Photo : (c) Marine Nationale - Deux Rafale M effectuent un passage au-dessus du porte-avions quelques instants avant l'appontage. Le Rafale à droite de la photo vide une partie de son kérosène, étant donné qu'il est trop lourd pour apponter.
Alors que le groupe aéronaval français est entré dans le Golfe Persique depuis le 15 Février, et que ce dernier est officiellement intégré au sein de l'opération Chammal depuis le Lundi 23 Février (lire mon article à ce sujet), ce n'est que hier Mercredi 25 Février que les premières frappes aériennes des aéronefs de la Marine Nationale ont eu lieu.
En effet, selon un communiqué publié par l'Etat-Major des Armées, "au cours de cette mission de frappe planifiée, la patrouille a détruit un camp utilisé par Daech pour entraîner des combattants dans la région d’Al Quaim, non loin de la frontière syrienne".
Ces premières frappes aériennes, qui font partie de la seconde mission puisque la première a eu lieu le 23 Février, avec des catapultages sous les yeux du Ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian, ont été réalisées par deux Rafale M, dont l'un était équipé de bombes air-sol guidées laser.
Concernant le second appareil, qui a délivré tout son armement, celui ci devait certainement emporter des bombes AASM, guidées GPS, étant donné que c'est une arme qui est utilisée à chaque fois qu'il s'agit d'une mission planifiée à l'avance, et que les pilotes connaissent les coordonnées de leurs cibles.
Lors de la première journée des opérations, ce sont quatre Rafale M ainsi que quatre Super-Etendard Modernisés, tous équipés de bombes air-sol GBU-12, qui ont été catapultés afin de soutenir les forces irakiennes et kurdes qui se battent au sol contre l'Etat Islamique. Il s'agissait ici d'une mission avec des frappes dites d'opportunités.
Dans un entretien accordé à l'agence de presse française l'AFP, "Charpy", pilote de chasse de Rafale M engagé dans les opérations au-dessus de l'Irak, décrit une mission type de l'opération Chammal :
Catapultés depuis le porte-avions Charles de Gaulle, les pilotes de chasse mettent trente minutes afin de rejoindre l'Irak, et ils remontent jusqu'à Tikrit et Mossoul, afin de se rendre là où se trouvent les combats contre les jihadistes.
Le pilote, qui a déjà participé à des missions au-dessus de l'Afghanistan et de la Libye, précise "qu'il faut alors rapidement prendre une première fois du carburant auprès d'un ravitailleur de la coalition. Ensuite, on arrive dans la zone +d'intérêt+. Cela dure à peu près une heure, ensuite on va reprendre du carburant, on repart pour une heure et ceci trois fois".
Il précise "qu'avec nos moyens de reconnaissance, notamment des sortes de caméras vidéo infrarouge, on est capable de voir des mouvements de personnels ou de véhicules et de leur donner une meilleure vision de ce qu'ils ont sur le terrain. Comme cela, ils peuvent progresser en toute sécurité".
Si des troupes au sol arrivent au contact contre les jihadistes, "on doit alors rapidement réagir pour éventuellement larguer une bombe ou tirer au canon. Il y a un coup de stress, mais on est encore plus performant car très vigilant". A la différence des opérations qui ont eu lieu en Libye, en 2011, "on a très peu de personnes au sol", des forces spéciales. De ce fait, "les avions ont donc vraiment un rôle (important) à jouer pour identifier la façon dont l'ennemi bouge, change de position. C'est vraiment une autre façon de faire la guerre".
Durant les vols, "l'adrénaline est assez condensée dans le corps, on tient avec cela. Il y a des périodes de transit où on peut se relâcher un petit peu. C'est alors une fatigue insidieuse qui s'installe", mais qui est vite troublée par les contacts radios avec les contrôleurs aériens, les checklist, gérer son carburant, et connaître la position de son avion, dans un espace aérien très encombré par les aéronefs militaires de la coalition internationale.
Une fois que les pilotes quittent leur zone et rentrent sur le porte-avions, "il faut aussi se remotiver parce qu'à l'appontage, en quelques millisecondes, vous pouvez aller à la catastrophe". Par ailleurs, "Charpy" précise "qu'on reste concentré jusqu'au bout, jusqu'à ce qu'on revienne en salle d'alerte, se déséquipe. C'est là où on rend le pistolet qu'on a emmené, les chargeurs. Cela reste une arme, il faut être rigoureux jusqu'au bout sur la gestion d'une arme".
Enfin, concernant les risques encourus, le pilote de Rafale M indique "qu'on fait partie d'une coalition, inévitablement de telles exactions ont un impact psychologique". Il avoue que "beaucoup de pilotes se sont posé la question : qu'est-ce que je fais si je tombe aux mains" de l'Etat Islamique ?. Mais pour lui et ses frères d'arme, "combattre un ennemi qui est capable de telles bassesses, c'est évidemment une grosse source de motivation pour l'ensemble des pilotes. Cela ne fait que renforcer notre idéologie qui est de dire : eux sont une sorte d'obscurantisme, alors que nous, on cherche simplement à vivre en paix".