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Dassault Aviation et son Rafale se lancent dans la compétition en Belgique

Dassault Aviation et son Rafale se lancent dans la compétition en Belgique

Le 17 mars 2017, à l'issue du Conseil des Ministres et sous l'impulsion du Ministre belge de la Défense Steven Vandeput, la Belgique a officiellement lancé son programme d'acquisition d'un nouvel avion de combat afin de remplacer ses vieillissants F-16A/B de la Composante Air.

Ce contrat, dont le montant estimé n'a pas été précisé, prévoit le remplacement des 54 F-16A/B Block 15 et Block 20MLU (Mid-Life Update) par 34 nouveaux avions de combat multi-rôles.

Lors de la publication de cette annonce, cinq avions de combat étaient en compétition pour tenter de décrocher le marché : Le Rafale (France et Dassault Aviation), le JAS-39E Gripen (Suède et Saab), le F-35A Ligthning II de Lockheed Martin et le F/A-18E/F Super Hornet de Boeing aux Etats-Unis et enfin le Typhoon (Eurofighter et Royaume-Uni).

Le 07 septembre, six mois plus tard et passé le dernier délai de dépôt des dossiers par les participants, la compétition vient officiellement de connaître les trois rivaux qui vont se disputer le marché. 

© Dassault Aviation / Anthony Pecchi - Deux Rafale B, dont l'un équipé pour une mission air-sol et le second pour de la supériorité aérienne.

© Dassault Aviation / Anthony Pecchi - Deux Rafale B, dont l'un équipé pour une mission air-sol et le second pour de la supériorité aérienne.

  • Ceux qui se lancent, et ceux qui n'y vont pas

Le F-35A Lightning II et l'Eurofighter Typhoon ont répondu comme convenu à l'appel d'offres de la Belgique dans les temps, aux côtés du Rafale qui trace ici sa propre voie, tandis que le Super Hornet et le Gripen ont jeté l'éponge.

Cette compétition se fera sans l'appareil de Boeing, qui «a informé le gouvernement belge qu'il ne participerait pas aujourd'hui [19 avril 2017, NDLR] à la conférence des soumissionnaires, et ne répondrait pas à la demande de proposition pour un nouvel avion de chasse», expliquait l'entreprise dans un communiqué de presse.

L'avionneur américain regrette notamment que la Request for Government Proposal (RfGP) envoyée aux différents avionneurs de la compétition soit trop éloignée des capacités du Super Hornet, et qu'elle pousse vers des choix qui ne sont pas ceux proposés par Boeing.

Bien que cela ne soit pas officiellement exprimé, la question d'un arrangement commercial entre Boeing et Lockheed Martin peut être soulevée. En effet, Lockheed Martin a récemment subit de nombreux revers au Canada, où il espérait placer son Lightning II, et où l'espoir s'amoindrit de plus en plus, en raison notamment des déboires du programme Joint Strike Fighter (JSF) et de sa mauvaise image à Ottawa.

De plus, l'Aviation Royale Canadienne, en attendant la sélection de son prochain avion de combat, a fait le choix de commander 18 Super Hornet pour soulager les vieillissants CF-188 Hornet. Dans ce contexte là, Lockheed Martin avec son F-35 dégage-t-il de la place pour le Super Hornet de Boeing au Canada, tandis que Boeing laisse lui Lockheed Martin seul avec son F-35 en Belgique… ?

Concernant le suédois Saab et son JAS-39E/F Gripen, la Swedish Defense Material Administration a indiqué dans un communiqué de presse publié le lundi 10 juillet 2017 qu'elle se retirait de la compétition à l'issue de l'étude de la demande faite par la Belgique et sa Composante Air.

Stockholm justifie son choix en expliquant que la sélection par le Belgique demandait, dans son cahier des charges, la mise en place «d'un soutien opérationnel étendu de la part du pays offrant». Or, cette demande «nécessiterait un mandat de politique étrangère et politique qui n'existe pas aujourd'hui en Suède». «Par conséquent, la Suède et la Swedish Defence Material Administration ont choisi de ne pas répondre à la demande belge», conclu le communiqué.

© USAF - Un F-16AM de la Composante Air belge se ravitaille auprès d'un KC-10 Extender au-dessus de l'Afghanistan.

© USAF - Un F-16AM de la Composante Air belge se ravitaille auprès d'un KC-10 Extender au-dessus de l'Afghanistan.

  • Le défi pris par «l'Equipe France»

Si la France a décidé de participer à cette nouvelle compétition avec son Rafale F3R, ce n'est certainement pas dans le même cadre que les deux autres concurrents. En effet, face à l'appel d'offres belge, très critiqué car considéré comme étant taillé pour le F-35A, l'Equipe France a décidé de jouer la carte politique et de proposer à Bruxelles «la mise en place d’un partenariat approfondi», selon le communiqué du Ministère des Armées.

En effet, le ministère explique que ce partenariat franco-belge «pourrait prendre la forme d’un accord intergouvernemental, comprendrait la fourniture de l’avion de combat Rafale, mais aussi une coopération approfondie entre nos deux armées de l’air dans les domaines opérationnels, de formation et de soutien, ainsi qu’une coopération industrielle et technique impliquant des entreprises des deux pays».

Outre le domaine opérationnel, avec ce partenariat, Paris joue également la carte politique puisque Florence Parly, Ministre des Armées, affirme que cela «consoliderait la relation ancienne et profonde entre nos deux pays». Cette association «contribuerait au renforcement de l’Europe de la Défense et de son autonomie stratégique, à une période où celle-ci est plus que jamais nécessaire», ajoute-t-elle.

De son côté, Dassault Aviation annonce dans la même ligne directrice que celle du Ministère des Armées que l'avionneur français «et ses partenaires participent pleinement à l’offre globale de partenariat approfondi faite par les Autorités Françaises au Gouvernement Belge, en présentant le Rafale pour le remplacement des F-16 de la Composante Air de la Défense belge».

Dassault affirme que le Rafale «permettra à la Belgique de continuer à jouer pleinement son rôle de membre fiable de l’Alliance Atlantique, tout en apportant sa contribution à la sécurité de l’Union Européenne». Il est question ici de faire jouer la préférence européenne, notamment dans le cadre d'une Europe de la Défense (souvent bancale…), mais tout en conservant les relations militaires et diplomatiques avec Washington.

Par ailleurs, l'avionneur souligne que «le Rafale, avion de combat polyvalent de dernière génération, a démontré de façon incontestable sa totale interopérabilité OTAN en opérations de combat. Ses coûts d’acquisition et d’utilisation sont connus et sans surprise, et sa conception garantit à la Belgique de rester à la pointe de la technologie dans les 40/50 années qui viennent».

C'est ici une attaque aux nombreux problèmes techniques (viseur de casque et logiciels défaillants), retards dans la conception (système de désignation laser) et aux surcoûts que doit faire face Lockheed Martin dans le cadre du programme Joint Strike Fighter.

Enfin, la France joue aussi sur le plan économique avec une forte coopération et implication des filiales belges de Dassault. «Déjà largement implantés en Belgique depuis la fin des années 60, avec neuf entreprises filiales, plus de 3000 salariés belges dans des emplois à haute valeur technologique, un réseau de plus de 800 fournisseurs référencés et plus de 800 millions d’Euros de commandes annuelles à la Belgique, Dassault Aviation et ses partenaires proposent aux partenaires économiques des trois régions belges, une stratégie de coopération à moyen et long termes véritablement structurante pour l’avenir de l’industrie belge qui contribuera au renforcement de l’Europe de la Défense», a déclaré Eric Trappier, Président-Directeur général de Dassault.

© Lockheed Martin - Le premier F-35A de la Force Aérienne Royale Néerlandaise lors de son premier vol, le 06 août 2012.

© Lockheed Martin - Le premier F-35A de la Force Aérienne Royale Néerlandaise lors de son premier vol, le 06 août 2012.

Mais les bonnes intentions de Paris vont se retrouver face aux multiples exigences de Bruxelles et à des impératifs qui sont aujourd'hui difficilement contournables, comme la capacité d'emport de la bombe atomique B61.

Il y a quelques mois, Didier Reynders, le Ministre belge des Affaires Etrangères, expliquait publiquement «qu'au sein de l'Alliance, la Belgique a accepté, il y a cinq décennies déjà, que ses avions de combat possèdent aussi bien une capacité conventionnelle que nucléaire. Tenant compte d'une analyse réalisée en commun de la menace globale, l'OTAN nous demande de continuer à maintenir nos avions de combat disponibles pour d'éventuelles missions de cette nature. Nous comptons bien remplir toutes nos obligations dans ce cadre».

En France, le Rafale est un appareil capable d'effectuer des missions stratégiques avec son missile de croisière ASMP-A dans le cadre de la posture permanente de dissuasion nucléaire avec son utilisation par les Forces Aériennes Stratégiques, depuis la base aérienne 113 de Saint-Dizier. Mais cette capacité est strictement franco-française et les Etats-Unis devraient sans doute et logiquement refuser l'intégration (installation, capacité de tir, lignes de codes, etc…) de la bombe B61 sur le Rafale.

Outre le respect du contrat de la Belgique avec les missions OTAN, la Composante Air a noué des relations extrêmement fortes avec sa voisine, la Force Aérienne Royale Néerlandaise, tant sur le plan opérationnel que dans l'interopérabilité, alors qu'Amsterdam a d'ores et déjà commandé et reçu ses premiers F-35A.

En effet, les deux pays s'engagent à tour de rôle dans l'opération Inherent Resolve depuis la base aérienne d'Azraq, en Jordanie, afin de lutter contre l'organisation Etat Islamique. Avec un budget limité et une activité opérationnelle forte, les deux nations ont décidé de s'entendre afin de limiter les coûts.

De ce fait, les premiers déploiements avaient vu la présence simultanée des deux nations avec, entre autres, la mutualisation du stock des pièces de rechange, la maintenance des appareils, des procédures communes, etc… Par la suite, l'engagement s'est fait à tour de rôle. En clair, lorsqu'une nation engage ses F-16M/ABM pendant quelques mois, la seconde assure la protection du détachement, et vise-versa.

En outre, le 21 décembre 2016, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg ont signé le traité Renegade, qui doit assurer la protection mutuelle de leur espace aérien, et entré en vigueur le 1er janvier 2017.

La Défense belge expliquait alors que cet accord technique prévoit qu'à tour de rôle, deux F-16AM de la Force Aérienne Royale Néerlandaise ou de la Composante Air assurent la protection de l'espace aérien des pays du Benelux : Belgique, Pays-Bas et Luxembourg, dépourvu de force aérienne.

Cette permanence opérationnelle (ou Quick Reaction Alert, QRA) alternée permettra «l'économie de moyens et de pilotes pour les deux forces aériennes», explique-t-on du côté des forces armées belges. Outre l'avantage certain, aujourd'hui, de l'utilisation du même chasseur et sans doute aussi demain avec l'arrivée du F-35 Lightning II, ce traité «signifie également que nous pourrons libérer des avions pour l'entraînement ou pour un engagement international si nécessaire».

© USAF - Deux F-16AM belges au-dessus de l'Afghanistan pendant une mission d'appui aérien rapproché.

© USAF - Deux F-16AM belges au-dessus de l'Afghanistan pendant une mission d'appui aérien rapproché.

Ce contrat, dont le montant est estimé à 3,573 milliards d'euros, prévoit le remplacement des 54 F-16A/B Block 15 et Block 20MLU (Mid-Life Update) par 34 nouveaux avions de combat multi-rôles.

Le nombre d'appareils à acquérir a été choisi à la suite de réflexions, dont l'une d'elle, précise le Ministère belge de la Défense, rappelle que les avions de combat de nouvelle génération ont de meilleures capacités au combat et que l'entraînement peut aussi se faire sur des simulateurs.

Parmi ces 34 avions de combat, la Composante Air doit pouvoir disposer de huit d'entres-eux 24/7 : six dans le cadre d'une opération à l'étranger (comme au Moyen-Orient avec Desert Falcon), ainsi que deux autres qui sont chargés d'assurer la souveraineté de l'espace aérien du BENELUX.

Selon les demandes effectuées par Bruxelles, le contrat devrait être conclu de gouvernement à gouvernement et les entreprises associées à ce projet devront être capables de soutenir ce programme jusqu'en 2030.

Ce programme est lancé aujourd'hui suite au vieillissement de la flotte des F-16A/B de la Composante Air.

Aujourd'hui, ces appareils ne disposent plus que d'un potentiel de 8 000 heures de vol afin de remplir leur contrat : missions d'entraînement et de formation, police du ciel, entraînement dans des exercices à l'étranger, et engagements opérationnels. Le Ministère belge de la Défense explique «qu'en tenant compte du temps de préparation pour une telle acquisition et celui de la livraison, la décision quant à ce nouvel avion doit être prise au cours de l'année 2018».

Par ailleurs, cette même source précise que l'âge avancé de la flotte n'est pas la seule raison quant à la sélection d'un nouvel avion de combat. En effet, actuellement, la mise en oeuvre des F-16 Fighting Falcon est suivie dans le cadre du Multinational Fighter Program (MNFP), qui comprend les Etats-Unis et une grande partie des états européens équipés de F-16A/B MLU.

«Étant donné que plusieurs pays partenaires du MNFP ont déjà choisi le successeur de leurs F-16, la suppression progressive de cette coopération est inévitable», est-il avancé.

En outre, «la disparition progressive de ce programme de coopération fera que l'entretien de la flotte de F-16 sera de plus en plus compliqué et coûteux, ce qui entraînera inévitablement une incidence sur son niveau de disponibilité, et donc la pertinence des capacité de combat des F-16 belges lors de leurs déploiements en opération».