Mardi 10 Décembre 2013, la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2014-2019 a été définitivement votée au Sénat, après un long et intense bras de fer entre le Ministère de la Défense et celui de l'économie, des finances et de l'industrie. Sur la période 2014-2019, cette loi prévoit 190 milliards d'euros de crédits, avec un budget annuel de de 31,4 milliards d'euros. Au moment de l'adoption, le texte prévoit la suppression de 34.000 postes, sur six ans. Ces suppressions s'ajoutent aux 54.000 voulus par l'ancien président Nicolas Sarkozy.
Sur ces 190 milliards d'euros de crédits, 6 milliards sont issus de ressources dites "exceptionnelles". Ces recettes portent sur l'hypothèse de la vente de fréquences hertziennes, de biens immobiliers, des Rafale, ... De plus, en 2013, 650 millions d'euros dédiés aux forces armées ont été annulés. Mais le problème, c'est que les ressources exceptionnelles, qui devaient pallier ce manque de 650 millions d'euros, ne sont toujours pas dans les comptes de l'Hotel de Brienne et ce dernier s'attend à subir de nouvelles coupes, alors que les militaires se battent sur les théâtres d'opérations, comme au Mali ou en Centrafrique, dans des conditions parfois précaires.
Dimanche dernier, sur l'émission Grand Rendez-vous, pour i>Télé, Europe1, et Le Monde, Xavier Bertrand, député UMP a déclaré que la Défense allait devoir faire face à de nouvelles coupes, deux milliards d'euros selon lui, pour que le Président François Hollande et son Premier Ministre Manuel Valls puissent tenir leur engagement qui prévoit 50 milliards d'euros d'économies.
Le député a affirmé que "le président de la République et le gouvernement sont en train de préparer de nouvelles mesures qui sont pour l'instant secrètes. Elles concernent des coupes budgétaires importantes sur le budget de la défense nationale. Ce qui est en train de se préparer, c'est une remise en cause de notre principe de sécurité nationale".
Dans la soirée, c'est au tour du Premier Ministre Manuel Valls de s'exprimer sur ce sujet, sur le plateau de TF1, face à Claire Chazal. Et il n'est pas rassurant, bien au contraire... Entre l'Europe et la situation en Ukraine, l'ancien premier "flic de France" a déclaré qu'il n'y avait aucun "plan caché" et d'ajouter "chacun doit faire un effort".
Enfin, le lendemain de l'intervention télévisée, des proches du Ministre de la Défense ont affirmé à Europe1 qu'ils l'ont "appris à la radio, comme vous" et que Jean-Yves Le Drian "attendait toujours des explications de l’exécutif".
Le quotidien Les Echos affirme, grâce à "plusieurs sources gouvernementales", dans un article paru hier Mardi 13 Mai, que les coupes s'élèveraient "jusqu’à 2,3 milliards d’euros d’ici à 2017".
En clair, ce serait 300 à 500 millions d'euros que la Défense ne recevrait pas en 2014, pour réussir l'objectif que c'est fixé le gouvernement actuel : 1,6 milliards d'euros d'économie. Il convient de rappeler que 500 millions d'euros ont déjà été annulés l'an dernier.
Lors de l'élaboration de la LPM 2014-2019, un "scénario Z" qui était soutenu par Bercy, et que l'on peut décrire de catastrophique pour nos armées, avait été abandonné par l'ancien Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, et vivement contesté par Le Drian.
Ce scénario prévoyait un budget, consacré au Ministère de la Défense, passant de 31,4 milliards d’euros à 28 milliards sur deux ans. Si ce plan est mis en oeuvre et adopté, nos forces armées perdraient une importante crédibilité sur la scène internationale, et des choix devraient avoir lieu. Il s'agit en particulier de savoir si oui ou non, la dissuasion nucléaire doit continuer d'exister sur les deux composantes :
- Air : Forces Aériennes Stratégiques (Rafale B et Mirage 2000N avec ASMP-A)
- Marine : Force Océanique Stratégique (SNLE)
De plus, la mise en place d'un tel scénario amènerait 50.000 nouvelles suppressions d’emploi au sein du Ministère, ainsi que 30.000 dans l’industrie de défense, selon Challenges. Des entreprises spécialisées dans le domaine de la Défense se verraient obligées de réduire le nombre de salariés au sein de leurs ateliers, comme Nexter, Thales, Dassault Aviation, DCNS, Renault Trucks Défense, MBDA, ...
Toujours selon le journal Challenges, une source dans l'industrie de défense s'alarme : "On pensait le pire passé, il est finalement peut-être devant nous".
Dans les semaines à venir, Jean-Yves Le Drian va donc devoir reprendre un compliqué et dangereux bras de fer entre Bercy et son Ministère, dont il estime, à juste titre, qu'il a "assez donné", et où le moral des militaires n'est pas au beau fixe...
Photo : (c) EMA/ECPAD - Jean-Yves Le Drian lors d'une visite au Mali.