© Eurofighter / Katsuhiko Tokunaga - Un Typhoon du No. 3 Squadron de la Royal Air Force au-dessus du désert des Emirats arabes unis.
Actuellement, la Force Aérienne de l'Emir du Qatar (QEAF, Qatar Emiri Air Force) possède une flotte composée de treize Mirage 2000-5EDA/DDA, et a récemment passé une commande pour 24 Rafale EQ/DQ en mai 2015, ainsi que 24 à 36 F-15EQ Strike Eagle en novembre 2016.
Mais cette flotte pourrait encore se renforcer puisque le 17 septembre 2017, dans un communiqué de presse publié par le Ministère britannique de la Défense, le Secrétaire d'Etat à la Défense Michael Fallon a annoncé que le Qatar venait de signer une déclaration d'intention concernant l'achat de 24 Eurofighter Typhoon.
En effet, lors d'un déplacement au Qatar afin de rencontrer son homologue qatari Khalid bin Mohammed al Attiyah, Michael Fallon a déclaré «qu'après quelques années de négociation entre nos deux pays, je suis ravi d'avoir pu signer aujourd'hui, avec le ministre de la Défense du Qatar, cette déclaration d'intention portant sur l'achat de 24 appareils Typhoon par le Qatar».
Il s'agit du «premier contrat de défense majeur avec Qatar, l'un des partenaires stratégiques du Royaume-Uni, [et] c'est un moment important dans nos relations de défense et pour une coopération encore plus forte dans le domaine de la défense entre nos deux pays», a-t-il ajouté.
Actuellement, le Typhoon évolue dans le ciel du Moyen-Orient avec les cocardes de l'Arabie Saoudite (72 exemplaires), d'Oman (12 appareils) et du Koweït (28 unités). Toutefois, la signature surprise de cette lettre d'intention pose de nombreuses questions sur les intentions du Qatar, petit mais riche Etat de 11 571 km² situé dans la péninsule arabique.
En effet, la Force Aérienne de l'Emir du Qatar est aujourd'hui une petite force aérienne, que ce soit par le nombre d'aviateurs qui la compose, ainsi que par ses infrastructures. Or, l'achat des Rafale, F-15EQ et Typhoon implique de profonds changements pour cette institution puisqu'il faut qu'elle construise les bâtiments et les installations nécessaires (bâtiments de vie et opérationnels, hangars, dépôts, tarmac, abris, etc…) pour le fonctionnement de tous ces nouveaux vecteurs.
Par ailleurs, outre les installations, il faut également que le Qatar recrute et forme, outre le personnel navigant (pilotes et navigateurs système d'armes), des aviateurs qui permettront la mise en oeuvre de tous ces militaires, du mécanicien à l'armurier, en passant par le spécialiste avionique et les différents techniciens. La question «d'opérateurs extérieurs» se pose rapidement…
Passé l'étape du recrutement et de la sélection, il faudra également qu'elle forme tous ses aviateurs dans plusieurs pays différents (France pour le Rafale, Etats-Unis pour le F-15EQ et Royaume-Uni pour le Typhoon), ce qui complique forcément le cursus et engendre des coûts.
Enfin, la question du coût se pose aussi et surtout sur le long terme, puisque le Qatar va devoir, ne serait-ce qu'en terme d'avions de combat, mettre en oeuvre, entretenir et moderniser trois flottes différentes, ce qui a un coût… même pour les pays les plus riches. Un coût, ainsi qu'une organisation/logistique compliquée puisque chaque avion de combat dispose de ses propres structures et de ses propres équipements, armements, etc…
Cette politique qatarie dispose toutefois d'au moins deux avantages. Le premier est celui de la mise en place de relations stratégiques avec les pays concernés. Une solution intéressante pour le Qatar alors qu'il doit faire face encore aujourd'hui à un embargo imposé par l'Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l'Égypte.
Le second avantage est celui d'éviter toute dépendance totale envers un seul et même fournisseur de matériels militaires. Bien que peu interventionniste, le Qatar pourrait lui-aussi mener des opérations militaires qui pourraient, directement ou indirectement, aller à l'encontre des intérêts d'un pays fournisseur. Dans ce cas là, la suspension de l'aide et de la livraison de matériels pour une des trois flottes ne bloquerait pas les mouvements aériens de la force aérienne, puisqu'il lui resterait encore deux flottes en activité.
Mais la signature de ce contrat pourrait également avoir des répercutions sur l'avenir du programme Eurofighter.
En effet, l'Arabie Saoudite, qui possède une flotte complète de 72 Typhoon T2 (monoplace) et T3A (biplace), participe activement et surtout financièrement au développement du programme Eurofighter, avec notamment la mise en place du missile de croisière air-sol Storm Shadow, etc…
Dans ce contexte, le blog Du Tungstène dans la Tête pose une question tout à fait pertinente : «l’Arabie saoudite pourrait-elle sérieusement continuer à investir dans un avion dont l’émirat tant honnis vient de commander 24 exemplaires au dernier standard ? Gageons que Ryad a peu goûté à l’ironie de la situation : financer sur ses propres deniers des upgrades qui bénéficieront directement au Qatar».