En 2003, du 06 au 16 Février, la base aérienne indienne de Gwalior, dans le centre du pays, a accueilli le premier exercice franco-indien intitulé Garuda I, le premier d'une série de cinq.
Cette base aérienne indienne est l'une des plus importante puisqu'elle accueille dans ses locaux le 1st Squadron "Tiger" ainsi que le 7th Squadron " Battle Axes", équipés de Mirage 2000H et TH, et modernisés par Israël. On retrouve encore un escadron de Jaguar IS et IB, et le TACDE (TACtical Defense and Employment), équipé de Mig-23B et UB, de Mig-27M , et de Mig-21bis, chargé de la formation tactique des pilotes et des contrôleurs.
Outre les moyens aériens, il est également possible de retrouver sur cette base le 310è TRU (Transportable Radar Unit), ainsi que deux unités équipées des systèmes sol-air SA-3 et SA-8, datant de l'ère soviétique.
Cet exercice, initié entre Paris et Delhi, a pour but de "présenter nos capacités opérationnelles ainsi que d’échanger nos procédures de travail, et ce à tous les niveaux de compétence".
Dans ce contexte, l'Armée de l'Air a décidé d'engager un déploiement assez conséquent qui comprenait 56 personnels (un médecin, deux militaires du SIRPA, trois contrôleurs, trente-quatre techniciens, ...) dont 8 pilotes, issus des défunts Escadron de Chasse 1/12 "Cambrésis" et 4/33 "Vexin", stationné, à l'époque, à Djibouti, et qui avait également amené un NOSA (Navigateur Officier Système d'Armes).
Outre le ravitailleur de l'Escadron de Ravitaillement en Vol 93, qui assurait le convoyage entre la France et l'Inde, ainsi que les missions au profit des pilotes indiens, il y avait également un Mirage 2000C et un 2000B du 1/12 et deux 2000C provenant du 4/33.
L'ensemble du personnel de l'Armée de l'Air était logé en dehors de la base aérienne, dans des hôtels au coeur de la ville de Gwalior. Afin de se rendre sur leur lieu de travail, les aviateurs français circulaient dans des véhicules civils mais disposaient d'une escorte armée permanente. Ce qui a causé de "nombreux problèmes de gestion et d'organisation".
Etant donné que le personnel se trouvait dans une zone civile, les repas du soir, ainsi que les petits déjeuners se prenaient dans les hôtels où le personnel passait ses nuits. Celui du midi était pris sur la base elle-même.
(Cliquez sur la photo pour l'agrandir - Ce n'est pas le moment d'avoir une panne moteur...)
Les 18 sorties aériennes, qui se sont intensifiées et complexifiées avec le temps, ont été réalisées en conditions réelles de brouillage avec des largages de leurres.
« Nous étions là pour les entraîner car ils attendaient leurs ravitailleurs Iliouchine IL-78 ''Midas'' (Désignation OTAN). Une anecdote, et non des moindres, est à rappeler : C’est ce premier jour, et pour la première fois, durant l’après-midi, que les Mirage 2000 français ont survolé l’Himalaya avec le C-135FR... une belle première !! » se souvient Thierry B. Par ailleurs, le Mirage 2000B n°526 qui a effectué ce survol s'est écrasé le 04 Août dernier, dans le Vaucluse. Les deux pilotes avaient réussi à s'éjecter.
Quant aux aviateurs au sol, ces derniers se sont habitués et ont appris à maîtriser les matériels indiens.
Un Mirage 2000B français (celui qui prend la photo), effectue un vol aux côtés d'un Mirage 2000TH biplace indien
Pour le contrôle aérien, la spécialité de Thierry B. lors de cet exercice, mais qui a quitté le service actif aujourd'hui, « la priorité a été d’assurer la sécurité des vols. Nous avons familiarisé les indiens à nos procédures type OTAN et nous avons assuré le "monitorat" des contrôleurs indiens (rôle d’instructeur) pour les procédures et la sécurité des vols ».
Il y avait trois contrôleurs issus de l'Armée de l'Air : Le premier de la base aérienne 103 de Cambrai (fermée en 2012) en tant que contrôleur de circulation aérienne, le second de la base aérienne 128 de Metz (également fermée en 2012) comme contrôleur tactique, et enfin, le troisième et dernier, un contrôleur de défense aérienne du CDC (Centre de Détection et de Contrôle) de Cinq-Mars-La-Pile, rattaché à la base aérienne 705 de Tours.
« Certaines missions ont été contrôlées par les GCI* français à la demande des indiens » car elles étaient trop complexes à leurs yeux, étant donné que leurs méthodes étaient limitées au contrôle serré (voir ci-après).
A cet effet plusieurs briefings ont été réalisés par moi-même et ont porté sur :
- Les ravitaillements en vol (dont la phraséologie),
- Les méthodes de contrôle en interception,
- Les COMM’s PRIORITY (priorité des communications),
- L’établissement d’une PICTURE (visualisation de l’ensemble de la menace à transmettre au pilote),
- La phraséologie adaptée aux missions OCA (pour Offensive), et DCA, ( pour Defensive).
A titre informel, une présentation de l’Armée de l’air et de nos unités respectives a été également réalisée ».
*GCI : Ground Control Intercept - Interception Contrôlée depuis le Sol : Acronyme désignant le contrôleur de défense aérienne au sol, qui est différent du contrôleur de circulation aérienne, posté dans les approches et tours des aérodromes.
« La totalité des missions a été briefée et débriefée au sein de l’escadron indien, permettant une meilleure compréhension des tactiques utilisées, surtout vis-à-vis des pilotes et contrôleurs indiens.
A cet effet, le SERPAM, moyen de restitution emporté par nos Mirage 2000, fut d’un grand secours car très explicite.
La méthodologie employée par les contrôleurs indiens est très directive. En effet, les GCI indiens pratiquent le contrôle serré et les pilotes obtempèrent aux ordres donnés, et ce jusqu’au combat ! Ils assurent un "plotting" des divers éléments, et utilisent les GPS embarqués pour débriefer les missions ».
Cette façon de procéder est totalement différente de ce que l'on peu connaître en France. Thierry B. explique que « notre méthodologie a bouleversé énormément leur façon de conduire des interceptions, tout comme ils ont mal perçu le fait que des pilotes puissent travailler de manière autonome dans une zone (ce qui fût le mieux ici à Gwalior) ».
Enfin d'assurer une sécurité maximale lors des missions, « la première mesure prise a été de définir une fréquence commune pour sécurité, tel que nous le pratiquons en France, et par la suite, de moniter systématiquement les missions françaises en étroite collaboration avec nos homologues ».
« Cet exercice a été très enrichissant tant au niveau professionnel, que d’un point de vue culturel, même si la ville de Gwalior est peu attractive.
Nous n’avons rencontré aucun problème avec nos homologues indiens, bien au contraire une cordiale entente a permis d’assurer les missions en totale synergie ». Cependant, les aviateurs français regrettent « la non libre circulation, qui s’est vu ainsi limitée aux seuls murs des établissements hôteliers ainsi que les trajets assez lourds et peu gérables ».
Mais dans sa globalité, notre contrôleur aérien retient une note positive pour ce premier exercice Garuda I, en déclarant que « cet échange reste tout de même une expérience unique que chacun a pu apprécier ».