En France, le 14 juillet est synonyme de bal populaire dans les villages, de rassemblement devant le monument aux morts de la commune, de tour de ville traditionnel, et du feu d'artifice parfois tiré ici ou là.
Toutefois, la fête nationale se traduit aussi par le traditionnel et incontournable défilé militaire qui se tient sur les Champs-Elysée chaque 14 juillet, au petit matin, avec les unités de l'Armée de Terre, de la Marine Nationale, de l'Armée de l'Air, de la Gendarmerie, ainsi que d'autres composantes militaires et de secours, dont parfois étrangères.
Mais ce défilé aérien et terrestre se prépare pendant des mois et des répétitions sont organisées entre les différentes institutions afin de se mettre au point pour le Jour-J. Cette année, et comme à chaque fois, ces répétitions se sont tenues sur l'Element Air Rattaché (EAR) 279 de Châteaudun (ex base aérienne 279), dans l'Eure-et-Loir, le mercredi 22 juin 2016.
Retour sur ces répétitions de l'édition 2016, auxquelles Defens'Aero a pu participer, ainsi que sur la composition du défilé aérien, composé de plus de 80 aéronefs, qui évolueront au-dessus de Paris.
Texte : Loïc Lauze - Photos : Hervé Godard.
Le défilé 2016 :
Les avions (chasseurs, transporteurs, ravitailleurs, …) évoluent aux alentours de 1 000 pieds, soit 300 mètres, alors que les hélicoptères défilent à 400 pieds, soit 120 mètres.
Les plus rapides sont les avions à réaction, évidemment, puisqu'ils volent à 300 noeuds, soit 560km/h. Vient ensuite les avions à hélices qui affichent 180 noeuds, ce qui correspond à 330km/h, et les hélicoptères sont les plus lents avec 90 noeuds au badin, soit 170km/h.
Avec une longueur totale de 53km pour le défilé des avions, chacun de ces box est espacé de 6,2km seulement. A contrario, le défilé des hélicoptères se déroule sur 8km, et l'espacement entre les appareils n'est que de 1km.
Comme chaque année, la Patrouille de France ouvre le défilé aérien du 14 juillet avec ses fumigènes bleu-blanc-rouge. Toutefois, pour 2016, pas de traditionnelle «big nine» ou de croix de Lorraine comme ce fût le cas l'an dernier, mais une formation originale composée de huit Alpha Jet et qui représentera... la Tour Eiffel.
Cette décision a été prise en «soutient de la candidature de Paris à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques d’été 2024» assure l'Armée de l'Air. Drôle de choix, qu'est le défilé du 14 juillet, pour y apporter ici «cette opération publicitaire», comme l'évoque l'animateur du blog Mars Attaque dans son billet, qui se pose la question, légitime, de la pertinence de cette promotion en ce jour.
Cette année, à l'image de nombreuses escadrilles de l'Armée de l'Air, l'Escadron de Chasse 2/4 «La Fayette» fête ses cents ans d'existance. Ce second box, qui suivra de peu la Patrouille de France, sera composé de trois Mirage 2000N, avec l'appareil décoré pour le centenaire.
Répondant des Forces Aériennes Stratégiques et stationné sur la base aérienne 125 d'Istres-Le Tubé, l'escadron va quitter ses vénérables Mirage 2000NK3 afin de prendre la suite sur des Rafale B, où il rejoindra la 4ème Escadre de Chasse sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier.
En attendant, les aviateurs continuent à assurer leur alerte nucléaire, les entraînements en métropole, ainsi que les opérations extérieures, puisque trois 2000N sont déployés sur la base aérienne Prince Hassan, en Jordanie, dans le cadre de l'opération Chammal.
La posture permanente de la sûreté aérienne, plus largement connue sous le nom de permanence opérationnelle (PO) est une mission qui est assurée 24h/24 et 7j/7 par des escadrons de l'Armée de l'Air spécialisés dans les missions air-air.
Ces missions seront représentées par un E-3F Sentry AWACS de la 36ème Escadre de commandement et de conduite aéroportée «Berry» de la BA 702 d'Avord, ainsi que par quatre Mirage 2000-5F du Groupe de Chasse 1/2 «Cigognes», basé sur la BA 116 de Luxeuil.
Cette mission, indispensable pour la protection de l'espace aérien français et plus largement des civils qui se trouvent sur le sol français, garde encore aujourd'hui toute son importance. Pour preuve, depuis le 1er janvier 2016, les chasseurs (Rafale, 2000-5F, 2000C) ont effectué quarante décollages sur alerte, tous ayant pour objet la pénétration de zones interdites de survol, et les hélicoptères Fennec ont décollé à neuf reprises et constaté trente infractions.
Dans ce quatrième box, l'Armée de l'Air, avec ses Rafale, met en avant sa capacité de reconnaissance, indispensable avant le lancement de toute opération d'envergure, ou simplement d'une mission. «Cette capacité permet de recueillir et fusionner l’information pour renseigner, décider et agir» assure l'Armée de l'Air.
La formation qui suit est composée de quatre Rafale C, issus de l'EC 2/30 «Normandie-Niémen» de la 30ème Escadre de chasse de Mont-de-Marsan (BA 118) et de l'EC 1/7 «Provence» de la 7ème Escadre de chasse d'Al Dhafra (Emirats arabes unis - BA 104).
Cette mission de reconnaissance est assurée, entre autres, par des capteurs modernes et de plus en plus puissants comme la nacelle RECO-NG ou les drones MALE MQ-9 Reaper, déployés actuellement au Niger, pour assurer des opérations dans la bande sahélo-saharienne.
La nacelle de RECO-NG, outre son utilisation régulière sur les théâtres d'opérations comme au Sahel ou au Moyen-Orient, a aussi été utilisée pour des missions de reconnaissance au-dessus de la Libye et des zones contrôlées par l'organisation Etat Islamique, pas plus tard que ces derniers mois, comme cela a été évoqué sur ce blog à plusieurs reprises.
Ce cinquième box regroupe un ravitailleur C-135FR du Groupe de Ravitaillement en Vol 2/91 «Bretagne» ainsi que quatre Mirage 2000D de la 3ème Escadre de chasse de la BA 133 de Nancy-Ochey.
Ces deux types d'appareils sont des incontournables des opérations actuelles dans lesquelles l'Armée de l'Air est engagée puisque le ravitailleur est un moyen aérien indispensable pour le déroulé des missions, et le Mirage 2000D est un appareil, certes pas aussi moderne que le Rafale, mais qui a encore sa place dans les opérations, que ce soit par sa panoplie d'armements, par l'expérience des pilotes totalement dévoués aux missions air-sol, etc…
Si l'on a l'habitude d'associer les Alpha Jet à la formation des jeunes pilotes, il ne faut pas oublier qu'un escadron, l'Escadron d'Entraînement (EE) 2/2 «Côtes d'Or», est lui-aussi équipé d'Alpha Jet, mais assure le rôle d'Aggressors au sein de l'Armée de l'Air française.
Unique en son genre en Europe, aux côtés du 100th Squadron de la Royal Air Force, les Aggressors français, avec ses douze pilotes aguerris par de nombreuses missions opérationnelles, ont pour objectif d'entraîner les escadrons opérationnels de l'Armée de l'Air et de la Marine Nationale qui seront déployés sur des territoires étrangers.
Au cours des missions, les pilotes vont simuler des aéronefs ennemis qui vont chercher à compromettre la mission de l'escadron «client», mais ils vont aussi devoir simuler l'attaque à basse altitude des bâtiments de combat de la Marine Nationale, et entraîner les JTAC français à l'appui aérien rapproché.
Enfin, ces Red Air vont aussi jouer le rôle de plastron au profit des aéronefs de la permanence opérationnelle, et entraîner les pilotes au tir canon air-air en tractant la cible derrière l'Alpha Jet.
A noter qu'à l’approche de l’été 2016, l’EE 2/2 «Côte d’Or» sera rebaptisé EE 3/8, à l’occasion du rassemblement de l’ETO 1/8, de l’AJeTS 2/8 et de l’EE 2/2 de la base aérienne 120 de Cazaux sous la 8e Escadre de chasse.
Les quatre Mirage 2000RDI de l'Escadron de Chasse 2/5 «Ile de France», de la BA 115 d'Orange-Caritat, représentent dans ce box 6 la formation des pilotes de chasse sur Mirage 2000, après celle effectuée sur Alpha Jet.
Unique en Europe, la force de frappe nucléaire française est parfois décriée, mais reste pourtant une «assurance-vie» en cas de menace majeure.
Les Forces Aériennes Stratégiques composent ce box 7 avec un ravitailleur C-135FR du GRV 2/91 «Bretagne» d'Istres et trois Rafale B de l'Escadron de Chasse 1/91 «Gascogne» de la base aérienne 113 de Saint-Dizier.
Alors que leur mission principale est la frappe nucléaire, les aviateurs des FAS sont toutefois capables de mener l'ensemble du spectre des missions de l'Armée de l'Air. Cette capacité est démontrée continuellement dans les opérations intérieures et extérieures puisque les Rafale du Gascogne assurent des missions de Permanence Opérationnelle et des missions au Sahel, alors que les 2000NK3 sont utilisés au Moyen-Orient dans des frappes conventionnelles contre l'organisation Etat Islamique.
Pas demain, ni après-demain, mais les KC-135RG et les C-135FR des FAS sont voués à disparaître et à laisser leur place aux douze A330MRTT «Phénix» après une première commande de huit MRTT de la DGA au près d'Airbus Defence & Space, le 15 décembre 2015.
Le huitième bloc est consacré à la formation en vol des jeunes pilotes et navigateurs sur Alpha Jet de l'Armée de l'Air française, mais aussi avec ceux de la Composante Air belge dans le cadre de l'Advanced Jet Training School (AJeTS).
La 8ème Escadre de chasse, sur la BA 120 de Cazaux, est composée de deux escadrons de formation : l'Escadron de Transition Opérationnelle (ETO) 1/8 «Saintonge» et l'Advanced Jet Training School 2/8 «Nice».
Ces deux escadrons ont dans leur rang trente-neuf instructeurs, dont dix Belges, un Allemand, un Italien, vingt-huit Français, seize navigateurs Français, et six pilotes Belges. Ils forment les jeunes pilotes de chasse français et belges. Parmi les jeunes aviateurs français macaronés, 60% poursuivent leur carrière sur Mirage 2000, et 40% s'en vont rejoindre le Rafale.
La formation qui survolera la tribune présidentielle sera formée par deux Alpha Jet NG (nouvelle génération) de l'Armée de l'Air, et par un Alpha Jet NG de la Composante Air.
L'un de ces appareils sera piloté par le LCL Marc, pilote de chasse belge et «commandant de l’ensemble du personnel belge présent sur les sites de Cazaux (pour la formation des pilotes d’hélicoptère), Dax et Avord (pour la formation des pilotes de transport) et participant à la coopération AJeTS». Intégré au 2/8 «Nice», cet ancien pilote de F-16AM/BM a été déployé en Afghanistan et au Kosovo.
La Marine Nationale met en oeuvre dans son premier tableau trois Rafale M et un E-2C Hawkeye, qui seront suivis de près par un Atlantique II et un Falcon 50M.
A noter : l'absence, regrettable, des Super-Etendard Modernisés, qui seront officiellement retirés du service actif le 12 juillet 2016, à la suite d'une cérémonie militaire.
La projection de forces sera décomposée en deux box : Le premier sera formé par un A400M «Atlas» du Centre d’Instruction des Equipages de Transport, et le second box comprendra un C-160 Transall de l'ET 2/64 «Anjou», un CASA CN-235 de l'ET 1/62 «Vercors» et un second du 3/62 «Ventoux».
L'A400M représentera l'avion stratégique de nouvelle génération de l'Armée de l'Air, alors que les trois «anciens», encore indispensables en raison de capacités toujours indisponibles sur les Atlas, représentent l'ossature du transport aérien français.
A noter : À l’horizon de l’été 2016, pour augmenter la synergie entre les C-160 et les CASA, véritables «frères d’armes» au combat, les CASA CN 235 de la base aérienne 110 de Creil rejoindront les C-160 sur la base aérienne 105 d’Évreux.
L’Escadron de Transport 60 détient deux principales missions : le transport d’autorités civiles ou militaires et les évacuations médicales. Ces missions «revêtent une importance capitale, tant pour permettre aux membres du gouvernement d’exercer leurs fonctions d’une manière optimale que pour rapatrier des blessés en opérations et donc sauver des vies».
La Sécurité Civile se joint également au défilé avec un King Air 200, utilisé pour les missions de liaison, et avec un Dash 8, qui permet de réaliser de l'appui aérien avec le largage d'eau et de retardant contre les feux.
L'Aviation Légère de l'Armée de Terre, pour l'édition 2016 du défilé, a mis en place cinq box :
• Le premier est composé d'un Cougar, d'un Puma, et de deux NH-90 Caïman TTH qui symbolisent les missions Héphaïstos (lutte contre les feux en été) et de contre-terrorisme.
• Le second box est celui des Actions spéciales, avec la présence d'un Tigre HAP, d'une Gazelle, et d'un Caracal.
• Le box n°3 est un sous-groupement/groupement aéromobile d'une patrouille mixte d'attaque et de destruction avec deux Tigre HAP, une Gazelle, et un Puma PC (poste de commandement en vol).
• Le box qui suit est aussi un sous-groupement/groupement aéromobile d'une patrouille de manoeuvre et d'assaut avec un Cougar et deux Caïman TTH.
• Le cinquième et dernier box de l'ALAT offre un module IMEX (IMmédiate EXtraction) avec un Tigre HAP et un Puma.
Pour ce défilé, la Marine Nationale n'offre qu'un seul box qui représente le combat aéromaritime et la sauvegarde aéromaritime avec deux NH-90 Caïman NFH, un Dauphin, et un Panther.
La présence de la Gendarmerie se matérialise par la formation d'un box composé d'un EC-145 et de deux EC-135, et la Sécurité Civile, en suivant, est représentée par un EC-145 «Dragon».
Pour terminer le défilé des hélicoptères, l'Armée de l'Air met en oeuvre deux box particulièrement utilisés au quotidien :
• Le premier est appelé «protection du territoire et secours aux populations» avec un Puma de l'EH 1/44 «Solenzara» avec à sa porte des plongeurs, et deux Fennec en suivant de l'EH 3/67 «Parisis».
• Le second est composé d'un MC-130J Commando II de l'US Air Force, suivi de prêt par deux hélicoptères Caracal de l'EH 1/67 «Pyrénées», récemment intégré au sein du Commandement des Opérations Spéciales (COS).
Ce tableau «illustre l’engagement des forces aériennes françaises et la coopération internationale dans la bande sahélo-saharienne ainsi qu’en République centrafricaine».
A noter : Le leader de ce bloc aérien défilant, le lieutenant-colonel Sébastien, est commandant en second du «Pyrénées» de la base aérienne 120 de Cazaux. Il comptabilise plus de 2000 heures de vol, a été déployé dans la bande sahélo-saharienne, et a effectué un échange de trois ans au sein de l'US Air Force sur hélicoptère HH-60 Pavehawk.
Alors que la Patrouille de France, équipe de démonstration de l'Armée de l'Air, a ouvert le défilé aérien, c'est une autre équipe de démonstration qui le clôturera : l'Equipe de Voltige de l'Armée de l'Air, ou EVAA.
Ce dernier bloc aérien met donc à l’honneur l'EVAA ainsi que le capitaine Alexandre «Popov» Orlowski, champion du monde en titre de voltige aérienne. «Popov» a déjà défilé en 2014 au-dessus des Champs-Elysée, mais dans un 2000-5F des «Cigognes» avec le box défense aérienne/sûreté aérienne, qui était accompagné d'un AWACS.
Après avoir effectué la PO en 2007, 2008, 2009, après avoir été élu champion du monde individuel et par équipe de voltige, et après avoir accumulé plus de 2 700 heures de vol, «Popov» retrouvera le ciel parisien en tant que leader du box de clôture d’une patrouille mixte composée d’un Extra 330 et de deux Alpha Jet de la PAF.