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Urgences opérations, ou comment s'adapter rapidement aux théâtres d'opérations

Urgences opérations, ou comment s'adapter rapidement aux théâtres d'opérations

Face à la multiplicité des opérations extérieures, avec notamment l'opération Chammal en Irak et en Syrie, ainsi qu'avec Barkhane, dans la bande sahélo-saharienne, l'Armée de l'Air et la Marine Nationale ont dû s'adapter, que ce soit les aviateurs ou leurs matériels, afin de pouvoir disposer des équipements les plus appropriés aux opérations.

Pour cela, lorsque les aviateurs, alors qu'ils sont en pleine opération, ressentent le besoin de modifier certains acquis mis en oeuvre depuis des années et de les renouveler pour pouvoir être plus efficace, les forces armées françaises s'associent avec la Direction Générale de l'Armement Essais en vol (DGA-EV) pour développer et mettre au point le plus rapidement possible une réponse adaptée aux besoin des militaires sur le terrain.

Ces nouvelles techniques sont alors développées dans un cadre "Urgences opérations" (ou "crash program"), afin de disposer au plus vite des besoins exprimés par les militaires engagés sur le terrain. Sur son site Internet, la DGA-EV définit les "Urgences opérations" (UO) comme étant «des commandes passées principalement par la DGA et qui sont exclusivement issues du retour d'expérience opérationnel».

Au cours de l'année 2015, des programmes "Urgent opérations" ont été réalisés à plusieurs reprises, sur divers appareils de la Marine Nationale, mais aussi de l'Armée de l'Air. Retour sur ces différents programmes "Urgences opérations" qui ont fortement mobilisé les ingénieurs, pilotes, et techniciens des sites d'essais d'Istres (BA 125), et de Cazaux (BA 120) :

Photo : © Armée de l'Air / EMA - Décollage d'un Rafale équipé de quatre BLU-126.
Photo : © Armée de l'Air / EMA - Décollage d'un Rafale équipé de quatre BLU-126.
  • BLU-126, petite mais efficace

Le premier "crash program" de l'année 2015 a été l'intégration de la BLU-126 sur différents appareils de l'Armée de l'Air et de la Marine Nationale en vue d'une utilisation lors des missions de Close Air Support au-dessus du territoire irakien.

Si l'intégration de cette bombe à effets collatéraux réduits s'est déroulée en plusieurs étapes, elle a été extrêmement rapide puisqu'il n'a fallut que trois semaines, dit-on, pour réaliser l'ensemble des essais, au sol comme dans les airs.

Les premiers jours ont été consacrés à des essais depuis le sol uniquement, et par la suite, des tirs ont été effectués par les pilotes de la DGA-EV afin de pouvoir valider au plus vite son opérabilité. Les essais ont été réalisés avec trois types de munitions en service dans les forces armées françaises, depuis deux porteurs différents, et les tirs ont été conduits sur des cibles installées sur des polygones d'essais prévus à cet effet.

Dans le courant du mois d'Avril, ces tests ont été complétés et se sont achevés par la validation de l'emport de la BLU-126 sur les Rafale, les Mirage 2000, les Super-Etendard Modernisés, ainsi que sur les Atlantique II. Peu de temps après, entre le mois de Mai et de Novembre 2015, c'est la Marine Nationale et l'Armée de l'Air qui ont achevé les derniers tests puisque le 1er Octobre 2015, le Centre d'Expertise Aérienne Militaire (CEAM) de Mont-de-Marsan (BA 118) a lui aussi effectué et validé le tir de la BLU-126.

Cette bombe, qui est à la base une simple Mark 82 (Mk 82), a été utilisée pour la première fois en opération le 14 octobre 2015 en Irak. Lors de l'officialisation de ce tir par la communication de l'Armée de l'Air, celle-ci écrivait alors «qu'un Rafale a, pour la première fois, tiré un corps de bombe BLU-126 avec un kit d’armement air-sol modulaire (AASM) GPS/laser».

L'Armée de l'Air précisait également que «la BLU 126 est une bombe de 250 kg» et que sa charge explosive est de seulement treize kilos, «alors que la MK82 contient une charge explosive de 87 kg».

Tout en gardant l'excellente précision de la bombe AASM, guidée par GPS ou par un désignateur laser, la BLU-126 a l'avantage de réduire considérablement les dommages collatéraux. Son utilisation est pratique et très utile dans des environnements urbains, où la population civile se mêle souvent, malgré elle, aux combats. Elle permet aussi d'être utilisée contre des troupes ennemies qui menaceraient et qui seraient engagées au combat contre des troupes amies au sol, séparées de quelques dizaines de mètres seulement. Son rayon d'action étant restreint, son utilisation peut être possible contrairement à une bombe air-sol classique qui emporte plus d'explosifs.

Photo : © Marine Nationale - Tir d'une GBU-12 par un Atlantique II
Photo : © Marine Nationale - Tir d'une GBU-12 par un Atlantique II
  • L'Atlantique II, un avion de patrouille maritime devenu bombardier

​Entre le mois de Mars et Juin, l'ensemble des équipes de la DGA-EV s'est consacré aux développements des capacités de bombardement des avions de patrouille maritime (PATMAR) Atlantique II de la Marine Nationale.

Au cours de cette période, des ouvertures de domaine de vol et des tirs ont été réalisés par un ATL II afin de valider totalement l'emploi des bombes air-sol GBU-12 et GBU-58, guidées par le désignateur laser FOX, monté sur ces appareils.

Ces essais ont abouti à la validation des domaines d'emport de tir, à la définition des tables de tir, et à la publication des consignes quant à l'utilisation de ces munitions lors des opérations où les PATMAR sont actuellement engagés, dont notamment au Sahel et au Moyen-Orient.

Dans un article daté du 31 Mai 2015, Air & Cosmos indique alors que «ce choix découle des stocks importants de GBU-58 détenus par la marine. Ces bombes étaient destinées au chasseur SEM (super étendard modernisé), lequel va être retiré du service. Cette opération permettra donc d’éviter la mise au rancart de ce stock de centaine de bombes et de kits de guidage, tout en apportant une capacité réelle d’intervention supplémentaire».

Photo : © Swingwing / Defens'Aero - Le 2000D de la DGA équipé de quatre GBU-12.
Photo : © Swingwing / Defens'Aero - Le 2000D de la DGA équipé de quatre GBU-12.
  • Configuration quatri-bombes sur les Mirage 2000N/D/C

​Annoncé dès le 29 Juin 2015 ici-même sur Defens'Aero, l'Armée de l'Air, en coopération avec la DGA-EV, a validé l'emport des quatre bombes air-sol GBU-12 sous le ventre des Mirage 2000N, juste avant leur déploiement en Jordanie, dans le cadre de l'opération Chammal.

Cette configuration quatri-bombes, qui est dérivée d'une configuration destinée dans les premiers temps à l'export, permet aux patrouilles composées d'un Mirage 2000N et d'un Mirage 2000D de pouvoir assurer un meilleur soutien aérien au profit des troupes irakiennes au sol avec une capacité d'emport qui est doublée.

Mais cette configuration, d'abord envisagée uniquement sur les Mirage 2000N et qui a donné entière satisfaction aux équipages de l'Armée de l'Air, va maintenant être utilisée par les Mirage 2000D et les Mirage 2000C, comme je le révélais en exclusivité, ici pour les "muds" de Nancy, et ici pour les chasseurs d'Orange.

Selon mes informations, les essais qui ont été réalisés durant l'automne 2015 sur les Mirage 2000D et Mirage 2000C/B ont tous abouti à l’ouverture des domaines d’emport et de tir, et à l'utilisation de cette configuration, qui peut donc être utilisée en opération.

A ce tire, concernant son utilisation sur des théâtres d'opérations, la configuration quatri-bombes impose des patrouilles avec un profil spécifique. En effet, si le Mirage 2000N emporte quatre GBU-12, il doit être obligatoirement accompagné par un 2000D pour qu'il puisse lui illuminer sa cible avec un désignateur laser. C'est cette même configuration de vol qui doit être adoptée par les aviateurs engagés au Sahel, sauf que le 2000N est remplacé par un 2000C. De plus, si une patrouille de deux 2000D décolle avec cette nouvelle configuration, un appareil sera armé par quatre bombes, et le second le sera uniquement par trois puisqu'il doit emporter le désignateur.

Rappel chronologique :

Date de publication de l'article Nature
29 Juin 2015 Intégration de la configuration quatri-bombes sur Mirage 2000N.
03 Novembre 2015 Intégration de cette même configuration sur les Mirage 2000D.
10 Novembre 2015 Première photo d'un 2000D avec quatre GBU-12.
13 Novembre 2015  Premier vol en opération extérieure d'un 2000N avec cette configuration.
15 Novembre 2015 Premier tir en opération extérieure (Syrie) depuis un 2000N armés de quatre GBU-12.
25 Novembre 2015  Officialisation par l'Armée de l'Air de l'utilisation de cette configuration. 
30 Novembre 2015 Début de l'intégration de cette configuration sur les Mirage 2000C.