«Enfin !». C'est le premier mot qui vient à la bouche de tous passionnées et connaisseurs du dossier Rafale en Inde.
Après le début des négociations exclusives entre Dassault Aviation et le gouvernement indien en janvier 2012 pour la production de 126 Rafale, un retournement de situation intervient le 10 avril 2016, lors de la visite à Paris du Premier Ministre indien Narendra Modi, qui a annoncé avoir demandé à Dassault Aviation de lui livrer 36 Rafale «sur étagère».
A cette époque, la signature officielle du contrat entre la France et l'Inde était, disait-on alors, une affaire de quelques semaines seulement. Toutefois, ces semaines se sont allongées en mois et la perspective d'une signature se faisait attendre toujours plus.
Mais depuis quelques jours, des rumeurs de plus en plus insistantes provenants des médias nationaux indiens indiquaient qu'une signature allait s'établir dans le courant du mois de septembre 2016. Ces rumeurs se sont retrouvées fondées puisque hier vendredi 23 septembre 2016, le Ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, s'est rendu en Inde afin de signer ce contrat.
Le contrat, estimé à environ 7,8 milliards d'euros, a été signé à Delhi, capitale du pays, avec le Ministre indien de la Défense, Manohar Parrikar, dans la toute dernière page du contrat, qui en compterait près de 10 000.
Le ministre français était accompagné par «l'Equipe France», qui compte des membres de son proche cabinet, du Ministère de la Défense, ainsi que par une délégation de Dassault Aviation, avec notamment Eric Trappier, Président Directeur Général, et par des membres de Thales, dont Patrice Caine (PDG).
A la suite de la signature du contrat, Eric Trappier a déclaré : «Je suis honoré et me réjouis de la décision des Autorités indiennes, qui donne un nouvel élan à notre partenariat pour les prochaines décennies, et je les remercie de leur confiance. Ensemble, entreprises indiennes et françaises, nous nous appliquerons à mettre en œuvre une coopération industrielle ambitieuse».
«Je suis sûr que le Rafale, avec ses performances, portera haut les couleurs de l’Armée de l’Air Indienne. Il fera preuve d’une efficacité sans faille pour assurer la protection du peuple indien et la souveraineté de la plus grande démocratie du monde», a-t-il fini par ajouter.
De son côté, le Ministère français de la Défense assure que «cet accord marque la reconnaissance, par une grande puissance militaire et stratégique, de la performance opérationnelle, de la qualité technologique et de la compétitivité de l’industrie aéronautique française. Il poursuit un partenariat dans le domaine de l’aéronautique militaire débuté il y a plus de cinquante ans».
© Armée de l'Air - Exercice franco-indien Garuda 5 : Cette photo permet de s'imaginer la Force Aérienne Indienne dans quelques années.
Dans les grandes lignes, ce contrait prévoit la vente et la livraison de trente-six Rafale (produits en France), dont vingt-huit seront des monoplaces, tandis que les huit restants seront des biplaces, utilisés comme des appareils d'entraînement et de formation, mais aussi pour des missions opérationnelles.
En contre-partie, le contrait prévoit aussi des «offsets», à hauteur d'environ 50% de la somme totale du contrat. Il s'agit d'une «forme de compensation industrielle dans laquelle un acheteur/importateur de biens ou de services conditionne son achat/importation à un engagement contractuel de la part du fournisseur/exportateur» (source).
Dans ce cas, il s'agit notamment d'un transfert de technologie auprès d'entreprises indiennes dans le domaine de la défense et de l'aéronautique, ainsi que peut-être des achats par l'Etat français de certains produits indiens.
La livraison des premiers appareils à la Force Aérienne Indienne doit débuter vers 2019, mais en attendant, Dassault Aviation, et sans doute aussi l'Armée de l'Air française, devront former les premiers pilotes de chasse, mécaniciens, armuriers, et aider les aviateurs indiens à préparer l'arrivée du Rafale au sein de leur base.
Ce premier lot de 36 Rafale doit permettre de mettre sur pied deux escadrons composés chacun de 18 appareils. Toutefois, cette commande ne sera sans doute pas la seule. En effet, le Chef d'Etat-Major de la Force Aérienne Indienne avait précédemment affirmé que pour pouvoir tenir tête au Pakistan et à la Chine en cas de conflit, il fallait au moins six escadrons de Rafale.
Actuellement, la Force Aérienne Indienne doit composer avec une flotte très vieillissante de MIG-21 «Fishbed» (bien que modernisée), avec des Su-30MKI parfois décevants, notamment en raison de problèmes techniques et d'une maintenance compliquée, avec une flotte de Mirage 2000 en cours de modernisation, et avec, pour le reste, des Jaguar, des MIG-27 «Flogger», et des MIG-29 «Fulcrum».
En raison des difficultés budgétaires, du retrait progressif des appareils les plus anciens, et des problèmes dans l'entretien des flottes des avions de combat, la Force Aérienne Indienne aligne seulement 35 escadrons de combat, au lieu des 40 à 45 qui lui seraient nécessaires pour tenir ses engagements opérationnels.
© HESJA - Le Rafale Solo Display se pare des couleurs du drapeau indien lors d'une démonstration aérienne.
Outre le nombre d'appareils, il semblerait que l'Inde ait aussi opté pour de nombreux armements opérationnels et en cours de développement sur les Rafale français. Outre les armements classiques, tels que les missiles air-air MICA IR et EM, et les bombes air-sol à guidage laser, les Rafale indiens devraient aussi emporter les missiles air-air à longue portée METEOR, le radar RBE2 AESA à antenne active, etc…
Du côté des équipements étrangers, et selon nos informations, comme à l'image du Qatar avec le choix de la nacelle de désignation laser SNIPER de Lockheed Martin, la Force Aérienne Indienne aurait décidé d'installer la nacelle LITENING, du fabriquant israélien Rafael, sur ses Rafale. Le Rafale est un appareil «ouvert», et qui peut être facilement configuré et modifié pour pouvoir embarquer des systèmes et des armements étrangers, qui ne lui étaient pas destinés à l'origine.
Enfin, un second équipement étranger, et pas des moindres, viendrait équiper les appareils indiens et plus particulièrement ses pilotes de chasse indiens.
En effet, les pilotes de Rafale indiens devraient pouvoir profiter (comme les pilotes qataris) d'un viseur de casque sur Rafale, alors que leurs homologues sur les Su-30MKI et sur les Mirage 2000 disposent déjà de ces viseurs de casque, véritable atout dans le combat aérien rapproché (ou dogfight), mais parfois peut-être moins utile lorsque l'appareil dispose d'un puissant radar couplé à des missiles air-air efficaces, comme sur les Rafale français.