« Unique en son genre », c'est comme cela que l'on peut qualifier le 1er Régiment du Train Parachutiste (RTP) de l'Armée de Terre basé à Cugnaux (Haute-Garonne, 31) lorsqu'on le voit en action.
Texte et photos : Mathieu Mounicq.
Présentation
Fondé en 1999, le 1er RTP est l'héritier de 70 ans d'histoire des opérations aéroportées françaises commencées durant la guerre d'Indochine ou encore lors de la Crise de Suez. Il est le descendant direct de la B.O.M.A.P. (Base Opérationnelle Mobile AéroPortée créée en 1963) et du RLA (Régiment de Livraison par Air dont la formation initiale remonte à 1960).
Sa mission consiste à assurer la mise à terre par voie aérienne des personnels et du matériel de la 11ème Brigade Parachutiste dont il est le régiment d'appui. Il intervient également au profit de toutes les autres composantes des forces armées françaises et étrangères.
Ce savoir-faire est unique au sein des forces armées françaises et est aussi le plus avancé parmi les pays européens. En effet, chez nos voisins, seules la Composante Air belge, la Força Aérea Portuguesa, ainsi que la Royal Air Force disposent de la compétence de livraison par air mais à plus petite échelle.
Fort de 600 personnes, le Régiment est composé de plusieurs escadrons : un de commandement et de logistique, trois de livraison par air et un de défense et d'intervention.
Outre son rôle de projection des forces et de soutien logistique par voie aérienne, le 1er RTP participe également aux missions communes de l'Armée Terre comme par exemple la mission Sentinelle qui mobilise à l'heure actuelle une soixantaine de personnels sur le territoire national.
Commanditaires et doctrine de projection des forces
Bien qu'administrativement rattaché à la 11e BP, le 1er RTP intervient auprès de toutes les forces armées françaises et notamment auprès du COS, le Commandement des Opérations Spéciales.
Le Régiment conserve en permanence des personnels en état d'alerte afin de pouvoir commencer le déploiement de 630 personnes et de 100 tonnes de matériels sous 24h, et n'importe où sur le globe.
Un Régiment tourné vers l'avenir
Le 1er RTP connaît à l'heure actuelle une montée en puissance conséquente puisque le site de Cugnaux accueillera à l'horizon 2019 le PNOAP (Pole National des Opérations AéroPortées). Cette installation regroupera les trois pôles d'excellence de la projection par voie aérienne de l'Armée de Terre :
– le pôle opérationnel comportant des parkings pouvant accueillir six A-400M de manière simultanée ainsi que les locaux de préparation des chargements dédiés
– le pôle formation reposant sur le CFDLPA (Centre de Formation Délégué à la Livraison par Air) qui existe déjà aujourd'hui mais qui prendra livraison prochainement d'un nouveau bâtiment pouvant accueillir une maquette de fuselage d'A400M pour la formation des largueurs
– le pôle expérimentation reposant sur la STAT (Section Technique de l'Armée de Terre) qui est déjà installée.
Le 1er RTP a ainsi d'ores et déjà recruté 140 nouveaux parachutistes en un an. Ces personnels débutent une longue formation technique qui représentera en moyenne 87 semaines (dans le cas d'un sous-officier) sur une période de 15 ans.
Chaque technique de largage et chaque avion possède en effet ses propres particularités que le personnel devra apprendre. A titre d'exemple, un largage ne s'effectue pas de la même manière sur un C-130H et sur un C-130J qui rentrera prochainement en service dans l'Armée de l'Air. Les largueurs du 1er RTP devront donc se former aux procédures sur ce nouvel avion.
Le 1er RTP dispose de son propre parking avion. Il sera prochainement étendu afin de pouvoir accueillir jusqu'à six A400M simultanément.
En mission avec le 1er RTP
Dans le cadre de l'opération aéroportée COLIBRI, la 11e BP a saisi le Régiment pour la projection de 50 tonnes de matériel nécessaires aux 450 parachutistes qui prendront le contrôle d'un terrain d'aviation situé à Caylus, au cœur de la République Equatoriale Garonnaise, entre le 26 et le 28 septembre 2016.
Il s'agira de larguer, dans un premier temps, les équipements nécessaires à l'installation de postes de commandement avancés, de véhicules blindés légers, de moyens de défense sol-air (systèmes MISTRAL) et de munitions.
Dans un second temps, une fois la tête de pont étendue et sécurisée, le 1er RTP assurera la livraison par air de vivres et de médicaments puis prendra part à des posés d'assauts pour compléter l'approvisionnement et rapatrier les blessés en territoire ami (MEDEVAC).
Forts de ces éléments et aux regards des moyens aériens disponibles, les escadrons de livraison par air mobilisent leur personnel et planifient via un rétro-planning les différentes missions de largages de manière à ce que l'ensemble des moyens demandés aient été parachutés au 28 septembre.
Les ELA préparent ensuite le conditionnement des différents matériels afin d'assurer une livraison optimale dans la zone de combat.
Cela passe d'abord par la préparation des différents parachutes nécessaires, du petit parachute utilisé pour les vivres jusqu'au parachute de 40 m2 utilisé pour larguer les véhicules, par la section de pliage et de préparation des parachutes du Régiment :
Dans le cadre de sa posture d'alerte, le Régiment maintient en permanence des parachutes de toutes les tailles afin de pouvoir répondre au déploiement de 100 tonnes de matériel sous 24h.
Les parachutes sont ensuite mis à disposition des équipes qui conditionnent les différents plateaux de largage. Ces plateaux en bois sont éprouvés avant chaque largage afin de garantir leur résistance (ils sont en effet réutilisés plusieurs fois).
Ils sont ensuite renforcés par des longerons en métal et équipés de leur cargaison. Des cales en carton avec une structure en nid d'abeilles sécurisent enfin le tout afin de protéger la cargaison lors de son arrivée au sol :
Cette préparation étant réalisée sur des sections à roulements, les plateaux équipés sont ensuite poussés hors du bâtiment afin d'être chargés par une grue sur les véhicules d'embarquement qui vont les amener à l'avion.
Il ne reste au matériel qu'à parcourir les quelques dizaines de mètres qui séparent la zone de préparation de la zone d'embarquement.
Une fois la cargaison embarquée et arrimée, l'équipage prépare selon les besoins le largage. En l’occurrence, lorsque la charge doit être larguée par éjection (via un parachute extracteur), il est nécessaire de préparer celui-ci et de l'arrimer en haut de la « chapelle » (partie située à l'aplomb de la rampe de largage de l'avion).
Les largueurs préparent le largage du parachute extracteur. C'est lui qui en se déployant va tirer la charge de plusieurs tonnes en-dehors de l'avion.
Avant d'embarquer, les différents membres de l'équipage (y compris les largueurs et le chef-largueur) assistent à un briefing tactique par un officier renseignement de l'Armée de l'Air et reçoivent un gilet RESCO leur permettant de faire face à un parachutage ou à un crash en territoire ennemi.
En ce deuxième jour de COLIBRI, le lanceur SA-7 (missile sol-air portable) et le canon anti-aérien ZU-23 ennemis ont déjà été détruits mais il est toujours possible que l'avion soit touché par des armes de petit calibre ou qu'il connaisse une panne.
Une fois tout le monde dans l'avion et avant le démarrage, le chef-largueur fait un briefing de sécurité avec l'ensemble des largueurs. A cette occasion il énonce à haute voix tous les scénarios de pannes ou problèmes techniques pouvant survenir pendant le largage et les procédures pour y faire face. Le gestionnaire des largages qui se trouve dans l'avion afin d'encadrer le chef-largueur et les largueurs vérifie que toutes les procédures sont parfaitement mémorisées.
Après la mise en route et un roulage rapide, le Transall s'aligne sur la piste 30 de Francazal et mets les gaz dans la foulée. L'équipage est attaché sur les quelques banquettes en toile présentes devant la cargaison, juste à l'arrière du cockpit.
Après quelques minutes de vol tout le monde se détache et se réparti dans la soute afin de préparer les largages. Pour cette mission il y en aura deux : pour le premier passage le Transall larguera par éjection une batterie sol-air Mistral et lors d'un second passage deux palettes de médicaments seront larguées par gravité.
Un mouvement derrière le hublot : la mission est réalisée de concert avec un Casa qui vole en patrouille sur le Transall pour le transit à basse altitude vers Caylus. Lui larguera des parachutistes en renfort à l'issue des largages de matériel.
En approche de Caylus, les largueurs et le chef-largueur vérifient une dernière fois que la batterie Mistral est prête pour être larguée. Le chef-largueur prend position à côté de la soute et contre la porte latérale gauche du Transall.
Il ne dispose que de quelques dizaines de centimètres étant donné la largeur de la charge qui rempli presque tout la soute. En contact radio avec l'équipage de l'Armée de l'Air, le chef-largueur actionne l'ouverture de la soute alors que le Transall débute son run de largage.
Vue sur le village de Caylus lors du run de largage. Le parachute extracteur va être largué dans quelques secondes...
Le chef-largueur égraine à haute-voix le compte à rebours avant le largage « 5, 4, 3, 2, 1, largage ! » et alors que retentit la sirène de largage le parachute extracteur se détache de la chapelle et tombe à l'extérieur de la soute.
En quelques secondes celui-ci se déploie mais....rien ne se passe : la charge ne part pas ! Au bout de cinq secondes, dans un grand CLAC le parachute extracteur est largué : c'est le chef-largueur qui a réagit immédiatement et a actionné une sécurité pyrotechnique qui a coupé l'attache du parachute. La soute se referme immédiatement et l'ensemble des largueurs se rue à l'arrière de l'appareil pour déterminer ce qui n'a pas fonctionné.
La cause de l'incident est vite trouvée : la goupille qui retient la charge le temps que le parachute extracteur ait fini de se déployer n'a pas cédé et le Transall s'est retrouvé à voler avec une traînée importante rajoutée par le parachute extracteur. Cette traînée induite peut vite mettre en danger l'avion étant donné qu'il évolue déjà à la vitesse réduite de 160 km/h pour le largage.
Cet événement rarissime est justement l'un des scénarios que l'équipage s’entraîne à gérer a chaque largage. Le chef-largueur a su parfaitement y faire face dans un délai très court ce qui a écarté tout danger pour l'appareil.
Pendant une vingtaine de minutes les largueurs remettent en conditions de largage la charge. L'avion emporte en effet tout le matériel nécessaire et un parachute extracteur supplémentaire. Alors que le Transall orbite à basse altitude tout le monde s'active.
Tout est paré, le chef-largueur indique aux pilotes qu'un nouveau run peut avoir lieu. Le Transall débute une nouvelle approche et la soute s'ouvre. Nouveau décompte, largage !
A peine la soute est elle refermée que les largueurs s'activent à nouveau sur les palettes qui seront larguées par gravité. A cette occasion le Transall cabrera afin que les palettes glissent à l'extérieur.
L'ouverture des parachutes se fera de la même manière que pour des parachutistes : les palettes sont arrimées à la ligne de l'avion.
Une fois les largages effectués, le Transall et le Casa remettent le cap vers Toulouse-Francazal. Comme à l'aller, le vol s'effectue en patrouille de manière tactique.
Pour l'exercice COLIBRI, le personnel du 1er RTP a au final effectué une quarantaine de largages de personnels et de matériel dans le cadre de sa mission d'expert de mise à la terre.
Le 29 septembre, l'exercice COLIBRI 2016 a pris fin par une prise d'armes des différentes unités participantes sur la (belle) place du Capitole à Toulouse. Au total, sur une période de 15 jours, ce sont plus de 1 000 parachutistes qui ont passé des brevets et effectué des sauts mais aussi 50 tonnes de matériels variés qui ont été larguées.
Rendez-vous en 2017 pour la 49ème édition !
Remerciements : Defens'Aero souhaite vivement remercier la Capitaine Lattès, officier communication de la 11e BP pour avoir rendu ce reportage possible. Nous remercions également l'ensemble du personnel du 1er RTP croisé lors de la visite, et plus particulièrement le Colonel Nicolas Fisler son chef de corps, le Commandant Loïc, la Lieutenant Anne-Claire Peredo son officier communication, et l'Adjudant-chef Loïc pour leur excellent accueil et leur disponibilité.