Mis en service au sein de l'Armée de l'Air française en 1979, l'Alpha Jet est un appareil biplace destiné à l'entraînement et à la formation des futurs pilotes de chasse. Construit en étroite coopération entre Dassaut (France) et Dornier (Allemagne), c'est appareil capable d'effectuer des missions d'attaques au sol s'exportera dans pas moins de 12 états et vole également au sein de deux sociétés privés (QinetiQ au Royaume-Uni et Top Aces au Canada). Certains l'utilisent comme avion de formation, d'autres en tant qu'appareil de combat comme au Nigéria, au Tchad ou encore au Togo.
Lors de son introduction au sein des forces armées pour être utilisé comme avion école, l'Alpha Jet est un bon compromis pour passer de l'avion à hélices, aux avions à réaction comme le Mirage F1, le Jaguar ou le Mirage 2000 en France.
Mais de nos jours, et avec l'évolution des avions de chasse, un écart technologique s'est creusé entre le "Gadjet" et les appareils de nouvelle génération comme le Rafale. C'est pourquoi, l'Armée de l'Air devra se décider sur l'avion qu'elle compte utiliser pour la formation de ses pilotes, mais aussi, tenir compte d'un programme pour la formation commune des pilotes européens : l'AEJPT.
L'AEJPT (Advanced European Jet Pilot Training), sous la direction de l'Agence Européenne de Défense, a pour objectif de mutualiser les moyens aériens et terrestres pour la formation avancée des futurs pilotes de chasse. Ce projet est né en 1997 et rassemblait douze pays. Aujourd'hui, ils ne sont plus que neuf tel que la France, l’Italie, l’Autriche, la Belgique, la Finlande, la Grèce, le Portugal, l’Espagne et la Suède.
Lors de sa création, les pays voulaient qu'un appareil commun soit utilisé par les armées de l'Air à partir de 2010 et qu'environ 300 pilotes soient formés tous les ans. Aujourd'hui on est loin du but recherché et pour cause. Comme beaucoup de programmes entre différentes nations, les choix et les compromis à faire son complexes.
La plupart des appareils d'entraînement ont été mis à jour comme une vingtaine de nos Alpha Jet, qui depuis 2011, disposent d'une centrale de navigation inertielle couplée avec un récepteur GPS, d'un viseur tête haute, et des conduites de tir air-air et air-sol. Cette remise à niveau prolonge sa mission jusqu'en 2025. Les Alpha Jet belges ont reçu une modernisation équivalente à la notre.
La Finlande aussi a rénové ses Hawk et prévoit de les maintenir en vol jusqu'en 2030.
De plus, et c'est une raison majeure dans beaucoup de programmes, la crise financière amène à une restructuration importante des forces armées des pays participants à ce programme. Il n'est dont plus leur première priorité.
Sur les 300 pilotes que devait former cette école européenne, seulement 160 environ sont formés par an.
Le choix dépendra de plusieurs critères. Le premier et pas des moindres, est le coût à longs termes de l'appareil sélectionné. Le second, est de savoir si notre armée de l'Air choisira un appareil en concertation avec d'autres pays du programme AEJPT ou si elle ne tient pas compte de ses voisins européens.
Et c'est cette solution qui est prépondérante aux vues des faibles résultats de l'AEJPT. Ce projet, décidé par l'actuel CEMAA Denis Mercier, c'est "Cognac 2016". L'Ecole de l'Aviation de Chasse basée à Tours serait alors transférée à Cognac et elle sera surtout réorganisée de la façon suivante : "La différenciation vise à constituer, au sein de l’aviation de chasse, deux cercles : un « cœur » constitué de 240 pilotes appelés à voler sur Rafale et à exercer toutes les missions, et un deuxième cercle, d’une cinquantaine d’aviateurs, dont l’activité sur Rafale sera réduite mais compensée par des heures de simulateur et de vols sur des avions d’entraînement turbopropulsés de dernière génération. Les pilotes de ce deuxième cercle exerceront les fonctions d’instructeur et pourront, à la suite d’une remontée en puissance programmée, rejoindre les pilotes du premier cercle pour participer à certains types de mission". (Extrait tiré d'un article du site officiel de l'Armée de l'Air). Mais avant de faire cet important changement, il faut choisir un appareil qui soit adapté aux besoins de l'armée de l'Air française :
- Le Pilatus PC-21 suisse :
Il est le (grand) favori dans la compétition. En effet, le PC-21 est un turbopropulseur (comme cité plus haut...) avec un coût à l'heure de vol et en entretien beaucoup moins important comparé à l'Alpha Jet. L'appareil est constitué en partie de matériaux composites. Il peut évoluer à une vitesse de 630km et est équipé de sièges éjectables "zéro-zéro". Il dispose également d'une avionique très proche des avions de combat actuels comme des écrans LCP et une VTH (Vision Tête Haute ou HUD). Bien qu'il n'ait pas de réacteur cet avion d'entraînement peut donc rivaliser avec ses concurrents qui eux disposent de réacteurs.
Au salon du Bourget, le Général Denis Mercier a fait quelques sous-entendus lors d'une conférence de presse, qui laisse penser que la France souhaite acquérir une vingtaine de Pilatus à l'horizon 2016. De plus, au mois de Décembre dernier, un élève-pilote français a été breveté pilote de chasse après sa formation sur PC-21 en Suisse. Cette instruction permet à l'Armée de l'Air d'avoir une appréciation plus précise sur l'efficacité de cet appareil à la mission qui lui est destinée.
- Le M-346 Master d'Alenia-Aermacchi :
Le M-346 est lui aussi un avion d'entraînement et de formation avancée des futurs pilotes de chasse. Basé sur le Yak-130 russe, cet appareil est encore en cours de développement mais à déjà réussi à conquérir quelques marchés comme Israël qui commande 30 unités, les Emirats Arabes Unis avec 48 appareils ou encore la Pologne qui désire acheter 8 avions et qui teste actuellement l'appareil pour son armée de l'air.
L'avionneur compte aussi sur la France pour remporter un nouveau marché. En effet, au dernier salon du Bourget, le consortium avait proposé au CEMAA Denis Mercier le M-345 HET (High Efficiency Trainer). Cet appareil aurait un "coût d'acquisition inférieur au PC-21" et serait "plus économique à mettre en oeuvre", selon un responsable du programme, cité par Air et Cosmos. Mais les espoirs d'Alenia-Aermacchi verraient se confronter au calendrier imposé par l'actuel CEMAA qui veut un nouvel appareil d'entraînement disponible en 2016. Or, cet appareil n'entrerait en service au plus tôt qu'en 2017.
- Le Hawk de BAe Systems :
Cet appareil n'est pas en reste, puisqu'il évolue au Royaume-Uni, en Australie, au Canada, en Inde, en Finlande, les USA, et bien d'autres encore, en tant qu'appareil d'entraînement. Cependant, son choix peut être remis en cause par sa participation tardive au programme AEJPT alors qu'il fait parti de nombreuses armée de l'air, qui étaient mêmes insérées à ce programme. Bien qu'il soit un des appareils d'entraînement les plus répandus au monde, le Hawk a un coût proche de celui de l'Alpha Jet et l'objectif de ce changement d'avion-école est de faire des économies.
Il reste aussi un avantage, c'est les liens forts qui unissent l'Armée de l'Air française et la Royal Air Force britannique. Régulièrement, les Alpha Jet de l'Escadron d'Entraînement 2/2 "Côtes d'Or" s'entraînent aux côtés des Hawk du 100th Squadron britannique. Au sein de leur institution, outre leur rôle de formation des pilotes, ils assurent aussi la mission d' "Agressors". Une proximité qui peut jouer en sa faveur avec une mutualisation des moyens plus efficace.
La Patrouille de France vole depuis 1981 sur huit Alpha Jet, puis neuf en 1982. Lorsque l'Armée de l'Air choisira son futur avion-école, elle devra aussi faire le choix de conserver la PAF sur "Gadjet" (Surnom affectueux de l'Alpha Jet) ou bien de la transformer sur les appareils qu'elle commandera.
Garder une équipe de présentation avec dix appareils qui volerait uniquement en tant que démonstrateur de savoir faire serait peut être plus onéreux qu'actuellement car il faudrait conserver des pièces, des outils et des machines qui sont spécifiques à l'Alpha Jet. Garder ces instruments pour une petite quantité d'avions aurait certainement un coût plus fort qu'aujourd'hui. Mais tout cela, ça se calcule et je ne dispose pas de savoirs assez poussés pour réaliser le calcul.
Quoi qu'il en soit, même avec les coupes budgétaires aux seins des armées, la "Grande Dame" a encore de beaux jours devant elle. Lors des 60 ans de cette dernière, le 25 et 26 Mai 2013, le Ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian avait déclaré qu'elle "est un élément déterminent, c'est un creuset, même si les budgets sont contraints il faut maintenir cette image. Elle a une capacité à créer des vocations".
L'Armée de l'Air française devra dans quelques années, voir quelques mois, faire un choix important, et qui perdurera pendant au moins une vingtaine d'années dans l'institution.
Elle devra choisir entre un entraînement et une qualification de ses pilotes de façon "personnelle" avec son projet Cognac 2016 ou bien, soutenir et redynamiser le programme AEJPT en motivant les pays partenaires et en discutant de l'achat d'un avion-école qui serait commun à certaines armées de l'Air de différents pays européens, afin de mutualiser les moyens.
Les spéculations vont bon train et seul l'avenir (proche) donnera une réponse à la question posée.