REPORTAGE - Texte et photos (sauf mention contraire) : © Fabrice Alloatti.
Le 23 juin 2016, les «Charognard» ont fêté le centenaire de leur SPA 75 sur la base aérienne 133 de Nancy-Ochey, en Lorraine, demeure des Mirage 2000D de la 3ème Escadre de chasse.
L'association AFL Aviation, en partenariat avec Defens'Aero, revient sur cette journée, qui voit l'arrivée d'une nouvelle escadrille centenaire, toujours active, au sein des prestigieuses traditions l'Armée de l'Air française.
L'escadrille N75 a été créée à Lyon-Bron le 13 juillet 1916 sur le chasseur français standard, le Nieuport 11, au cours de cette troisième année de guerre mondiale. Les différentes évolutions du Nieuport arborerons l'insigne du faucon retenu dès la constitution, le «Charognard» en héraldique.
Devenue SPA 75 avec la prise en compte du performant SPAD VII puis XII, l'escadrille obtiendra sur le front un total de 133 victoires aériennes homologuées : Chemin des Dames, Verdun, Cambrai, elle aura été de toutes les grande batailles qui ont eu lieu durant ce conflit !
Après-guerre, l'escadrille retrouve son terrain de création à Lyon-Bron, au sein du 35è Régiment d'Aviation, et elle retrouve également la famille des Nieuport avec le NiD 29, suivi de près par d'autres appareils de chasse, dont le GL 32.
Deux ans avant la naissance officielle de l'Armée de l'Air française, elle intègre le Groupe de Chasse I/2 puis I/5 avec son premier chasseur monoplan, le Dewoitine 501.
Une nouvelle guerre contre l'Allemagne se profilant, c'est en mars 1939 avec le H75 Hawk américain que la «75» du GC I/5 se prépare au conflit sur le terrain de Reims, avant de rejoindre Suippes, en Champagne, dès le début des hostilités.
Cette fois encore, la SPA75 s'illustre au combat en remportant le score élevé de 111 victoires au cours de la Bataille de France.
Fin 1942, l'escadrille rejoint l'Afrique du Nord et se voit rééquipée de P-39 Airacobra, mais n'obtient que deux victoires au sein du Coastal Command britannique.
L'année 1944 sonne l'heure du retour en métropole sur P-47 Thunderbolt, où elle participe activement à la libération de l'Alsace.
Seulement quatre ans après la Libération, le «Charognard» intègre le GC 2/3 «Champagne» et part pour son tour d'opération en Indochine, sur Spitfire IX et ce, jusqu'en 1950, où le retour en métropole voit le passage par Reims sur DH100 Vampire, le premier jet de l'escadrille.
Le GC 2/3 devient alors Escadron de Chasse 2/3 sur F-84G Thunderjet en 1951, puis sur F-84F Thunderstreak en 1956. Dès 1959, la SPA 75 devient supersonique et nucléaire avec la prise en compte du chasseur bombardier de référence de l'époque, le puissant F-100 Super Sabre sur la base aérienne OTAN de Lahr, en Allemagne de l'Ouest.
© Lt Lebras, via Jean-Marie DEPELTRE (photo exclusive ALF Aviation) - Super Sabre en vol au-dessus des Alpes françaises.
En 1967, c'est le retour à Nancy-Ochey et l'entrée dans l'ère du delta avec les Mirage IIIE. L'escadrille, désormais implantée durablement en Lorraine, perd sa mission de strike nucléaire pour de l'attaque au sol, puis l'anti-radar avec le missile AS37 Martel.
Non, il n'y a aucun effet d'optique ou un photographe bancale… La BA 133 est réputée pour comporter des taxiways en pente !
Presque un quart de siècle plus tard, un autre delta se profile au 2/3 : le Mirage 2000N fait alors rentrer l'escadrille dans l'ère des escadrons de chasse équipés de CDVE (commandes de vol électriques) et du STD (suivis de terrain) pour la mission d'assaut conventionnel tout temps.
Son passage sur 2000N permettra aux aviateurs de participer au mythique exercice Red Flag, aux Etats-Unis en 1993, puis de participer aux opérations extérieures avec son engagement au combat en Bosnie en 1994 et 1995 depuis l'Italie.
Depuis 1995, la SPA 75, seconde escadrille de l'Escadron de Chasse 2/3 «Champagne», est équipée du Mirage 2000D, version optimisée du delta électrique de chez Dassault. Afghanistan, Kosovo, République Démocratique du Congo, Libye, Mali, et plus récemment Irak et Syrie, l'escadron est de toute les OPEX françaises.
Les occasions n'ont pas manqué pour faire parler la poudre chez les «Mud Moovers» de Nancy !
En cette belle journée de printemps, c'est le Capitain «Jeff», officier Traditions du «Champagne» qui nous accueille dans les alvéoles de la BA133 parmi les hangarettes durcies et astro-arches de la 3eme Escadre de Chasse.
Une très belle décoration spéciale, originale et pleine de références historiques de la «75», est en place sur le n°675, immatriculé 3-JI, avec également une dérive et des bidons grosses c....... RP540 de 2000 litres, décorés différemment des deux côtés.
A proximité, le Mirage IIIE n°529, préservé sur la BA133 dans sa superbe décoration aluminium naturel des débuts, et bien sûr marqué du blason du «Charognard» sur la dérive. Aux côtés de ces chasseurs, se trouvait aussi un tout autre chasseur, non pas fait de métal mais de plumes, un aigle, afin de symboliser les équipages de chasse, et l'oeil du rapace chasseur !
La fin de la journée était réservée à un défilé sur le château de Haroué, lieu d'une cérémonie présidée par le Colonel Lapray, commandant de la BA133 : «Officiers, sous-officiers et militaires du rang de l’escadrille SPA 75, vous pouvez être fiers du chemin accompli depuis 100 ans. Vous perpétuez les valeurs que vos aînés ont incarnées lors de la Grande Guerre pour que l’aviation de chasse soit toujours au rendez-vous de l’excellence pour la grandeur et le succès des armes de la France. Je sais que leur exemple héroïque vous anime encore aujourd’hui dans les cieux syriens et irakiens où vous menez, au péril de votre vie, les missions que la Nation entière vous confie»
Un Alpha Jet E de l'Escadron d'Entraînement 3/8 «Côte d'Or» était venu spécialement de Cazaux pour servir de «chase plane photo» (prises de vues aériennes). Le Capitaine «Aspro», NOSA au 2/3, nous confiera qu'une petite «mailloche» air-air était aussi au programme en parallèle au défilé sur le château, histoire de rentabiliser pleinement le vol !
La panoplie d'arment air-sol du «D» comprend principalement des bombes air-sol GBU de 250, 500 ou 1 000kg, guidées laser par les nacelles de désignation laser Damoclès ou PDLCT-S, la bombe air-sol GBU-49 guidée GPS, le missile de croisière SCALP-EG, mais aussi des bombes lisses de 250kg, encore utilisée lors des début de l'opération Serval au Mali, en 2013.
Le Mirage 2000D n'est pas encore arrivé au terme de sa carrière puisque la flotte est régulièrement «upgradées» avec de petits «crash program» générants un parc plutôt hétéroclytes au niveau des équipements, ce qui complique la gestion du parc, déjà en flux tendu avec la formation des jeunes navigants, les OPEX, les visites d'entretien, etc…
Cependant, 55 exemplaires subiront une modernisation majeure au niveau de l'avionique et surtout par l'apport de la capacité canon air-sol en nacelle : Arme qui fait cruellement défaut, notamment chez un appareil d'attaque au sol, et dans l'ensemble des versions biplaces du Mirage 2000.
Le missile air-air MICA IR remplacera aussi le Magic II pour l'auto-protection létale, le tout pour une livraison des premiers exemplaires dans le courant de l'année 2019, et étalée jusqu'en 2030.
Le remplacement du 2000D n'est donc pas encore à l'ordre du jour et ne devrait intervenir qu'au milieu du siècle. Qui pourra dire d'ici là le nom de son remplaçant ? Rafale F4, drone européen ?
En tout cas, les équipages pilotes et NOSA rencontrés ce jour-là à la SPA 75 nous ont confié que le Rafale aurait bien sûr leur préférence tout en lui trouvant un seul défaut : moins de place dans le cockpit pour ranger les cartes car l'avion est prévu dans un cadre «zéro papier», ça ne s'invente pas !
«Cheub» et «Aspro» de la SPA 102 rentrent au parking avec une photo pas très «catholique», et l'attention des photographes se porte alors sur un camion de pompier qui semble attendre l'arrivée du Mirage dans l'alvéole n°6.
En 2016, les équipages et l'ensemble du personnel de la SPA 75, comme ses sœurs SPA 67 «Cigogne de Navarre» et SPA 102 «Soleil de Rhodes» du Grand 2/3, continuent d'être régulièrement déployés en OPEX.
Quelques semaines après ce centenaire, les cinq Mirage 2000D de la 3ème Escadre de Chasse ont quitté la base aérienne projetée en Jordanie, sur le théâtre d'opération Chammal, remplacés par des Rafale.
Seulement trois des cinq avions d'attaque au sol sont rentrés sur Nancy. En effet, deux sont allés directement sur la base aérienne de Niamey, au Niger, cette fois pour remplacer les Rafale dans la cadre de l'opération Barkhane, qui se déroule dans la bande sahélo-saharienne. La valse des matériels et personnels est nécessaire afin de rationaliser les effectifs et les flottes déployés en flux tendu depuis plusieurs années maintenant.
«Cheub» vient d'effectuer son dernier vol en tant que pilote de Mirage 2000D sur lequel il a accumulé 800HDV. Un nouveau défi se présente à lui dans les prochaines semaines, car il va changer de crèmerie et piloter un autre fleuron de l'industrie aéronautique nationale pour de nouvelles aventures... Bonne continuation à lui !
D'autres belles, originales, et rares photographies de cette mémorable journée sont consultables sur le forum de l'association ALF Aviation, en cliquant ici !