Quarante-trois ans après avoir réceptionné ses premiers Mirage III, la Fuerza Aérea Argentina (Force aérienne argentine) a retiré du service actif ses derniers Mirage IIIEA (monoplaces) et DA (biplaces) encore mis en oeuvre dans son parc aéronautique, ainsi que les derniers Mirage 5 et les Nesher (copie du Mirage 5 par Israel Aerospace Industries), lors d'une cérémonie organisée le Dimanche 29 Novembre 2015.
La cérémonie militaire et civile s'est tenue sur la base aérienne de Tandil, qui accueille la VI Brigada Aérea dans l'Est de l'Argentine, à quelques kilomètres seulement au Sud de Buenos Aires.
Sur place, des milliers de personnels militaires toujours en activité se sont retrouvés aux côtés d'anciens aviateurs de la Fuerza Aérea Argentina, mais aussi, en compagnie de nombreux militaires argentins issus des forces armées terrestres et navales. Des milliers de civils, environ 250 000 selon la presse locale, se sont rendus sur la base afin de rendre, eux aussi, un dernier hommage à ces Mirage.
Placée sous l'autorité du Chef d'Etat-Major de la Fuerza Aérea Argentina, le général de brigade Mario Callejo, lui-même ancien pilote de Mirage III, notamment pendant la guerre des Malouines, cette cérémonie a vu l'organisation de nombreuses démonstrations et de passages bas ("low pass") des Mirage III, Mirage 5, et Nesher pour le plus grand plaisir des spectateurs au sol, ainsi que, sans aucun doute, pour les pilotes dans les appareils.
Outre ces différentes versions du Mirage de Dassault Aviation, de nombreux appareils de la Fuerza Aérea Argentina ont aussi participé à la cérémonie, avec notamment des avions d'entraînement IA-63 Pampa, très semblable à l'Alpha Jet, des avions d'attaque au sol IA-58 Pucará, ainsi que des C-130 Hercules, F-27 Fokker, DHC-6 Twin Otter, EMB-312 Tucano, aux côtés d'hélicoptères Mi-171 "Hip" et Bell 212.
Au cours de cette cérémonie, le CEMAA Mario Calleejo a déclaré que «des centaines de nos pilotes de chasse ont été formés sur ces avions, et grâce à la capacité et au haut niveau d'engagement de nos ingénieurs et de nos mécaniciens dans des spécialités différentes, nous avons réussi à les maintenir en service opérationnel pendant 43 ans».
Le général a ajouté que «ces années de service opérationnel et le rôle très important qu'il a joué pendant le conflit dans l'Atlantique Sud en 1982, couplé avec son obsolescence technologique, font qu'il était nécessaire de planifier son remplacement, en prévoyant l'acquisition d'un nouveau système pour répondre aux capacités de défense aérienne supersonique».
Mirage III
L'Argentine a passé ses premières commandes et signé un premier contrat auprès de Dassault Aviation en Juillet 1970, qui prévoyait la livraison de dix Mirage IIIEA (pour rappel, monoplaces), et deux Mirage IIIDA (biplaces). Cette première tranche va se poser à partir du mois d'Août 1972 sur les bases aériennes argentines.
Une seconde tranche est commandée en 1977 avec l'achat de sept monoplaces, ce qui porte les escadrons de Mirage IIIEA à dix-sept appareils, utilisés pour la défense de l'espace aérien argentin.
Par la suite, deux appareils biplaces supplémentaires vont être achetés en remplacement d'un appareil perdu pendant une mission d'entraînement, et le second afin de renforcer la flotte des biplaces IIIDA.
L'ensemble de la flotte avait pour mission principale d'assurer la protection de l'espace aérien argentin, et d'intercepter des aéronefs qui le pénétreraient sans l'autorisation des autorités militaires. Ces appareils ont aussi été utilisés pour maintenir une présence militaire dans îles contestées, et notamment celles des Malouines, où ils y seront engagés militairement en 1982.
Mirage 5P
La Fuerza Aérea Argentina a acheté huit Mirage 5, non pas à la France et son constructeur Dassault Aviation, mais plutôt au Pérou, qui possédait un certain nombre d'appareils de ce type, et qui ont été livrés à l'Argentine à compter du 04 Juin 1982.
Cet achat et cette livraison n'étaient pas anodins puisque si Lima a envoyé ces Mirage 5 aussi rapidement à Buenos Aires, c'est pour soutenir les forces armées argentines engagées dans la guerre des Malouines, notamment afin de remplacer les appareils perdus au combat.
Certains de ces appareils, puisque spécialisés dans l'attaque au sol, vont endommager, parfois fortement, des bâtiments de guerre de la Royal Navy (voir photo des marquages).
Nesher, de Israel Aerospace Industries
Après l'attaque menée par la Force Aérienne et Spatiale Israélienne sur l'aéroport de Beyrouth en Janvier 1969, la France prend la décision d'imposer un embargo à Israël, et notamment sur la livraison d'armes. Israël, qui ne peut réceptionner ses Mirage 5 commandés à Dassault Aviation, prend alors la décision de développer sa propre version. De ce développement, en ressort alors le Nesher, de Israel Aerospace Industries, copie (presque) conforme du Mirage 5.
Lors de leur retrait de la Force Aérienne Israélienne, l'Argentine va commander 35 Nesher monoplaces, ainsi que 4 biplaces. Arrivés en Amérique du Sud, ils vont être renommés Dagger A pour les monoplaces, et Dagger B pour les biplaces. Après la guerre des Malouines, un certains nombres de ces avions d'attaque au sol auraient été modernisés, et ils auraient pris le nom de Finger.
Après la réception des premiers Mirage III, les vols d'entraînement s'accumulent et les missions opérationnelles s'enchaînent jusqu'au dernier moment, avec notamment une participation à l'important exercice "Ariete" à la fin du mois de Septembre 2015. L'ensemble de ces vols a permis à la Fuerza Aérea Argentina d'accumuler pas moins de 131 000 heures de vol.
Parmi ces heures de vol, une grande dizaine ont été effectuées pendant la guerre des Malouines, du 02 Avril 1982 au 14 Juin 1982, qui était un conflit armé entre l'Argentine et le Royaume-Uni, qui revendiquent chacun ces îles.
Au cours des affrontements aériens, bien que le Super-Etendard et ses missiles air-mer Exocet ont été mis sur le devant de la scène, les Mirage IIIEA ont aussi été utilisés, et certains furent même abattus.
Le premier appareil est abattu le 1er Mai 1982 par un Sea Harrier de la Royal Navy du No. 801 Naval Air Squadron. Au cours de ce combat aérien, le Mirage IIIEA du Grupo 8 de Caza est touché par un missile air-air AIM-9L Sidewinder. Le pilote argentin s'est éjecté et a été récupéré en mer par les forces armées argentines.
Le second Mirage IIIEA est abattu non pas par un appareil britannique, mais par un tir-ami, provenant du sol. En effet, un second appareil du Grupo 8 est d'abord endommagé pendant le combat aérien évoqué juste avant. Obligé de larguer ses deux réservoirs externes, le pilote va alors tenter de se poser à Port Stanley, à court de carburant. Mais l'appareil et son pilote vont être touchés par un canon de DCA argentin, et le pilote va être tué dans le crash de son avion.
Selon la presse locale argentine, qui évoque le retrait de ces appareils et leur participation à la guerre des Malouines, cinquante-six missions de guerre ont été effectuées pendant cette guerre.
Enfin, toujours pendant cette même guerre, un Dagger du Grupo 6 de Caza est abattu, lui aussi, par un Sea Harrier qui a tiré un AIM-9L Sidewinder. Le pilote argentin est tué au cours du combat.
Outre ces deux pertes pendant un combat aérien, la Fuerza Aérea Argentina va perdre dix Mirage IIIEA et IIIDA au cours de vols d'entraînement. Au moins quatre pilotes vont être tués au cours de ces accidents.
Avec le retrait des Mirage III, la Fuerza Aérea Argentina ne dispose plus d'un appareil spécialisé dans le combat aérien puisque les Mirage III étaient, au départ, des intercepteurs purs pouvant évoluer à Mach 2.2.
A ce jour, Buenos Aires dispose uniquement d'avions d'attaques au sol 22 A-4 Skyhawk, 31 IA-58 Puracà, et une vingtaine de IA-63 Pampa (une copie de l'Alpha Jet).
Pour disposer d'une force aérienne capable d'assurer véritablement la protection de l'espace aérien argentin, le chef d'état-major est revenu, lors de son allocution, sur les différentes solutions possibles pour le prochain avion de chasse de la Fuerza Aeréa Argentina (FAA).
Il déclare notamment «qu'après avoir analysé les Mirage F1 espagnols modernisés, le sino-pakistanais JF-17, et le Mirage 2000 de l'Armée de l'Air française, la FAA et le Ministère de la Défense a décidé que le Kfir Israélien (évolution du Mirage V) est le meilleur et qu'il répond aux exigences définies, bien que la signature de l'accord d'acquisition ait été reportée afin que cet achat puisse être examiné par le prochain Ministre de la défense, Julio Martinez, qui prendra ses fonctions le 10 Décembre». En outre, selon la presse argentine, après des propositions des Etats-Unis, l'Argentine aurait aussi accepté de tester et d'évaluer le F-16 Fighting Falcon.
1972-2012 : 40 ans du Mirage IIIEA. Certains autocollants posés sur les appareils n'ont pas tenu lors des démonstrations aériennes.
Stationnés côte à côte, les quatre appareils décorés pour cette cérémonie de retrait et pour leurs derniers vols.
Un Mi-171 effectue une démonstration lors de cette journée si particulière pour la Fuerza Aérea Argentina.
130 000 heures de vol, fièrement affichées sur ce drapeau déployé par un parachutiste des forces armées argentines.
Et ça décoiffe !!!
Despedida a los Mirages en la VI Base Aérea de Tandil. Fue impresionante vivirlo en persona, erizaban la piel con cada pasada.
Posté par Jonathan Cisneros sur dimanche 29 novembre 2015