L'opération Barkhane se déroule depuis août 2014 dans l'ensemble de la bande sahélo-saharienne, de la Mauritanie au Tchad, en passant par le Mali, le Burkina Faso, et le Niger. Cette zone d'opérations représente à elle seule la superficie de l'Europe de l'ouest à l'Europe de l'est, avec 8 millions de km², et une frontière qui s'étend sur plus de 7000km.
Pour couvrir au maximum l'ensemble de ces pays, la force Barkhane dispose évidemment d'un volet terrestre, avec une logistique incroyable, mais aussi et surtout, de deux autres volets qui impliquent la troisième dimension.
Le premier étant aéroterrestre, avec des hélicoptères de l'Aviation Légère de l'Armée de Terre et de l'Armée de l'Air, et le second est aérien, avec des chasseurs-bombardiers, des ravitailleurs, des drones, et des avions de transport de l'Armée de l'Air uniquement.
Le volet aéroterrestre, bien qu'il évolue en continue en raison des besoins et des disponibilités des hélicoptères, comprend une quinzaine d'appareils qui peuvent être engagés depuis les différentes bases, que ce soit avec les «points d'appui permanents» à Gao (Mali), sur la base aérienne de Niamey (Niger), et celle de N'Djamena (Tchad).
Outre ces importantes installations, les hélicoptères peuvent aussi se déployer et opérer sur les «plateformes désert-relais», dont celle de Tessalit et de Kidal (nord Mali) et de Faya-Largeau et Abéché (Tchad), ainsi que sur les «bases avancées temporaires», avec Madama et Aguelal (nord Niger).
Le second volet est lui plus limité. En effet, outre les avions de transport tactiques, qui ont la capacité de pouvoir atterrir sur des terrains sommaires, les chasseurs-bombardiers, ravitailleurs, et drones doivent se contenter de peu de bases prédéfinies.
Le détachement Rafale, ou celui de Mirage 2000D/2000C lorsqu'ils y sont déployés (dans quelques heures concernant ces derniers), peuvent opérer depuis Niamey, N'Djamena, et peuvent aussi desserrer sur la base de Faya-Largeau, dans le nord du Tchad. De leurs côtés, les ravitailleurs français se contenteront d'opérer depuis N'Djamena ou Niamey depuis janvier 2015, qui accueille, pour cette dernière, les drones Harfang et MQ-9 Reaper.
© JL. Brunet / Armée de l'Air - Un Transall du Groupement de Transport Opérationnel (GTO) dans la poussière du Sahel.
Mais avec les milliers de kilomètres qui séparent ces différentes bases, points d'appui, et camps militaires, dont certains sont situés dans le nord du Sahel, la force Barkhane doit pouvoir compter sur des pistes d'aviation qui puissent accueillir dans des conditions raisonnables, afin d'éviter tout problème (casse, etc…), des avions de transport tactiques : C-160 Transall, CN-235, et C-130H Hercules.
Dans l'immensité de la BSS, ces appareils, pourtant victimes de leur âge et de nombreux problèmes mécaniques, sont indispensables et assurent des missions de transport de fret militaire, de personnels militaires, de parachutage, d'évacuation sanitaire, etc…
C'est donc dans ce contexte là, afin notamment de pouvoir poser ces appareils dans des zones stratégiques, que les militaires de la force Barkhane multiplient la rénovation de pistes d'aviation déjà existantes mais très peu utilisée voire abandonnée, située au fin fond du désert du Sahara.
En un an et demi, deux pistes d'aviation ont vue l'arrivée des forces militaires françaises. Retour à Madama pour la première, suivie de près par celle de Kourou Arkenne, toutes deux situées dans le nord Niger.
L'utilisation de la piste de Madama a pu véritablement débuter en décembre 2014, après des travaux de réfection et la validation de l'utilisation de celle-ci par les avions de transport tactiques.
Selon les informations communiquées par l'Etat Major des Armées le 04 décembre 2014, c'est à cette date qu'un CASA CN-235 de l'Armée de l'Air s'est posé pour la toute première fois sur cette la piste de Madama, rénovée depuis quelques semaines.
Trois jours plus tard, après avoir officiellement validé l'interopérabilité des CN-235 avec la piste de Madama, c'est au tour d'un C-160 Transall de se poser sur cette même piste afin de valider lui-aussi son interopérabilité, qui a été certifiée à son tour.
Afin de pouvoir utiliser cette piste, ce sont les «sapeurs du 25è Régiment du Génie de l’Air (25e RGA)» qui ont effectué l'ensemble des «travaux d’allongement et de revêtement de la piste d’aviation», qui se sont écoulés entre «le 05 et le 30 novembre 2014».
Lors de la publication de son communiqué fin 2014, l'EMA affirmait que les sapeurs avaient eu pour objectif de «réhabiliter une ancienne piste de 800 mètres et de l’allonger de 500 mètres afin de pouvoir accueillir les avions de transport tactique (ATT), et notamment le Casa « Nurse » médicalisé».
Depuis cette date, l'ensemble des travaux ont été terminés et la base est opérationnelle et dispose dorénavant d'une extension de 500 mètres supplémentaires, ce qui fait que la piste mesure, dans son ensemble, pas moins de 1 800 mètres. Pour mettre en oeuvre cette base temporaire avancée, entre 250 et 300 militaires de l'Armée de Terre et de l'Armée de l'Air y oeuvrent au quotidien.
Ces travaux ont aussi permis la création d'aires aéronautiques, avec la mise en place d'une bretelle reliant le tarmac à la piste, deux parkings pour les aéronefs, ainsi que plusieurs plots de stationnement pour les hélicoptères de manœuvre (HM).
© JL. Brunet / Armée de l'Air - Un CN-235 en mission au-dessus des paysages lunaires et désertiques de la BSS.
Outre Madama, une autre piste d'aviation a aussi été mise en place, ou plutôt «évaluée» au cours de l'opération de contrôle de zone Scorpion 9, qui s'est déroulée du 27 juin au 03 juillet 2016, «en collaboration avec les Forces armées nigériennes (FAN) et un sous-groupement tactique désert blindé de la force Barkhane», selon l'EMA.
Cette opération, conduite dans la passe de Toummo, avait pour objectif «de perturber les flux logistiques des groupes armés terroristes dans les secteurs de transit du nord-est du Niger».
Plus largement, une opération de contrôle de zone doit pouvoir «sécuriser une zone et en contrôler les points clefs afin de priver l’ennemi de toute liberté d’action». Appuyée par des moyens aériens et terrestres, «une telle opération bénéficie en amont d’une phase de recueil de renseignement, d’analyse, de préparation et de coordination des actions à mener».
Si l'Etat-Major des Armées, comme à son habitude, n'est pas friand de détails, ce sont les acteurs eux-mêmes de cette opération qui ont donné plus de précisions sur cette mission.
En effet, dans sa page Facebook officielle, le 4è Régiment de Chasseurs explique dans une publication (supprimée depuis…), que les objectifs de Scorpion 9, outre les patrouilles terrestres dans la région, étaient aussi «de valoriser la piste d’atterrissage de Kourou Arkenne».
Située à environ 100 kilomètres au nord de la piste d'aviation de Madama, celle de Kourou Arkenne, longue d'environ cinq kilomètres, est située en territoire nigérien… mais aussi libyen. En effet, sur ces cinq kilomètres de piste dont la quasi totalité est goudronnée, pas moins de 2,35 kilomètres entrent dans le sud de la Libye.
Le 4è Régiment de Chasseurs précise que sur place, ses militaires, aux côtés d'aviateurs du 25è Régiment du Génie de l'Air, ont eu pour mission de valoriser la totalité de la piste en y effectuant des mesures, et en retirant tous les cailloux de plus de 7,5 centimètres… même ceux situés dans la partie libyenne.
© Armée de l'Air - Malgré leur âge et leur fatigue, les Transall n'ont pas encore dit leurs derniers mots.
La mise en place de ces pistes d'aviation permet aux forces de Barkhane d'avoir plusieurs et divers points d'appui pour maintenir la pression sur les groupes terroristes de la région, qui se rendent ou qui arrivent couramment de la Libye, en proie à une situation que l'on connaît, résultant de la guerre civile et de l'intervention militaire en 2011.
Elles permettent aussi d'acheminer des troupes et du matériel militaire en évitant la voie terrestre, qui impliquent la mise en place de convois logistiques qui devront rouler pendant plusieurs jours sur plusieurs centaines de kilomètres, exposés à des tirs adverses, aux pannes, à l'embourbement, et qui devront aussi être suivis par une force de protection.
Si elles sont utilisées par les forces conventionnelles, elles sont aussi mises à la disposition des Forces Spéciales françaises et du Service Action de la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure), qui opèrent dans la bande sahélo-saharienne, mais aussi dans le nord de la Libye, en soutien des forces armées libyennes reconnues par la communauté internationale, mais pas uniquement.