Après «avoir effectué l’équivalent de 30 tours du monde, plus de 41 000 catapultages en 15 années d’activité opérationnelle intense», que ce soit au large de l'Afghanistan, de la Libye, de l'Irak, de la Syrie, ou du Yémen, le porte-avions Charles de Gaulle (PA CDG) vient de cesser toutes activités pendant les 18 prochains mois.
En effet, ce 08 février 2017, le PA CDG vient d'entamer son arrêt technique majeur (ATM) à mi-vie sous la maîtrise d'oeuvre du Service de Soutien de la Flotte (SSF), en coopération avec la Direction Générale de l’Armement (DGA) et le groupe naval français DCNS.
Entré en pratiquement une heure dans le bassin Vauban des installations portuaires de Toulon, la navire amiral de la Marine Nationale va être quotidiennement travaillé par près de 2 000 personnes, issues de 160 entreprises différentes, et qui seront chargées de travailler sur les 200 000 tâches programmées pour cette refonte.
© Marine Nationale - Pendant 18 mois, ce bassin va être la demeure du bâtiment amiral de la Marine Nationale.
La Marine Nationale explique que cette refonte suit principalement trois axes de modernisation : «la rénovation des systèmes de combat (senseurs, réseaux et communication, écrans et consoles multifonctions…), le passage au tout Rafale (remplacement du système d’appontage et de guidage), ainsi que la rénovation de sa plateforme (automates et systèmes de navigation)».
Outre ces trois volets, les ouvriers du chantier seront aussi chargés du Maintien en Condition Opérationnelle (MCO) avec notamment la révision des catapultes et de leurs systèmes, des chaufferies nucléaires, des machines internes, et du «rechargement du cœur en combustible».
Ce dernier est indispensable puisqu'il propulse le navire, mais assure aussi l'électricité à bord, la vapeur nécessaire aux catapultes, et la transformation de l'eau salée en eau douce.
L'installation de nouveaux systèmes de combat permettra au bâtiment de «rester au niveau des meilleurs alliés pendant les 20 prochaines années», mais aussi de lui faire profiter «des potentialités qu’offre la technologie du 21° siècle afin de garder son excellence opérationnelle et sa capacité d’interopérabilité de premier rang», notamment avec les bâtiments de l'US Navy.
Pour cela, le CDG va être équipé de réseaux informatiques plus performants et beaucoup plus sécurisés afin de se prémunir contre les cyberattaques et les tentatives de brouillages.
Toujours sur le plan informatique, une table numérique tactile va être installée, tout comme des nouveaux écrans et des consoles plus modernes, à l'image de ce qui se fait avec l'avionique des avions de combat de 3ème et 4ème génération.
© Marine Nationale - Les marges sont extrêmement étroites pour faire entrer le Charles de Gaulle dans le bassin Vauban.
Selon le site Zone Militaire, la modernisation se portera aussi sur le «Système d’exploitation navale des informations tactiques (SENIT-8)» qui sera monté avec «de nouveaux composants», le Système Inertiel de Navigation et d’Alignement (SINA) comprendra des centrales inertielles «à très haute précision de type SIGMA 40 à gyrolaser».
Par ailleurs, la protection du seul et unique porte-avions français sera elle-aussi améliorée puisqu'il sera équipé de l'EOMS NG, un système optronique multifonction de nouvelle génération.
Il réunit, selon son constructeur Safran, «dans un seul équipement une veille infrarouge de type IRST (InfraRed Search and Track) ainsi qu'une conduite de tir électro-optique». On y retrouve notamment une «veille/pistage infrarouge longue portée de type IRST, et une identification/conduite de tir électro-optique (EOD)».
Il est assure une «autoprotection contre les menaces aériennes et de surface, symétriques ou asymétriques» et s'adapte «à tout système d'artillerie numérique ou analogique de type canon ou missile courte portée».
Son utilisation se fait depuis le «système de direction du combat du navire (CMS) ou par une console opérateur optionnelle».
Ses capacités seront couplées à celles du dispositif ARTEMIS, de Thales. Ce dernier assure une vision panoramique à 360° tout autour du PA, sans angle noir, et de jour comme de nuit. Il est capable de détecter et suivre simultanément jusqu'à 200 menaces, qu'elles soient conventionnelles ou asymétriques.
© Dassault Aviation - K. Tokunaga - Crosse sortie, ce Rafale M emporte de quoi assurer une mission de supériorité aérienne.
Du côté du Groupe Aérien Embarqué (GAE), avec le retrait du service actif des derniers Super-Etendard Modernisés et donc le passage au «Tout Rafale», des adaptations pour une meilleure gestion du parc aérien va être mise en place.
La Chasse Embarquée va augmenter sa présence à bord puisque de 24 Rafale M, la capacité d'emport du «Charles» va atteindre les 30 Rafale M. Aux côtés de ces appareils, évolueront les avions de guet aérien E-2C Hawkeye, ainsi que trois ou quatre hélicoptères NH-90NFH Caïman.
Par ailleurs, Safran se charge aussi de développer, tester, et mettre en place le nouveau Dispositif d'aide à l'Appontage LASer Nouvelle Génération, ou DALAS-NG.
En attendant l'installation de ce système, une première phase d'essais (neuf vols avec des ASSP sur Landivisiau) en coopération entre DCNS, la DGA, la DGA Ingénierie des Projets, et l'Etat-Major de la Marine (EMM), a permis de «montrer une nette amélioration des performances de la nouvelle version du DALAS-NG», explique-t-on auprès de Defens'Aero.
Cette phase d'essais, qui se serait tenue dans le courant du mois de juin 2016, a permis de confirmer une nette amélioration face à l'actuel DALAS, et plusieurs sources concordantes parlent de résultats «très supérieurs à ceux attendus».
Grâce au développement de ce nouveau système de nouvelle génération, les officiers d'appontage disposeront d'un suivi des aéronefs (Rafale M et E-2C Hawkeye) depuis l’approche et jusqu’à l’appontage.
Dans ce cas, le DALAS-NG permet de «détecter et d'assurer un début de suivi des avions à partir d'une distance entre 8 et 10 nautiques, que ce soit de jour, mais aussi de nuit».
Le fonctionnement du DALAS-NG est indispensable sur le porte-avions. En effet, dès la détection de l'avion, le dispositif va débuter l'enregistrement de la trajectoire de l'aéronef, mais il va aussi restituer son positionnement par rapport à la trajectoire optimale, et enfin, estimer le brin d’arrêt qui sera accroché à l'aide de la crosse d’appontage.
Cela permet notamment de connaître précisément le point d'arrêt de l’aéronef sur le pont, et par conséquent, d'assurer une meilleure sécurité et intervention en cas d'urgence, et de dégager plus rapidement l'appareil si d'autres aéronefs suivent derrière.
Pour permettre l'ensemble de ces fonctions, le DALAS-NG est composé d'une tourelle orientable, et d'un détecteur optronique.
Ce dernier est lui-même composé, selon plusieurs dires, d'une «imageurie couleur HD et d'une seconde infra-rouge dans le cadre des opérations de nuit lors des appontages pendant une mauvaise visibilité. De plus, un laser mesure précisément la distance ainsi que la position de l'appareil par rapport au pont d'envol du porte-avions».
Dans un communiqué de presse en date du 06 février 2015, Pierre-Olivier Nouguès, directeur du département optronique marine de chez Sagem, expliquait que «les informations fournies par le système DALAS sont primordiales pour l'officier qui peut, le cas échéant, demander au pilote de remettre les gaz pour éviter un accident. Le nouveau dispositif sera livré début 2017».
Au terme de ces 18 mois de refonte pour un coût avoisinant les 1,3 milliards d'euros, et si aucun retard n'est pris, c'est un tout nouveau navire qui devrait prendre le large dans le courant du printemps 2018 pour une série d'essais en mer.