir des Red Air qui fourniront chaque année pendant sept ans près de 40 000 heures de vol depuis 12 sites différents : Nellis, Kingsley Field, Tucson, Seymour Johnson, Holloman, Eglin, Langley-Eustis, Tyndall, Luke, Pearl Harbor-Hickam et Hill. Nellis sera la plus consommatrice puisque 11 250 heures de vol se tiendront depuis cette base, sur les 36 231 annuelles.
Elles doivent permettre d’entraîner les équipages navigants avec la simulation de menaces adverses, mais aussi d’assurer des cibles fictives pour les escadrons d’essais et d’expérimentation en vol. Aujourd’hui, l’USAF ne dispose que du 18th AGRS à Eielson (Alaska) et du 64th AGRS à Nellis (Nevada). L’US Navy, l’US Marine Corps et l’US Air National Guard sont eux-aussi demandeurs de Red Air. La Navy et l’USMC demandent jusqu’à 10 000 heures de vol annuelles et l’ANG 2 500.
ATAC dispose d’une flotte composée de 26 appareils avec le F-21 Kfir, MK-58 Hawker Hunter et L-39 Albatros. Elle mène 95% de ses vols pour l’US Navy, mais travaille aussi pour l’USAF, l’USMC et l’US Army et entraîne des pilotes, contrôleurs, navires et JTAC. Elle est la seule entreprise privée à pouvoir entraîner les aviateurs de Top Gun et opère aux USA, en Europe et dans le Pacifique. Ces aviateurs sont d’anciens instructeurs, pilotes de Top Gun ou d’escadrons Agressors.