Pendant 1 mois, les Rafale armés de bombes d'exercice et BDG (bonnes de guerres) ont pris l'air depuis la BA 120 de Cazaux.
REPORTAGE - Textes et photos (sauf mention contraire) : © Mathieu Mounicq.
Du 5 au 30 mars 2018, les escadrons Rafale de la 30ème et de la 4ème Escadre de Chasse ont pris leurs quartiers sur la base aérienne 120 de Cazaux (33) pour effectuer leur campagne annuelle de tir air-sol.
Les pilotes du Régiment de Chasse 2/30 « Normandie-Niemen » et de l'Escadron de Chasse 3/30 « Lorraine » sont arrivés les premiers sur la base girondine avec des mécaniciens de l'Escadron de Soutien Technique Aéronautique (ESTA) 15.030 « Chalosse » entre le 05 et 16 mars. Ils ont été suivis entre le 19 et le 30 mars par leurs collègues de l'Escadron de Chasse 1/4 « Gascogne » des Forces Aériennes Stratégiques (FAS), soutenus des personnels de l'ESTA 15.004 « Haute-Marne ».
3 Rafale B/C de la 30ème EC étaient déployés à Cazaux pendant la durée de la campagne. 3 autres appareils étaient engagés directement depuis leur base de Mont-de-Marsan (40) pour les missions de tir canon.
Une demi-douzaine de Rafale B de l'EC 1/4 Gascogne ont pris la suite depuis leur base de Saint-Dizier (52). Les appareils de cet escadron opèrent régulièrement dans le sud-ouest comme ici à l'occasion de l'exercice VOLFA 16-02.
La base aérienne 120 « Commandant Marzac », implantée sur la commune de La Teste-de-Buch (33) a été ouverte le 1er septembre 1915 en tant qu’École de tir aérien de Cazaux. Commandée par le Capitaine Marzac, elle a alors pour mission première l'instruction des premiers pilotes de la toute nouvelle arme aérienne au tir depuis les avions.
En mai 1940, la base devient l'Ecole de perfectionnement au tir et au bombardement. Elle sert ensuite de base d'entrainement pour des unités de la Luftwaffe pendant l'occupation allemande. Après guerre, le centre d'essais en vol de Brétigny crée à Cazaux une antenne visant à réaliser les essais de tir. La base accueille alors les essais des différents types d'armements de l'époque : canons, roquettes et bombes.
A partir de 1962, la base devient officiellement la base aérienne 120. Elle accueille alors des escadrons participant à la dissuasion nucléaire sur Mirage IVA en plus de la formation au tir des personnels navigants et du centre des essais en vol. Les différents escadrons de l'Armée de l'Air commencent alors à passer par la base pour réaliser des campagnes de tir air-sol annuelles sur les différents champs de tir localisés à proximité.
Aujourd'hui, la base est toujours le haut lieu du tir pour l'Armée de l'Air en accueillant chaque année les différents escadrons en campagne de tir air-sol et en hébergeant de nombreuses entités aériennes militaires et civiles qui y sont dédiées avec l'Ecole de Transition Opérationnelle (ETO) qui continue à enseigner le tir et le bombardement aux personnels navigants,la Direction Générale de l'Armement - Essais en Vol (DGA EV) et une antenne du Centre d'Expertises Aériennes Militaires (CEAM).
La BA 120 dispose d'infrastructures importantes pour le stockage et la préparation de munitions bonnes de guerres. Ici, les mécaniciens armuriers préparent des bombes guidées laser GBU-12 BDG pour leur installation sous les avions.
Avion omnirôle, le Rafale permet aujourd'hui aux escadrons qui en sont équipés de mener un spectre de missions variées : défense aérienne, reconnaissance, appui-feu, interdiction aérienne, ainsi que la dissuasion nucléaire pour les escadrons des FAS. Les pilotes sont ainsi amenés à devoir maitriser les différents équipements, procédures et techniques de ces missions précédemment dévolues à différents types d'appareils aujourd'hui retirés du service ou en passe de l'être (Jaguar, Mirage F1CR et Mirage 2000N à partir de juin 2018).
Dans le cadre de leur progression, les pilotes s'entraînent toute l'année à réaliser l'ensemble de ces missions. Cependant, les campagnes de tir annuelles permettent à la plupart des pilotes des escadrons (hormis bien sûr ceux en OPEX) de pratiquer spécifiquement pendant une durée de quinze jours les procédures du tir de munitions air-sol de type bombes guidées laser, armements air-sol modulaires et canon.
Cela permet notamment aux jeunes pilotes de pouvoir délivrer pour la première fois de l'armement bon de guerre avant d'être déployés en opération extérieure, et aux pilotes expérimentés de maintenir leurs compétences et de se remettre dans des conditions proches du réel avant un nouveau déploiement à l'étranger. Les campagnes de tir visent également à exercer les mécaniciens armuriers de l'ESTA qui ont en charge la manutention, la préparation et le montage et le démontage des munitions sur les avions.
Ainsi, une quarantaine de mécaniciens, encadrés par trois officiers mécaniciens, participaient à la campagne de tir afin de pouvoir se réentrainer ou d'être qualifié sur les différents types de munitions.
Les personnels de l'ESTA 15.030 « Chalosse » procèdent à l'installation d'une bombe GBU-12 sous un Rafale C du 3/30 « Lorraine ».
Les différentes munitions tirées lors de ces campagnes de tir sont à la fois inertes et bonnes de guerre, chaque pilote pouvant délivrer plusieurs bombes inertes, une bombe bonne de guerre et entre 200 et 250 obus du canon de 30mm.
Les armements tirés par les Rafale à l'occasion de la campagne de tir 2018 étaient représentatifs des emports habituellement employés par les Rafale sur les théâtres d'opérations avec la bombe guidée laser GBU-24A/B de 1 tonne et équipée de kit de guidage Paveway III, la GBU-22 de 326kg aussi équipée du kit de guidage Paveway III et la GBU-12 de 273kg avec le kit de guidage Paveway II.
Illustrations des différents types de bombes guidées laser employées par l'Armée de l'Air avec, de gauche à droite : GBU-24B, GBU-16, GBU-22 et GBU-12.
Sont aussi largement employés les AASM (Armement air-sol modulaire) à guidage inertiel-GPS, complétés éventuellement par un guidage infrarouge ou laser avec la SBU-38, SBU-54, SBU-64 (227 kg - 250 kg).
Image d'illustration d'un armement air-sol modulaire lors de l'exercice Artic Thunder 2014, en Norvège. Photo : © O. Ravenel / Armée de l'Air / Défense.
Outre les bombes air-sol, le Rafale dispose du canon Nexter (GIAT) 30M-791 tirant des obus de 30 mm OSPEI (semi-performant explosif incendiaire) ou OMEI (mine explosif incendiaire).
Les bombes guidées d'entrainement LGTR (Laser Guided Training Round) de 40 kg sont aussi largement utilisées. Elles sont équipées des kit Paveway II et permettent de restituer, de par son guidage laser et sa trajectoire de vol, la GBU-12. Elles restituent l'impact par l'émission d'un fumigène ou la production d'un flash lumineux
La base de Cazaux est située à proximité de trois champs de tir. Celui de Calamar qui est attenant à la base elle-même, le champ de tir et polygone d'essais (CTPE) de Captieux (33) et celui de la Direction Générale de l'Armement - Essais de Missiles de Biscarrosse (40).
Seuls les deux derniers, situés à quatre minutes de vol de la base, ont été utilisés par les Rafale lors des missions de tir. Le champ de tir de Captieux a vu le déroulement des tirs canon, des bombes d'entrainement LGTR, des bombes inertes et des GBU-12 BDG. Les zones maritimes du champ de tir de la DGA-EM de Biscarrosse ont accueilli les tirs des armements ayant des portées plus étendues comme les GBU-22, GBU-24 et AASM.
En complément de ces deux champs de tir, les Rafale ont également été amenés à délivrer de l'armement sur le champ de tir de la Direction Générale de l'Armement - Essais de Missiles de l'Ile du Levant (83) lorsque les conditions météorologiques n'étaient pas optimales dans le sud-ouest.
Lors des missions de tirs, les avions étaient en configuration lourde avec deux réservoirs externes de 2 200 litres et la nacelle de désignation laser DAMOCLES.
Les emports variaient ensuite selon le type d'armements délivré de manière à avoir une configuration symétrique lors des décollages et afin de faciliter un retour en sécurité au terrain en cas de panne au décollage. Les profils sont multiples avec par exemple 2 LGTR ; 1 GBU-12 BDG et 3 GBU-12 inertes ; 1 AASM BDG et 3 AASM inertes ; 1 GBU-22 BDG et 3 GBU-22 inertes ou 1 GBU-24.
Les vols vers les champs de tir se déroulaient avec des réserves de carburant limitées, dont les réservoirs largables vides, et en basse altitude selon des itinéraires dédiés pour limiter le survol des zones habitées avec des armements BDG… Seules les missions vers l'Ile du Levant se déroulaient avec le plein complet de carburant et à haute altitude pour que le pilote puisse diriger l'avion vers une zone inhabitée en cas de problème technique qui nécessite l'éjection de l'équipage.
Par ailleurs, cette campagne a été la première occasion de tir par une unité opérationnelle suite à une nouvelle mise à jour du système de guidage des AASM. Cette modernisation permet maintenant à l'avion-tireur de tirer sa bombe depuis la « wheel d'observation ». Il n'a donc plus à effectuer un « run » pour s'éloigner de la cible et ainsi mettre la séparation qui était auparavant nécessaire entre l'avion et la cible avant de délivrer l'armement. Au « Normandie-Niémen », on nous explique que cette nouvelle fonction est considérée comme une « petite révolution ».
Pour rappel, une wheel, c'est un mouvement circulaire. Les avions tournent dans le sens des aiguilles d'une montre pour ne pas masquer la nacelle de désignation. Ils cerclent autour de la cible. Les avions peuvent s'empiler en patrouilles dans la roue. Seuls les deux du bas sont en contact avec le contrôleur aérien avancé et tirent.
Pour les missions de tir de bombes GBU-12, les Rafale étaient équipés d'une bombe GBU-12 BDG et 3 bombes GBU-12 inertes.
Defens'Aero souhaite remercier pour leur accueil le Commandant de la BA 120, le Commandant du Régiment de Chasse « Normandie-Niemen », l'officier communication du Commandement des Forces Aériennes, l'officier communication de la BA 120 et l'ensemble du personnel de l'ESTA 15.030 « Chalosse ».
Le Rafale C102 de la 30ème Escadre de Chasse était porteur d'une belle livrée commémorant le centenaire des as de la première guerre mondiale.