Hier Mardi 24 Novembre 2015, aux alentours de 10h00 (heure française), un F-16 de Türk Hava Kuvvetleri (Force aérienne et spatiale turque) a abattu un Su-24M "Fencer" de l'Armée de l'Air russe au-dessus de la frontière turco-syrienne.
L'information, d'abord révélée par la presse locale turque, a, par la suite, été confirmée par l'Etat-Major des forces armées turques ainsi que par le Ministère russe de la Défense. Selon la Turquie, l'avion d'attaque au sol russe a été abattu après la pénétration de l'espace aérien turc par l'appareil russe, alors que celui-ci n'en avait pas l'autorisation.
Selon le communiqué de presse de l'Etat-Major des forces armées turques, «aux alentours de 09H20 (07H20 GMT), un avion à la nationalité inconnue a violé l'espace aérien turc, en dépit de multiples avertissements».
D'après les autorités militaires turques, ces dernières auraient prévenu les pilotes «dix fois en l'espace de cinq minutes» qu'ils étaient entrés en Turquie avec leur aéronef. Des propos qui sont appuyés par le Pentagone, qui indique, via le porte-paroles le colonel Steve Warren, que «nous étions en mesure d'entendre tout ce qui se passait, ces communications étaient sur des canaux ouvert».
Deux F-16, qui effectuaient une patrouille dans le secteur, ont alors engagé le Su-24M avec un missile air-air à guidage infrarouge, selon les forces armées russes.
Cependant, quelques instants plus tard, la Russie a affirmé que son Su-24M "Fencer", qui effectuait une mission contre les rebelles opposés aux forces armées loyalistes à Bachar El-Assad, n'avait pas pénétré l'espace aérien turc et qu'elle disposait de données afin de prouver sa version des faits.
L'appareil s'est écrasé à proximité de la ville d'Idleb, dans le Nord-Ouest de la Syrie, où se déroulent actuellement des combats entre les forces armées syriennes, soutenues par la Russie, contre les groupes rebelles qui ont conquis des territoires dans la région. La zone du crash de l'appareil se situe dans une zone montagneuse, en face de la région turque de Hatay, située dans le Sud de la Turquie.
Selon le communiqué de presse du Ministère russe de la Défense, le pilote de chasse et le navigateur se sont éjectés du Su-24M avant que celui ne s'écrase. Cependant, un des aviateurs aurait été tué par des rebelles qui se trouvaient au sol, et qui ont tiré avec leurs armes en direction du pilote alors qu'il se trouvait encore dans les airs, et qu'il descendait en parachute. Le second aviateur n'a pu être récupéré par les équipes CSAR (Combat Search And Rescue) déclenchées peu de temps après l'accident, et son état de santé et sa situation sont, à cette heure, toujours inconnus.
Il est fort probable que le Su-24M "Fencer" ait pénétré l'espace aérien turc, mais cette manœuvre n'a pas été faite dans le but de provoquer ou de frapper les forces armées turques, mais il est possible qu'il s'agisse plutôt d'une erreur de navigation et d'une violation de l'espace aérien turc qui n'est pas intentionnelle. Au mois d'Octobre 2015, un Su-30SM russe était déjà entré en Turquie lors d'une manœuvre évasive afin d'éviter un missile tiré depuis le sol.
VIDEO : Destruction de l'hélicoptère Mi-8 "Hip" qui a fait un atterrissage d'urgence.
Les forces armées russes déployées sur la base aérienne de Hmeymim (aéroport de Lattaquié) ont immédiatement envoyé deux hélicoptères de transport Mi-8 "Hip" afin de tenter de récupérer ses deux aviateurs, avec l'appui indispensable dans la région d'un hélicoptère d'attaque au sol Mi-24 "Hind". Au cours de cette mission, un des deux Mi-8 a été touché par des tirs, ce qui a obligé les pilotes à procéder à un atterrissage d'urgence, et la Russie déplore la mort d'un de ses soldats dans cet accident.
Selon le ministère russe, les équipages de cette opération CSAR sont tous rentrés à leur base, ceux qui s'étaient posés en urgence également, et des opérations de recherche sont toujours en cours pour tenter de retrouver le second aviateur. Concernant l'hélicoptère au sol, celui ci aurait été détruit par le tir d'un missile anti-char BGM-71 TOW depuis des positions de groupes opposés à Bachar El-Assad (voir la vidéo ci-dessus).
Le Ministère russe de la Défense a indiqué qu'il venait de prendre trois décisions qui impliquent les forces russes présentes en Syrie.
La première décision est l'escorte des raids aériens par des chasseurs de supériorité aérienne. Sur place, la Russie dispose de quatre Su-30 et quatre Su-27SM "Flanker". Une résolution qui risque d'être difficile à appliquer en raison des nombreuses missions effectuées quotidiennement par les chasseurs-bombardiers et les avions d'attaque au sol russes.
La deuxième décision est l'amélioration des défenses aériennes russes dans la région. Le croiseur Moskva, de la Marine russe, équipé du système de défense aérienne Fort comparable au système terrestre S-300, sera déployé le long des côtes syriennes, et à proximité de Lattaquié.
Enfin, la troisième décision annonce l'arrêt des contacts avec la Turquie au niveau militaire. Cela risque de perturber fortement (déjà que ce n'était pas simple...) la constitution d'une coalition qui coopérerait afin de s'allier contre l'Organisation Etat Islamique.
Le Président russe Vladimir Poutine a réagi à cet acte et a déclaré que c'est un «coup de poignard dans le dos qui nous a été porté par les complices des terroristes». La Turquie est régulièrement accusées de ne pas s'engager avec efficacité contre les jihadistes de l'Organisation Etat Islamique, et de les soutenir, en laissant notamment transiter des camions et des combattants sur la frontière entre la Turquie et la Syrie. M. Poutine a ajouté que «notre avion, nos pilotes ne menaçaient nullement la Turquie» et que «cet événement tragique va avoir des conséquences sérieuses sur les relations russo-turques».
Le Président turc Recep Tayyip Erdoğan a déclaré à Ankara que «tout le monde doit respecter le droit de la Turquie à protéger ses frontières». Il a aussi ajouté que dans le secteur où se sont déroulées les frappes russes, «il y a des Turkmènes, pas Daech. Ces assauts ont pour but de maintenir en vie le régime d'Assad». A ce titre, la Turquie «condamne fermement l'intensification des attaques contre les Turkmènes».
A l'issue d'une réunion extraordinaire qui s'est tenue à Bruxelles, à la demande de la Turquie elle-même, le secrétaire de l'OTAN Jens Stoltenberg a déclaré que «comme nous l'avons répété clairement, nous sommes solidaires de la Turquie et soutenons l'intégrité territoriale de notre allié turc au sein de l'Otan». Celui a ajouté «qu'il s'agit d'un incident sérieux. Il faut éviter que la situation échappe à tout contrôle» et que «la diplomatie et la désescalade sont importantes pour résoudre cette situation».