Le 26 avril 2017, la Base Aérienne 113 de Saint-Dizier a officiellement dévoilé les nouvelles couleurs du Rafale de la Solo Display Team, tandis que le Groupe de Chasse 1/2 «Cigognes» dévoilait, le 14 mai 2017, son Mirage 2000-5F en hommage à l'As Guynemer.
Si ces deux avions semblent éloignés de par de nombreux points, ils sont pourtant liés entre-eux. En effet, le designer des deux livrées n'est autre que Régis «Rage» Rocca, déjà connu pour d'autres spectaculaires peintures, notamment celles du Nato Tiger Meet.
Defens'Aero a pu lui poser quelques questions au sujet de ces deux livrées :
Defens'Aero (DA) : Au sujet du Rafale, pourquoi avoir réalisé cette peinture ?
Régis : Orangina rouge aurait répondu parce que… mais moi je répondrais que c’est avant tout pour donner tout le lustre nécessaire à une démonstration en vol qui est à la fois puissante et technique.
A l’instar de nombreuses autres nations qui dédient des livrées spécifiques à leurs Solos, nous n’avons jamais vraiment œuvré dans ce sens particulier pour le Rafale.
Le hasard des réaffectations d’unités a voulu que les Tigres quittent la BA113 de St-Dizier et donc que le RSD [Rafale Solo Display, NDLR] se retrouve sans Rafale peint sous la main. Ce manque a été le facteur déclencheur de toute la machinerie.
De mon côté, j’avais depuis longtemps en tête de faire quelque chose pour cette équipe et sur la BA113, les soutiens furent enthousiastes pour porter le projet à bout de bras.
DA : Au sujet du Mirage 2000-5F, quel message est diffusé à travers cet avion et cette peinture ?
Régis : Un message de mémoire avant tout, un message aussi de symboles car il aurait été «basique» de peindre un portrait de Guynemer sur la dérive en disant «voilà on a fait un hommage».
Ici, c’est bien plus que cela car j’ai adapté les codes graphiques des SPAD d’époque que j’ai transcris sur un Mirage 2000 actuel. Nous sommes plus dans une relation de filiation qu’une relation de citation.
Les «Cigognes» actuels ou les anciens sont la descendance de Guynemer. L’hommage pour moi devait aller dans ce sens.
Cette livrée est aussi à portée éducative car le lien visuel et graphique entre les deux appareils, le SPAD et le Mirage 2000, est flagrant et si la vision présente de l’un peu amener à aller voir d’un peu plus près l’histoire de l’autre, alors le résultat escompté est obtenu.
© Régis Rocca - Les protections sont indispensables pour protéger les composants les plus sensibles mais aussi et surtout, les peintres eux-mêmes.
DA : Pourquoi ce choix des couleurs et ce design sur le Rafale ?
Régis : Pour le RSD, j’ai souhaité quelque chose qui épouse l’appareil au niveau du design et ne soit pour une fois pas symétrique.
Cet avion est suffisamment performant pour être d’une fluidité rare en vol et je souhaitais un design qui le soit également.
Les teintes sont identitaires à l’Institution et la présence du Charognard légitime cela. Je souhaitais faire un avion résolument moderne et percutant à l’image de la démo de Marty.
Le résultat est conforme à mon souhait et il a été positivement accueilli par l’ensemble des acteurs liés au projet. Et à présent également par le public. C’est hautement flatteur pour moi.
DA : Pour une peinture comme celle du RSD, cela représente quelle charge de travail ?
Régis : Pour le RSD, ça a été 110 heures de travail pour deux personnes en permanence, soit 220 heures au total, qui ont reçu le soutien de quelques personnes de façon ponctuelle.
Je tiens d’ailleurs à remercier avant tout ces 2 personnes : le SGC Ced’ et l’ADJ Oliv’, qui ont été les peintres de cet appareil, puis le personnel de l’Atelier Structure, les membres de l’ESTA 15.004 «Haute-Marne» et les personnels de la BA 113 qui ont œuvré dans l’ombre pour rendre cela possible.
Un grand remerciement également au LCL qui dirige cette unité car il a été un des piliers qui, par sa motivation et sa confiance, a rendu le projet possible.
© Régis Rocca - Encore caché des regards, la mise en peinture du Rafale est ici pratiquement achevée.
DA : Sans vouloir être indiscret, quel est le prix d'une peinture de cette envergure ?
Régis : Moins que ce que l’on pourrait croire car, d’une part, mon action est bénévole et celle des équipes techniques est comprise dans leurs attributions et temps de travail puisque ce personnel est celui de la BA113.
Les chiffres que je peux communiquer sont quantitatifs et pourront donner un aperçu plus factuel du travail. Les voici :
- 1500m de scotch de masquage,
- 25L de vernis,
- 40L de peinture et les 40L de diluant qui vont avec,
- 500m de papier de masquage type kraft.
DA : Comment se déroule la mise en place d'une telle peinture ?
Régis : Pour évoquer le sujet de façon générale (sachant que chaque avion a son histoire et son planning propre), disons qu’un tel projet se prépare entre douze et neuf mois avant !
Je prends connaissance du «brief», des contraintes et toutes les données que je dois intégrer à mon design.
Six mois avant, ma copie doit être remise finalisée pour pouvoir ensuite serpenter le long du chemin hiérarchique afin de recevoir l’ensemble des autorisations nécessaires. Cette phase est fondamentale car il y a énormément de facteurs à prendre en compte.
Le choix de l’avion est crucial car c’est un appareil qui va avoir une vie intense durant cette période et il doit être capable de supporter une sollicitation récurrente tout en présentant le moins de difficultés possibles pour n’avoir à recourir qu’à une maintenance minimale.
Pour ce qui est du design (couleurs, typographie, etc…), il est de mon propre chef. J’ai une relation de confiance avec mes interlocuteurs. Nous travaillons tous avec intelligence et écoute. De ce rapport, les résultats obtenus sont toujours à la hauteur des attentes de chacun. Il est important de souligner le dialogue sain et direct qui est toujours de rigueur entre nous.
Venant du milieu civil, je tiens à exprimer mon plus sincère respect pour les personnels militaires avec qui je collabore. Tous ont une ouverture d’esprit et m’offrent une confiance qui est loin d’être facile à retrouver en dehors de l’Institution. C’est pour cela que chaque projet est un plaisir pour moi.
Je continue, même après sept ans et une vingtaine d’appareils, avec une motivation restée intacte car ils savent entretenir mon envie d’aller toujours plus loin (ou plus vite selon l’avion).
Enfin, lorsqu’une date est décidée pour la présentation de l’appareil, la mise en peinture débute entre deux et trois semaines avant. Travail intense en énergie, mais au combien excitant de voir jour après jour naître le fruit de mon imagination.
Une fois la dernière couche de vernis posée, c’est généralement le «démasquage» rituel qui dévoile aux yeux des quelques chanceux présents la beauté de l’avion. Une vraie naissance !
Et comme pour toute naissance, s’en suit une célébration joyeuse entre amis car c’est bien de cela dont il s’agit, un beau travail accompli avec des proches, presque une famille.
D'abord titulaire de plusieurs diplômes de physique et chimie, Régis se tourne rapidement vers le design graphique, et sort major de sa promotion de l'Institut St-Luc de Bruxelles en 2004.
Aujourd'hui, il exerce en tant que Directeur Artistique Senior dans un studio de création résolument orienté vers le domaine du luxe.
Sa première collaboration avec l'Armée de l'Air française se déroule en 2009 lorsqu'il propose au feu Escadron de Chasse 1/12 «Cambrésis» une version tigrée d'un Mirage 2000C.
L'année suivante, sa création sera apposée sur l'un des 2000C de l'escadron pour leur participation au Nato Tiger Meet de Volkel, aux Pays-Bas. Cette coopération marque le début de nombreuses autres.
En effet, à ce jour, Régis a aussi travaillé avec les EC 1/7 «Provence», 2/2 «Côte d'Or», 1/4 «Gascogne», 3/3 «Ardennes», 2/4 «La Fayette», l'ER 2/33 «Savoie», le RC 2/30 «Normandie-Niémen», le GC 1/2 «Cigognes» et enfin, l'ETR 3/4 «Aquitaine».
Mais son travail ne se limite pas aux escadrons de chasse de l'Armée de l'Air.
On retrouve ses créations sur un Fennec de l'EH 3/67 «Parisis», sur un C-160R Transall de l'ET 2/64 «Anjou», sur un avion école de l'EAC 00.315 pour l'EIV 2/12 «Picardie», ainsi que sur un Alpha Jet de la 8e Escadre.
Il a également collaboré sur des projets annexes avec l'ET 60, l'EC 2/5 «île-de-France», l'EAC 00.314 et l'ET 1/62 «Vercors»
Pour le compte des escadrons de l'Armée de l'Air, il est le créateur d'une quinzaine de livrées spéciales sur huit types d'appareils différents.
Outre les avions peints, une vingtaine de casques Gallet, Guéneau et cimiers portent sa marque, et pas moins d'une bonne trentaine de patchs pour différents exercices et autres commémorations ont été imaginés depuis.
Dans le civil, deux livrées complètes ont été posées sur des Piper Cub J3.
Nous retrouverons très prochainement une nouvelle création de «Rage» sur un Rafale de l'Escadron de Chasse 3/30 «Lorraine» à l'occasion du Nato Tiger Meet de Landivisiau.
Pour le suivre dans ses différents projets, sa page Facebook officielle ici.
Voici quelques-unes de ses créations :
© SIRPA Air / Armée de l'Air / GC 1/2 «Cigognes».