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Le Qatar signe un contrat pour l'achat de 24 Eurofighter Typhoon

Le Qatar signe un contrat pour l'achat de 24 Eurofighter Typhoon

© BAE Systems - Un Eurofighter Typhoon de la Royal Air Force en vol au-dessus du désert des Emirats arabes unis.

© BAE Systems - Un Eurofighter Typhoon de la Royal Air Force en vol au-dessus du désert des Emirats arabes unis.

Après avoir acheté 12 Rafale EQ/DQ supplémentaires et posé une nouvelle option pour 36 autres Rafale le 07 décembre 2017, le Qatar vient de signer un nouveau contrat avec BAE Systems portant sur l'acquisition de 24 Eurofighter Typhoon, pour un montant de 6 milliards de livres sterling, ce 10 décembre. Le contrat a été signé entre le Ministre anglais de la Défense Gavin Williamson et son homologue qatari Khaled ben Mohammed el Attiyah.

Dans un communiqué de presse publié à cette occasion, l'avionneur britannique explique que ces 24 Typhoon devraient être livrés à la Force Aérienne de l'Emir du Qatar (QAEF) à compter de 2022, tandis que le premier payement doit être versé par Doha, au plus tard, dans le courant de la mi-2018.

Outre la fourniture des avions, le contrat prévoit également le soutien de la flotte au Qatar, la livraison du matériel de rechange ainsi que la formation et l'entraînement des aviateurs qataris (pilotes, navigateurs, mécaniciens, spécialistes, armuriers, etc…) sur le territoire britannique. Par ailleurs, ce contrat prévoit aussi la livraison de l'armement associé puisque les Typhoon qataris seront armés par des missiles air-sol BRIMSTONE, des missiles air-air longue portée METEOR, encore en cours d'intégration, et des bombes air-sol guidées laser Paveway IV.

En dehors de la vente des appareils et de la formation des utilisateurs, la signature de cet accord prévoit également des échanges et une coopération renforcée entre la Royal Air Force et la Force Aérienne de l'Emir du Qatar. En effet, le gouvernement qatari explique dans un communiqué qu'un Joint Operational Squadron (JOS) va être mis en place.

Cet escadron interarmées serait composé de personnels britanniques et qataris et devrait pouvoir «aborder toutes les opérations de combat aérien, tout en assurant la préparation au combat pour les pilotes britanniques et qataris». Il est expliqué que cet escadron «jouera un rôle important dans une situation opérationnelle et qu'il assurera la sécurité aérienne lors des épreuves de la coupe du monde de foot de 2022», qui se tiendront au Qatar.

Charles Woodburn, directeur général de BAE Systems, a déclaré que «nous sommes ravis d'entamer un nouveau chapitre dans le développement d'une relation à long terme avec l'Etat du Qatar et ses forces armées, et nous sommes impatients de travailler avec nos clients pour continuer à développer leurs capacités militaires».

Ce contrat intervient après la signature d'une déclaration d'intention entre Londres et Doha le 17 septembre 2017. Michael Fallon, alors Ministre de la Défense au Royaume-Uni, avait déclaré que c'est le «premier contrat de défense majeur avec Qatar, l'un des partenaires stratégiques du Royaume-Uni, [et] c'est un moment important dans nos relations de défense et pour une coopération encore plus forte dans le domaine de la défense entre nos deux pays».

Toutefois, cette série de contrat pose de nombreuses questions sur les intentions du Qatar, petit mais riche Etat de 11 571 km² situé dans la péninsule arabique. En effet, la Force Aérienne de l'Emir du Qatar est aujourd'hui une petite force aérienne, que ce soit par le nombre d'aviateurs qui la compose, ainsi que par ses infrastructures.

Or, l'achat des Rafale, F-15EQ Strike Eagle et Typhoon implique de profonds changements pour cette institution puisqu'il faut qu'elle construise les bâtiments et les installations nécessaires (bâtiments de vie et opérationnels, hangars, dépôts, tarmac, abris, etc…) pour le fonctionnement de tous ces nouveaux vecteurs.

Par ailleurs, outre les installations, il faut également que le Qatar recrute et forme, outre le personnel navigant (pilotes et navigateurs système d'armes), des aviateurs qui permettront la mise en oeuvre de tous ces militaires, du mécanicien à l'armurier, en passant par le spécialiste avionique et les différents techniciens. La question «d'opérateurs extérieurs» se pose rapidement…

Passé l'étape du recrutement et de la sélection, il faudra également qu'elle forme tous ses aviateurs dans plusieurs pays différents (France pour le Rafale, Etats-Unis pour le F-15EQ et Royaume-Uni pour le Typhoon), ce qui complique forcément le cursus et engendre des coûts.

Enfin, la question du coût se pose aussi et surtout sur le long terme, puisque le Qatar va devoir, ne serait-ce qu'en terme d'avions de combat, mettre en oeuvre, entretenir et moderniser trois flottes différentes, ce qui a un coût… même pour les pays les plus riches. Un coût, ainsi qu'une organisation/logistique compliquée puisque chaque avion de combat dispose de ses propres structures et de ses propres équipements, armements, etc…

Cette politique qatarie dispose toutefois d'au moins deux avantages. Le premier est celui de la mise en place de relations stratégiques avec les pays concernés. Une solution intéressante pour le Qatar alors qu'il doit faire face encore aujourd'hui à un embargo imposé par l'Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l'Égypte. 

Le second avantage est celui d'éviter toute dépendance totale envers un seul et même fournisseur de matériels militaires. Bien que peu interventionniste, le Qatar pourrait lui-aussi mener des opérations militaires qui pourraient, directement ou indirectement, aller à l'encontre des intérêts d'un pays fournisseur. Dans ce cas là, la suspension de l'aide et de la livraison de matériels pour une des trois flottes ne bloquerait pas les mouvements aériens de la force aérienne, puisqu'il lui resterait encore deux flottes en activité.

Mais la signature de ce contrat pourrait également avoir des répercutions sur l'avenir du programme Eurofighter. En effet, l'Arabie Saoudite, qui possède une flotte complète de 72 Typhoon T2 (monoplace) et T3A (biplace), participe activement et surtout financièrement au développement du programme Eurofighter, avec notamment la mise en place du missile de croisière air-sol Storm Shadow, etc…

Dans ce contexte, le blog Du Tungstène dans la Tête pose une question tout à fait pertinente : «l’Arabie saoudite pourrait-elle sérieusement continuer à investir dans un avion dont l’émirat tant honnis vient de commander 24 exemplaires au dernier standard ? Gageons que Ryad a peu goûté à l’ironie de la situation : financer sur ses propres deniers des upgrades qui bénéficieront directement au Qatar».