REPORTAGE - Texte et photos : © Fabrice Alloatti
Du 19 au 28 octobre 2016 se déroulait l'exercice Royal Blackhawk 2016, exercice interarmes né des rencontres amicales en Afghanistan entre les artilleurs du 1er Régiment d'Artillerie (RA), appelé «le Royal», et des militaires américains.
Depuis 2013, l'exercice se déroule aux alentours de la commune de Belfort (Bourgogne-Franche-Comté), base du «Royal», dans les secteurs de Beaumes-les-Dames et du camp militaire de Valdahon.
Defens'Aero a pu participer aux manoeuvres qui ont eu lieu le 25 et le 26 octobre. Retour sur ces entraînements, malgré une météo humide et capricieuse de l'est français.
Le 1er RA fait partie des unités qui ont vocation à participer au combat héliporté. Possédant une solide expérience de la troisième dimension, il contribue ainsi au combat aéromobile en mettant à disposition de la 4ème Brigade d'Aérocombat (1er RHC, 3ème RHC, et 5ème RHC) des capacités d'appui feu avec ses mortiers RT-F1 de 120mm, des équipes d'observation et de guidage aérien, ainsi que des capacités de protection avec les systèmes de localisation d'artillerie SL2A et d'alerte GA10. Enfin, le 1er RA participe aussi à la planification des opérations aéroportées.
Les objectifs propres au «Royal» pour l'édition 2016 étaient d'entraîner les équipes DLOC (Détachement de Liaison, Observation et Coordination) dans le cadre de leur projection future dans la bande sahélo-saharienne (opération Barkhane), de favoriser et de pérenniser l'intégration de l'artillerie dans l'aérocombat, et d'acquérir des automatismes dans l'application et la révision des procédures OTAN.
A chaque édition, de nombreux scénarios sont «joués» par les participants afin d'entraîner les nations engagées (France, Etats-Unis, Royaume-Uni, Pays-Bas, et Belgique) et de les amener à une interopérabilité optimisée. La rentabilité en est particulièrement appréciée par les différents participants, qui le qualifient volontiers d'«économique».
Au dessus des quartiers du 1er RA, sous les couleurs de la Nation, départ en mission pour le Puma de l'ALAT.
Le volet aérien de l'exercice voyait comme chaque année la participation de l'US Army avec le 1-214 Aviation Regiment «Big Windy» de la 12th Combat Aviation Brigade, basé en Allemagne et venu avec deux hélicoptères UH-60A Black Hawk en configuration MEDEVAC (Evacuation médicale) et AIR ASSAULT de la A et C Company.
Par ailleurs, pour la première fois à Royal Blackhawk, la version F du CH-47 Chinook, entrée en service au 1-214th AVN en août 2015, a participé aux opérations.
Cet hélicoptère de transport lourd flambant neuf de la B Company se différencie de la version CH-47D standard par une avionique modernisée avec un Glass cockpit composé de sept écrans de CAAS Rockwell Avionics, et d'un Digital Advanced Flight Control System de BAE Systems.
Le détachement américain comprenait seize personnels au total.
L'Aviation Légère de l'Armée de Terre était, elle, représentée par le 3ème Régiment d'Hélicoptères de Combat (RHC) d'Etain, et alignait un seul SA330B Puma de l'Escadrille d'Hélicoptère de Manoeuvre 2 (EHM) sur les deux prévus en raison d'un manque ponctuel d'équipage suffisamment qualifié, ainsi que deux SA342M Gazelle Viviane de la 3ème Escadrille d'Hélicoptères de Reconnaissance et d'Attaque (EHRA).
Deux AS555AN Fennec de l'Armée de l'Air devaient aussi participer mais la disponibilité des machines en avait décidé autrement, alors que le Fennec est l'un des hélicoptères français avec le meilleur taux de disponibilité, et avec une efficacité remarquée en Centrafrique.
Le tout sous les caprices d'une météo très maussade avec l'absence des minimas de visibilité sur les zones d'exercice.
Les mardi 25 et mercredi 26 n'ont vu que quelques sorties avortées au départ du Quartier Ailleret de Belfort visant à rejoindre, sans succès, la BOAT (Base Opérationnelle Avancée Temporaire), simulant le théâtre BSS.
Un des membres d'équipage des Gazelle nous confiait que la visibilité complètement bouchée sur zone handicapait plus les hélicoptères américains que les français à cause de leurs minimas de visibilité verticale, alors que l'ALAT pouvait évoluer avec une visibilité plus faible «au raz des lignes à haute tension».
La Gazelle étant dans ce domaine la plus à même de coller au terrain dans le mauvais temps grâce à son capteur infrarouge «Viviane», adapté au vol nocturne, mais aussi très apprécié de jour par mauvaise visibilité pour détecter les obstacles au sol.
Un pilote de l'EHRA, porteur du patch du Nato Tiger Meet 2016, puisque des Gazelle ont été invitées cette année, et que deux d'entres-elles arboraient une superbe livrée «Tigre».
Pour les effectifs étrangers au sol, trois équipes DLOC britanniques, néerlandaises, et belges, composées chacune de quatre à huit personnels, ainsi qu'une équipe TACP (Tactical Air Control Party) anglaise.
Pour les effectifs au sol de l'Armée de Terre, 60 personnels du 1er RA, qui formaient quatre équipes DLOC, une demi-section d'appui mortier, et des renfort plastron et ennemi.
Enfin, le 35ème Régiment d'Infanterie (RI) apportait de son côté 42 militaires afin de constituer une section de combat et deux équipes de tireurs d'élite.
Le déroulement de l'exercice comprenait le déploiement sur zone des mortiers du 1er RA embarqués à bord des hélicoptères de manœuvre Chinook et Puma.
Le mode de transport RAIDART nécessite le démontage de la pièce d'artillerie pour l'embarquement à bord du Puma, accompagné de ses cinq servants et une planche de contreplaqué a été spécialement adaptée localement pour ne pas dégrader le plancher de l'hélico, «système D» à la française…
A savoir que le RAIDART sur Chinook ne nécessite aucun démontage puisque le mortier rentre directement sur ses roues dans l'immense soute par la grande rampe cargo arrière.
Dans une autre phase de Royal Blackhawk, les mortiers étaient acheminés sur zone, suspendus par élingue : c'est le SLINGART. Dans cette posture là, les Puma français sont avantagés par l'élingue extensible à 10 mètres, ce qui n'oblige pas l'hélicoptère à se placer en stationnaire au-dessus de la charge pour arrimage à la cellule. Le «Pum» peut alors décoller simplement avec la pièce déjà «slinguée».
Les UH-60 et CH-47 de l'US Army n'ont que des élingues de 3,20m obligeant les opérateurs à fixer l'élingue alors que la machine est en stationnaire à quelques mètres du sol, d'où un inconfort certain dû au souffle du rotor.
Des ramasses-déposes AIR ASSAULT d'infanterie et de tireurs d'élites étaient également programmées ainsi que du MEDEVAC et CCA (Close Combat Attack). De leur côté, les Gazelle de l'EHRA3 du 3ème RHC effectuaient des missions d'appui feu CAS (Close Air Support) et d'escorte/protection. Le tout sous le contrôle des TACP et de leur JTAC (Joint Terminal Attack Controller).
Pour que l'exercice soit encore plus réaliste, une équipe TRTG (Tactical Range Threat Generator), composée d'un aviateur français et d'un contractor américain, simulait la menace sol-air avec un pick-up civil équipé de systèmes capables de faire réagir les capteurs de protection des hélicoptères.
Enfin, des Mirage 2000D de la 3ème Escadre de Chasse et des Rafale Air étaient aussi engagés pour du CAS coordonné avec les JTAC au sol.
Le mot de la fin en cette journée pluvieuse, grise, et sans les minimas de visibilité nécessaires à la sécurité des équipages et des troupes aéroportées revient au Commandant Eric, organisateur de l'exercice pour le 1er RA : «L'aérocombat en Franche-Comté, c'est comme une partie de rugby : deux équipes qui s'affrontent et un arbitre, la météo !».
Pour terminer sur une pointe humoristique : Apparemment, dans les escadrons américains de Chinook, «la taille importe» !
Remerciements : Defens'Aero souhaite remercier le Lieutenant Kacy du 1er RA pour avoir rendu possible ce reportage, ainsi que l'ensemble du personnel militaire disponible à nos sollicitations tout au long des manoeuvres.