Le vendredi 22 décembre 2017, l'Armée de l'air française a réceptionné son tout premier C-130J-30 Super Hercules, qui s'est posé sur la base aérienne 123 d'Orléans-Bricy, après une sortie des chaînes d'assemblage de Lockheed Martin le 12 octobre, une mise en peinture le 20 suivant et un premier vol le 22 novembre depuis l'Air Reserve Base de Dobbins, près d'Atlanta, dans l'Etat de Géorgie (Etats-Unis).
A l'occasion de cette réception, la Direction Générale de l'Armement (DGA) explique qu'elle a «auparavant attribué le certificat de type militaire de ce nouvel avion à Lockheed-Martin, ouvrant ainsi la voie à une exploitation rapide au sein de l’armée de l’Air française» et à son intégration au sein de l'Escadron de Transport 2/61 «Franche-Comté».
Actuellement, la France dispose d'une flotte de quatorze C-130H-30 Hercules, acquis il y a maintenant trente ans. Cette flotte doit faire face à une forte utilisation sur les différents théâtres d'opérations, à une faible disponibilité et à des problèmes d'entretien. La différence majeure avec les C-130H se matérialise notamment par une avionique moderne avec des écrans, et avec une nouvelle motorisation.
#Live Ça y est, il est arrivé sur la BA 123 d'Orléans ! L'Armée de l'Air a reçu (et baptisé) officiellement ce jour son premier C-130J 30, qui vient renforcer la composante transport des forces aériennes ! ✈️👍 pic.twitter.com/IQQBdNoYI8
— Armée de l'air (@Armee_de_lair) 22 décembre 2017
Pour rappel, le 29 janvier 2016, la Direction Générale de l'Armement (DGA) a officiellement passé une commande deux C-130J-30 et deux KC-130J Super Hercules auprès de l'US Air Force, dans le cadre d’une procédure d’acquisition FMS (Foreign Military Sales).
Cette commande a été effectuée afin de soulager l'actuelle flotte épuisée des C-130H Hercules, d'anticiper le retrait des C-160R Transall (prévu en 2023) et de combler les nombreux problèmes et retards que subit le programme A400M Atlas (absence de la capacité de ravitaillement en vol des hélicoptères, faible disponibilité, retards dans le livraison de nouvelles capacités, etc…).
En Allemagne, c'est pour les mêmes raisons, afin notamment d'éviter un trou capacitaire entre le retrait des Transall de la Luftwaffe prévu en 2021 et la lente montée en puissance des A400M, que le Bundestag a approuvé l'achat de six C-130J Super Hercules, qui devraient être commandés en 2019 pour une première livraison en 2021.
C'est dans ce contexte là que le 10 avril 2016, Jean-Yves Le Drian, ex-Ministre français de la Défense, a rencontré son homologue allemand Ursula von der Leyen afin de signer un accord inter-gouvernemental qui prévoit une mutualisation de la flotte des Super Hercules, des équipements associés et des militaires au sein d'un seul et même escadron.
A la suite de la signature de cet accord, la Ministre allemand a expliqué qu'un escadron franco-allemand composé de quatre appareils français et six allemands, soit dix au total, seront stationnés sur la base aérienne 105 d'Evreux. Cette unité franco-allemande «accueillera également un centre d’entraînement moderne et complet acquis en commun», détaille le général Laurent Marboeuf, commandant la Brigade Aérienne d’Appui et de Projection (BAAP).
La constitution de cette nouvelle unité, qui disposera déjà de solides connaissances grâce aux aviateurs envoyés en échange dans des forces aériennes utilisatrices des Super Hercules, devrait se solder par une pleine capacité opérationnelle «à l’horizon 2024», précise la même source. Tandis qu'une capacité opérationnelle initiale aura été acquise en 2021.
Cet escadron, souligne l'Armée de l'Air, sera entièrement binational. En effet, il y aura entre Paris et Berlin un partage des coûts, ainsi qu'une organisation et un soutien technique et logistique franco-allemand. En outre, les équipages navigants comme le personnel au sol seront issus de l'Armée de l'Air française et de la Luftwaffe. Il s'agira ici «d’un véritable brassage culturel du transport aérien tactique, puisque les équipages et les mécaniciens viendront aussi bien des flottes C130H que des flottes C160 ou Casa».
Les avions de transport seront mis en oeuvre par des aviateurs français et environ 200 autres allemands, que ce soit les équipages navigants ou le personnel au sol, avec Paris en tant que nation cadre dans ce projet européen.
Bien que la France dispose déjà de C-130H Hercules, l'utilisation et l'entretien des Super Hercules est sensiblement différente avec notamment un cockpit récent et numérique, des pièces de rechange qui ne sont pas compatibles, etc… Avec la colocalisation et la mutualisation de ces moyens, Paris et Berlin réduiront les coûts de mise en oeuvre avec le partage des pièces de rechange, des simulateurs, des hangars, etc…
Cette coopération s'est consolidée le 18 octobre 2017 avec la signature d'un accord de principe entre le major général des Armées Philippe Coindreau et son homologue allemand Joachim Rühle, dans le cadre de la réunion du Groupe franco-allemand de coopération militaire (GFACM).
Mais l'arrivée de ces deux nouvelles versions du Hercules et la mise en place d'un escadron franco-allemand va entraîner des évolutions qui vont intervenir au sein de la flotte d'avions de transport de l'Armée de l'Air française, ainsi que sur les deux bases aériennes, BA 105 d'Evreux et BA 123 d'Orléans, concernées par ces changements.
En effet, un récent article publié par l'Armée de l'Air expliquait que la 62ème Escadre de transport (ET) avait été réactivée le 1er septembre 2017 sur la base aérienne 123 d'Orléans, en parallèle de la création d'un nouvel Escadron de Soutien Technique Aéronautique (ESTA). Cette escadre, selon l'Armée de l'Air, doit réunir «les escadrons de transport «Poitou» et «Franche-Comté» dans une organisation modernisée».
Aux côtés des C-130H Hercules, des C-160 Transall et des CN-235, viendront s'ajouter les Super Hercules récemment commandés. A ce titre, il est précisé que le premier appareil arrivera sur place à la fin de l'année 2017, tandis que le second C-130J sera livré en 2018. Enfin, les KC-130J, ceux qui disposent d'une capacité de ravitaillement en vol des hélicoptères et des avions de combat, seront livrés dans le courant de l'année 2019.
«Les services seront différenciés pour ces deux appareils mis en œuvre par l’escadre, car les C130H et les C130J présentent des particularités bien distinctes», explique le général Laurent Marboeuf, notamment en ce qui concerne les pièces de rechange, la mise en oeuvre des avions, des outils et des techniques qui sont modifiées, etc…
Plus tard, en 2021, le transport aérien militaire français va encore changer de format puisque «une unité franco-allemande sera créée sur la base aérienne 105 d’Évreux, réunissant des équipages ainsi que du personnel de maintenance et d’environnement impliqués dans la mise en œuvre» de ces nouveaux avions de transport tactique (ATT), affirme l'Armée de l'Air.
A ce titre, afin de préparer la base aérienne d'Evreux à l'arrivée de ces nouveaux avions, Paris comme Berlin débourseront chacun 50 millions d'euros pour la construction des infrastructures nécessaires.
Dans quelques années donc, la BA 123 d'Orléans sera chargée du segment lourd avec l'ET 1/61 «Touraine» et ses A400M. De son côté, la BA 105 d'Evreux aura le segment médian et léger avec les C-130H, KC-130J et C-130J français et allemands, ainsi que les C-160 Transall et Casa CN-235.